Maurice Pialat en mode grave vénère, c'est ici que ça se passe, dans A nos Amours.


Premier choc : Sandrine Bonnaire. Bon sang mais je n'avais encore jamais remarqué à quel point la jeune actrice était canon ! Et au réalisateur de nous en faire profiter, d'abord dans une robe d'un blanc virginal que soulève le vent à la proue d'une vedette (métaphore de l'aspiration de l'actrice qu'elle joue d'abord dans le film ?), puis en ne s'embarrassant plus d'artifices en la dénudant de bien des manières... En même temps, le film tournera d'abord autour des ébats compliqués de cette jeune actrice de théâtre de 16 ans, se refusant à son bel amoureux en vacances, mais s'abandonnant à un quelconque américain de passage, qui de surcroît s'y prend particulièrement mal pour arriver à ses fins. La magie des femmes ; la magie du cinéma...


De retour à Paris, Suzanne multipliera les conquêtes, mais on commencera surtout à connaître sa famille... Très habilement d'ailleurs ; mais je dois aussi reconnaître m'être souvent ennuyé dans cette première partie, en raison d'un rythme très lent que seules les premières engueulades entre père et fille, puis mère et fille, puis fils et fille, et enfin père et mère - en mode baston - viendront exalter. Mais que ces scènes s'avèrent d'un réalisme et d'une force impressionnante ! A l'image du réalisateur lui-même (que j'ai trouvé excellent dans le rôle du père) bafouillant son texte après sa première claque, mais de manière tellement crédible que ça en devient génial. Comme dans la vraie vie quoi !


Parce que la force de A nos Amours se situe exclusivement dans les rapports entretenus - ou pas - dans cette famille : le père se casse, sans qu'on sache d'abord pourquoi, le fille n'arrête pas de découcher, et sa mère s'en plaint jusqu'à en devenir folle, mais surtout, le frère de Suzanne (un Dominique Besnehard qui m'a carrément bluffé) prend totalement fait et cause pour sa mère. Un frangin totalement névrosé ; comme le reste de la famille ceci dit. Alors Suzanne, incapable d'aimer mais ne se sentant heureuse que dans les bras d'un homme, finit tout de même par se marier avec le plus courageux d'entre eux. Et c'est au cours d'un repas de famille que le film prend tout sa dimension : une scène d'environ 15 minutes, mais d'une justesse et d'une puissance époustouflantes ! Pialat m'a littéralement scotché, abasourdi, tellement le jeu des acteurs, les dialogues et les révélations, balayent tout sur leur passage !


Putain, ce mec en avait vraiment gros sur la patate ! Et j'ai rarement vu un type délivrer par le biais d'une seule scène autant de choses de sa personnalité. Un livre ouvert sur son dégoût de l'hypocrisie, du calcul bourgeois et de toute compromission, jusqu'à en devenir impitoyable. Et moi, ça me parle... C'est juste dommage que tout le film ne soit pas de cet acabit, malgré quelques autres jolis échanges entre son personnage et celui de sa fille Suzanne.


L'enfer familial selon Pialat.

RimbaudWarrior
7
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le 3 juin 2016

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RimbaudWarrior

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