Poil à gratter
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Je ne suis pas sûr qu’il soit encore possible de réaliser ce genre de film aujourd’hui. Ettore Scola ose tout et se fout royalement du politiquement correct. Rien ne lui fait peur, ni la noirceur, ni le sordide.
Évidemment, nous sommes dans la satire, certes féroce et sans pitié, mais dans la satire tout de même, dans la plus pure tradition du cinéma italien. On est tout de suite surpris par la qualité de la mise en scène. Et il faut sans doute bien ça pour faire passer toutes les horreurs qui défilent devant nos yeux ébahis. On le sait, Ettore Scola est un très grand cinéaste et « Affreux, sales et méchants » le prouve de manière exemplaire. Il suffirait de pas grand-chose pour tomber dans le grand-guignol creux et putassier ou la dénonciation enflée de pathos mais Ettore Scola a beau évoluer sur le fil du rasoir, il retombe toujours du bon côté.
Malgré le grotesque et l’innommable, la mise en scène nous plonge dans un monde que l’on imagine bien réel. Et soudain le rire devient jaune. Au départ, Ettore Scola voulait tourner un documentaire et, d’une certaine manière, on y est bel et bien. Le décors est celui d’un vrai bidonville de la banlieue de Rome (on aperçoit d’ailleurs la basilique Saint-Pierre au loin) et la plupart des comédiens sont non professionnels. Le propos politique est là, sous-jacent, à l’image de la garderie où les enfants sont poussés à l’intérieur, enfermés et livrés à eux-mêmes dans un espace désespérément vide. Le bidonville sur sa colline, séparé du reste du monde par des autoroutes, des escaliers et des barres d’immeubles est une autre prison à l’air libre, pour adultes cette-fois. Les hommes et les femmes qui y vivent y ont été poussés par la pauvreté et une société qui ne veut ni s’en occuper ni les voir. Leur espace est vide de tout espoir.
Etorre Scola nous décrit les conditions de vie d’une sorte de Lumpenprolétariat des temps modernes dont l’aliénation impitoyable suit le cycle immuable de la reproduction naturelle… Son regard sur la nature humaine est d’une noirceur absolue. Quand bien même les enfants parviennent, par leur imaginaire, à s’échapper de temps à autre à leur condition, la cruelle réalité les rattrape toujours.
Un pamphlet satirique ultra grinçant et libertaire qui a la force d'un uppercut. Dans la tiédeur et la mélasse uniforme du cinéma actuel, ça réveille !
Créée
le 7 mai 2020
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