A cappella
7.1
A cappella

Film de Lee Su-Jin (2014)

Un premier film impressionnant de rage et de maîtrise.


A Cappella joue d’un étrange vide, qui imprègne le regard de son héroïne Han Gong-Ju. Il s’agit du vide d’une (re)naissance, d’un formatage qui nécessite que l’on apprenne tout, à nouveau et au fur et à mesure. Pourtant, il reste quelque chose. Un souvenir. Un souvenir visiblement traumatisant, dont le spectateur ne connaîtra la nature que vers la fin du film, par petites touches. Pour son premier long-métrage, Lee Sujin fait preuve d’une maîtrise incroyable de son sujet et de sa mise en scène. Il cherche à mettre en évidence un joli contraste entre la cohérence de l’ensemble et les émotions livrées à chaque instant. A Cappella s’apprécie donc de deux manières, comme tout grand film. On le savoure séquence par séquence durant le visionnage, avant d’admirer la structure globale en sortant de la salle. Tel un tableau impressionniste, on s’extasie devant chaque coup de pinceau avant de reculer, pour voir la magie de l’image délivrée par toutes ces couleurs mélangées. La mécanique est lente mais passionnée, évoluant par petites touches. Encore une fois.


Le génie de Lee Sujin réside justement dans cette manière de jouer de la patience du spectateur. Nous vivons avec Han Gong-Ju le thème central du long-métrage : l’apprentissage. En effet, la jeune fille vient de changer d’école et habite chez la mère d’un de ses professeurs. Elle est introduite dans un nouvel environnement, comme si elle devait réapprendre à vivre. Cependant, tout son entourage semble vouloir en permanence lui plonger la tête sous l’eau quand elle voudrait respirer. Il n’y a aucun espoir dans l’univers de Gong-Ju mais elle parvient tout de même à en tirer quelque chose : la persévérance. De par son ancrage urbain prononcé, le récit devient une critique acide et brutale de la société coréenne et de son système éducatif, privilégiant une suprématie des élites (en partie définies par la corruption) à un épanouissement de la majorité. Il est clair que les tripes du réalisateur s’expriment au travers de son personnage, à priori apathique. Son comportement et son évolution n’en sont que plus justes, magnifiés par le jeu sensible de Chun Woo-Hee.


A Cappella se révèle donc être d’une rare violence, bien souvent dissimulée par des moments d’accalmie appuyés par une lumière douce et chaleureuse. Car le film décrit également une histoire d’amour. Celle d’Han Gong-Ju avec la musique, seule activité visiblement capable de l’apaiser. De sa voix de cristal, elle se crée une sorte de bulle, dans laquelle parviendront à s’immiscer quelques camarades de classe qui auront perçu son talent. Sujin crée dès lors un univers à part au sein de son long-métrage, celui qui permet à son héroïne de s’évader, tel une part d’onirisme nous rappelant par contraste le reflet du monde réel que dépeint le cinéaste. De toute façon, cette réalité fonctionne comme un boomerang, revenant quelque soit la distance à laquelle on l’a lancée. A Cappella nous raconte une fuite inexorable et sans fin, où il faut apprendre à s’épanouir durant les quelques beaux moments de la vie. Par petites touches.
cinephilanonym
8
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le 1 déc. 2014

Critique lue 712 fois

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