Tokyo, des motos, des ados.

Akira c'est un sacré morceau l'air de rien qui laisse pas indifférent vu qu'on a tous vu au moins une référence ailleurs. Et je comprend pourquoi le film a marqué son temps, faut dire que passé de l'animation rigide d'un dessin animé du club Do à quelque chose d'aussi détaillé, même encore aujourd'hui, ça a du faire un choc. Et pourtant si l'animation est bluffante à plus d'un niveau et que même aujourd'hui ça reste magistral, c'est surtout tout l'univers dépeint qui m'a parlé, cette Tokyo sur le déclin le plus total dégage un vrai charme dans ambiance de jungle urbaine, où on nous dépeint une ville tiraillée entre la délinquance, les révoltes, une jeunesse abandonnée, un gouvernement corrompu, une mouvance religieuse ...

Le soucis en revanche, c'est que dans cette Neo-Tokyo, Otomo essaye de raconter des choses. Beaucoup de choses. Trop de choses même par rapport à la durée du film et de ce dont il veut nous parler. Mais ce n'est pas si grave, car le film a la bonne idée de centrer l'histoire principalement sur Kaneda et Tetsuo. L'avantage, c'est d'abord que cet aspect est peut-être le plus simple à traiter du film, cette histoire de rivalité entre deux ados semblant si insignifiante dans la fresque de thématique proposée, mais aussi que le film nous est raconté à une échelle où nous, spectateurs, ne sommes pas les seuls perdus : Kaneda et Tetsuo le sont tout autant, ils découvrent le revers de ce monde qui s'effondre en même temps, et se font tout autant dépassé par les événements. Le film fait également le choix de ne pas faire évoluer cet aspect en ce qui concerne les deux protagonistes (et oui je sais que c'est différent dans le manga), leur rivalité demeurant le coeur de leur relation sans tenir compte des enjeux à grande échelle. En bref, pour moi c'est peut-être un raté du film en ce qui concerne le traitement de tout ce qu'il balance en pleine gueule, le seul aspect ne laissant pas vraiment sur sa faim étant la relation Kaneda/Tetsuo. Pas que le reste est mauvais, loin de là, mais bien trop gourmand pour un film de 2 petites heures. Néanmoins, si le spectateur est perdu au début, le film est bien assez clair pour que l'on comprenne l'essentiel à la fin, et pour que tout soit limpide au deuxième visionnage.

Mais le moment le plus perturbant du film ça reste cette fin à la fois étrange, répugnante, horrifique. Pas que le film est dépourvu de ce genre d'instant, "l'agression" de Tetsuo à l'hôpital par un nounours géant qui suinte du lait se place bien haut en terme de trip traumatisant, mais la transformation en bébé géant difforme biomécanique qui dévore tout ce qui lui passe à portée de bourrelet, pour finir dans un putain de big bang, j'avoue que j'ai pas réalisé directement ce que je venais de voir tellement ça semblait invraisemblable.

Dernier point surprenant avec Akira : la bande-son aux antipodes des standards qu'on pourrait attendre du genre, et pourtant d'une justesse absolue avec le ton du film. La musique fait un usage intensif des percussions et des effets vocaux tribaux, voire rituels. Non seulement il s'en dégage quelque chose d'organique, mais également une aura tantôt sauvage, tantôt chamanique, tantôt religieuse, et donne un aspect très mystique au film par moments.

Enfin bref, j'approuve ce film. C'est un projet qui transpire l'ambition, parfois à l'excès, qui garde une réelle majesté visuelle qui justifie à elle seule de le voir. Le fond demeure très intéressant même si imparfait cela dit, mais le film est manifestement dépassé par ce qu'il propose. Il n'en reste pas moins très positif sur l'ensemble, et un second visionnage ne fait qu'améliorer l'expérience une fois débarrassé sur fardeau de la compréhension de ce qu'il se passe.