Benoît Delépine, auteur du scénario, l’explique lui-même : l’idée d’Ablations lui est venu d’un cauchemar. Et c’est justement ce que vit Pastor (Denis Ménochet) à son réveil : émergeant vaseux au bord d’un fleuve, il s’aperçoit très vite qu’une cicatrice parcoure son flanc gauche. Après une visite chez le médecin, une ex-prête à tout pour le reconquérir, il constate qu’on lui a bel et bien volé un rein. Ce n’est pas un mauvais rêve, c’est la réalité et celle-ci va plonger ce commercial dans une spirale de destruction et de folie.

L’idée de départ était alléchante et on imagine ce qu’un Lynch aurait pu faire avec un tel matériau. Avec une simple oreille coupée, cela a donné Blue Velvet, alors vous pensez avec un rein ! On imagine la chute progressive du héros, la distorsion entre réalité et phantasme. Cela peut être troublant et passionnant quelqu’un qui devient fou et qui se bat contre lui-même. C’est ce qu’essaye de retranscrire le film mais maladroitement. Il faut dire que le scénario de Delépine ne s’embarrasse pas de finesse psychologique, ôte vite les zones d’ombre (les voleurs d’organes sont identifiés, qui plus est tout de suite) et surtout, en animateur de Groland, il ne peut s’empêcher de forcir un peu trop le trait. Ainsi traité, Ablations n’a pas l’épaisseur d’un drame psychologique, il n’entretient pas suffisamment le mystère pour devenir un thriller. Il n’est ni un film réaliste (le direction d’acteur approximative n’aide pas à rendre les personnages crédibles), ni un cauchemar éveillé, ni même une BD, entre horreur et humour noir, forme à laquelle on peut parfois penser. Les lieux visités (la bar à pute, la résidence de l’entraineur de foot…), les situations, l’ensemble des personnages, tout est caricatural ; la palme revenant à Yolande Moreau, en folle de Dieu se signant d’un « Ainsi soit-il » après chaque ablation.

La mise en scène de Arnold de Pascau, nouveau venu et remarqué par Delépine pour sa réalisation de « Good Day Today » de David Lynch, aurait pu sauver le film mais, bien au contraire, accentue formellement ce que le fond, grossier, avait déjà installé (elle a au moins la mérite d’être raccord). Les visions imaginées veulent jeter le trouble mais se révèlent essentiellement tocs et convenus, dans un tape à l’oeil un peu daté. Pour un peu, on se croirait comme un film fantastique de série B des années 80 (le film a d’ailleurs été en sélection au Festival de Gerardmer 2014). Les prouesses techniques (comme cette scène d’opération chirurgicale au fond d’une piscine) apparaissent finalement un peu vaines. Car s’il manque un rein à Pastor, Ablations manque furieusement de chair et de substance. Un constat presque logique pour un film qui n’aura été qu’une bonne idée de départ.
denizor
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le 15 juil. 2014

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