Sauvage, indomptable, dangereuse, secrète, fourmillant d’ombres aussi maléfiques qu’accueillantes, tantôt emportant tout sur son passage, tantôt paisible : telle est la nature humaine selon Herzog, dont Klinski est l’incarnation.
Le parallèle entre la Nature et l’Homme est un leitmotiv ici. Or, l’esprit humain tient sous un crâne et rêve du monde alors que la nature contient le monde et avale le crâne. Vanité des vanités, tout est vanité. Herzog excelle dans cette peinture de l’âme tourmentée par ses passions, folles ambitions, désirs inassouvibles pendant que la nature lui rappelle constamment la dérision de sa volonté. Grains de poussière perdus dans l’immensité, cherchant l’utopie ultime réalisant leurs souhaits inavoués de grandeur et de pouvoir, de matérialisme et d’absolu, ils ne font que crier dans le désert, tirer dans le vide, s’égarer dans l’espace et en eux-mêmes, dérivant absurdement le long de leur songe halluciné.
Avec une audace rare dans le 7ème art grâce à cette danse macabre avec la nature et ses éléments (à l’image du chasseur de grizzly, protagoniste d’un de ses meilleurs documentaires), une scène augurale époustouflante, une mise en scène proche du style documentaire (dont Herzog est un ambassadeur) dans sa façon de filmer mais aussi à travers un montage intégrant des prises imprévues (avec par exemple la descente des rapides, scène incroyable qui restera à jamais dans les annales du cinéma), un scénario rappelant l’épure beckettienne, des personnages secondaires remarquables tout comme les acteurs amateurs, et enfin un Klaus Klinski dont la performance atteint le sublime, Aguirre a tout des meilleurs films de l’histoire du cinéma.