Petit combo classique du thriller et du procès, avec des acteurs pas mauvais (Jeff Bridges et Glenn Close), 'Jagged Edge' est en réalité d'une telle banalité que cela en deviendrait presque pathétique.

La première scène du film est celle du meurtre : par une nuit d'orage, un homme, tout de noir vêtu et cagoulé, entre dans une luxueuse maison, monte les escalier, surprend une jeune femme endormie dans son lit, la ligote, la déshabille et la poignarde. Est-il besoin de préciser que le premier plan est un POV en steadicam du tueur montant les escaliers et ouvrant la porte de la chambre ?

La seconde scène présente le 'Disctrict Attorney' arrivant en voiture sur les lieux du crime. Il est choqué par l'horrible meurtre, évidemment. Et sur le mur, à côté du cadavre, est écrit en lettre de sang 'BITCH'. Ai-je vraiment besoin de continuer ?

Ce film, tout le monde l'a déjà vu au moins 10 : un scénario bateau, une réalisation à l'opposé de l'originalité...

Alors, comment justifier de faire un tel film ? "Très simple" s'est dit le scénariste. "Et si l'on faisait en sorte de développer les personnages afin qu'il soit impossible pour le spectateur de se faire une idée sur l'identité du tueur ?! Je m'explique : dès qu'une preuve est avancée pour accuser un personnage, on présente au spectateur une bonne raison de croire que c'est en fait un autre personnage qui est coupable."

Quelle bonne idée alors : ça fait un peu comme l'expérience de Schrödinger : tant qu'on ne voit pas le visage du tueur, il est tout le monde à la fois. Impossible de départager les personnages.

Cette idée se tiendrait à l'unique condition que l'identité du tueur ne soit jamais dévoilée. Ainsi, les spectateurs pourraient toujours spéculer et il se pourrait même bien que le film fasse naître des discussions sympa pour finir une soirée entre amis (ça rattraperait un peu, vu la qualité du film). "Et bien non" se sont dit les producteurs, "on va leur mettre un gros plan du visage du tueur à la fin, une fois qu'il s'est fait tuer par l'héroïne. Comme ça, pas d'ambigüité, tout le monde est content."

Le réalisateur, Richard Marquand (qui a quand même réalisé "Return of the Jedi"), avait bien compris, lui. Dans sa première version, le gros plan sur le visage du tueur durait 18 images ; pas de quoi être certain d'avoir vu quoi que ce soit correctement. Les producteurs, eux, ont imposé que le plan dure 9 sec.

Pour le coup, c'est sûr, on ne peut pas se tromper...
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le 6 août 2012

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