Le nouveau film de Terrence Malick, un peu plus d’une année après The Tree of Life, pourrait être une excroissance de la partie centrale de ce dernier. Si on trouve moins de questionnements mystiques et écologiques dans ce nouvel opus centré principalement sur la thématique du couple et de l’amour, on renoue néanmoins avec les mêmes dispositifs. À savoir une cascade de plans qui s’évaporent les uns après les autres captant les visages et les corps dans des prises de vues identiques, l’omniprésence des voix off égrenant une litanie de questions demeurées sans réponse – débutant toutes par l’insondable et vertigineux Pourquoi – et la communion avec la nature, abimée et spoliée par les êtres humains.
On ne peut nier la qualité formelle des plans, même s’ils finissent par être répétitifs, souffrant d’une accumulation qui frise rapidement le trop-plein et irrite durablement. L’absence de réelle narration qui fait de À la merveille une œuvre essentiellement sensorielle n’est pas en soi gênante puisqu’elle laisse aussi le soin au spectateur de l’inventer et de l’étoffer à partir d’infimes détails qu’il convient cependant de ne pas rater. Il y a dans l’ensemble beaucoup de lyrisme et de grandiloquence, mais hélas ce fourre-tout si roboratif qu’il en devient écœurant et indigeste, où vient se greffer l’histoire d’un prêtre en plein doute sur sa foi et son sacerdoce, donne l’impression de tourner à vide, d’enfoncer des portes ouvertes. Les images sont tellement léchées et travaillées qu’elles ne portent plus rien, développant au contraire une esthétique de roman-photo. La beauté des comédiens y contribue, mais franchement on n’en peut plus de voir la belle Olga Kurylenko danser et tournicoter sans fin dans la campagne sauvage et ensoleillée. En proie aux affres de l’amour, de la trahison et de l’infidélité, les personnages semblent incapables d’immobilité comme si leur agitation incessante et leur mouvement perpétuel trahissaient leur intranquilité, leur incertitude existentielle. Nous pouvons comprendre leurs états d’âme et volontiers y souscrire, mais encore faudrait-il qu’ils nous apparaissent plus authentiques et ressentis. C’est l’impression inverse qui surgit, celle du creux et de l’artifice, illustrée en particulier par la voix off ânonnée et récitée de l’actrice russe dont on ne croit pas un seul instant aux tourments et déchirements.
Manquant de chair et de souffle épique, À la merveille se révèle un pensum lourdingue ayant raison de la patience du spectateur, trop rarement subjugué par la poésie de pacotille du réalisateur de La Ligne rouge, son dernier grand film. Quand on sait qu’il manifeste à présent le désir d’accélérer le rythme de ses tournages, on ne peut que craindre le pire, tout en n’oubliant pas pour les futures projections d’apporter son missel et son chapelet.
PatrickBraganti
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le 8 mars 2013

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