Quand un Alien joue les chienchiens à sa mémère

Six ans après Aliens Le retour, un troisième opus sortait sur nos écrans. James Cameron cède sa place à David Fincher, la franchise se renouvelle une fois de plus. Seulement cette fois, comme pour Robocop 2, des soucis scénaristiques feront quelques dégâts sur le produit final. Loin d’être un ratage complet, ce troisième Alien n’apportera rien d’innovant, piochant parfois dans les deux premiers opus histoire de ne pas perdre la moitié des aficionados. Quoique de ce coté, pas sûr qu’ils apprécient certains choix scénaristiques…


Production chaotique


La conception d’Alien 3, il y a de quoi rager. Voyez plutôt :


- T**rois Scénarios tous rejetés** (un était centré sur les personnages de Bishop et Hicks enquêtant sur la rumeur selon laquelle la Weyland-Yutani aurait créée de nouveaux aliens. Quant à Ripley, elle aurait été plongée dans le coma suite à l’incendie provoqué par les aliens du Sulcao),
- un tournage commençant avec **un script inachevé**,
- Et, **Michael Biehn absent**.

Production chaotique à tel point que David Fincher ne veut plus du tout entendre parler de ce film, le reniant totalement, ne voulant plus y être associé, que ce soit dans les interviews, ou remasterisation dvd et bluray. Passer après Ridley Scott était déjà difficile, passer après James Cameron l’était beaucoup plus. Avec Aliens Le retour, Cameron c’était réapproprié l’univers de Ridley Scott, ne touchant pas aux grandes lignes, changeant simplement son ambiance claustro en ambiance guerrière futuriste crasseuse. En 1992, Fincher débarque en débutant, tentant d’apporter lui aussi sa touche personnelle, et essayer de ne jamais égratigner ses prédécesseurs. Manque de chance, en quelques secondes, le réalisateur ruine la relation entre Ripley, Newt et Hicks qu’avait construit Cameron dans Aliens. Impardonnable. Ou bien est-ce les studios de La Fox qu’il faut blâmer ?


Tout comme Cameron avant lui, Fincher renouvèle les thèmes principaux d’Alien et là, il le fait assez bien : La maternité, la Weyland-Yutani obsédée par l’étude de xénomorphe au mépris des humains, jusqu’à faire revenir son protagoniste principal et le faire évoluer. Même Bishop, ou plutôt, ce qu’il en reste, sera de retour, accompagné d’une petite surprise quelque peu déroutante et incohérente, si tenté que la mini franchise Alien Vs Predator tienne une réelle place dans l’univers Alien. Sur ce point, c’est autant inexcusable que d’avoir flingué Newt et Hicks (la perte tragique, on l’a déjà eu en apprenant la mort de la fille de Ripley dans Aliens).



« Ici on a ni télé, ni cinéma, ni rien ! Ni climatisation en ordre de
marche, ni caméras de surveillances, ni congélateurs, ni distributeur
de boissons ! Ni capotes, ni femmes ni flingues. Tout ce qu'on a ici
c'est de la chiotte ! »



Quand Alien évolue dans un univers carcéral


Faute de scénario digne de ces deux autres petits frères, ce Alien 3 tente de se rattraper d’une autre façon. Première chose sautant aux yeux : l’esthétisme. Filtre orangé/ocre sombre, nous faisons la connaissance de la patte Fincher. De Seven en passant part Benjamin Button, ce filtre est propre au réalisateur. Autre touche de Fincher : l’univers comportant plus de rôles masculins que féminin et ce déluge d’hémoglobine et de grossièretés. Bien que du coté hémoglobine, on reste quelque peu dans la retenue. Morts suggérées, jamais réellement montrées, à défaut de ne pas se gêner pour montrer des corps en charpies et des giclées de sang. C’était d’ailleurs le seul et unique défaut d’Aliens Le retour.


Un seul xénomorphe en chasse comme dans Alien 1, multitudes de couloirs sans fin où l’on prend au moins le plaisir de voir notre grosse bêbête, empruntant la démarche et l’instinct sauvage d’un chien (c’est là que l’on comprendra que ce que féconde le facehugger, le chestburster en possèdera ses propriétés), jouer à une partie de cache-cache avec les détenus. Grace à cet élément, Alien 3 fait un retour aux sources. La différence si on le compare aux 2 autres, c’est l’absence d’armes à feu. Comment se défendre contre cette chose ? Ici, il faudra faire avec les moyens du bord. Piles, lampes torche, produits inflammables ajoutés à une sacré bouffée de courage pourront peut être suffire à zigouiller la bestiole. Contrairement aux deux Aliens, Alien 3 met plus en évidence le xénormorphe surgissant de ces multiples cachettes. Les déplacements sont cette fois plus fluides bien que coté fx, ça pique aux yeux. Je reste fan du travail de Tom Woodruff Jr, célèbre concepteur et interprète de l’Alien, tout comme l’animatronique utilisé encore à bon escient.



"Vous êtes tous condamnés alors le problème c'est de savoir comment
vous allez y passer. Debout, sur vos deux pieds, ou à genou, comme des
péteux."



Une femme et des hommes


Dans le lot, ressort Ripley, plus bad ass que jamais. Sigourney Weaver rempile à nouveau et le fait de manière juste et bien. Néanmoins, c’est une toute autre Ripley que nous retrouvons. Bye bye les bouclettes, place au crâne rasé rendant le personnage plus dur, plus garçon manqué. Ce n’est pas uniquement le look qui a changé. En effet, en plus d’avoir perdue sa famille recomposée (aaah Alien et son pessimisme), on ne comprend pas la raison pour laquelle le xénomorphe déambulant dans la prison refuse de la tuer. Quelque chose de sombre entoure notre héroïne, en bout de course. Clap de fin pour ce personnage iconique? On ne sait pas et c’est bien ce qui fait peur.


La jeune femme au départ isolée de tous (histoire d’éviter de se faire violer par des hommes qui pour certains, n'ont jamais vu de femmes) prendra une place de leader par la suite. Quoi de plus logique : les aliens, c’est son rayon. Contrairement à Aliens Le retour proposant des personnages attachants dont on éprouvait de l’empathie, Alien 3 ne compte que des violeurs, pervers et autres criminels. Hormis le médecin de prison interprété par Charles Dance et le mentor autoproclamé par les détenus joué par Charles S.Dutton, aucun autre personnage ne gagnera notre sympathie. Par ailleurs, le développement du Dr Clemens et la construction de sa relation avec Ripley sera appréciable. Une sorte de prix de consolation suite à la perte « stupide, abusée, répugnante » d’Hicks. Je t’en veux Fincher, JE T’EN VEUX ! Et dire que Neill Blomkamp, réalisateur un temps rattaché au projet Alien 5, avait prévu de faire revenir le personnage d’entre les morts. Merci Ridley d’avoir ruiné nos espoirs !


Les décors d’Alien 3 sont plutôt sympas. Tunnels crasseux, prison crasseuse, fonderie (rappelant étrangement Terminator 2), fumées, ce huis-clos parviendra au moins une chose : nous faire sursauter et frémir. Quant aux musiques, cette fois composées par Elliot Goldenthal (Entretien avec un vampire, Demolition man), elles sont à l’image de ce que nous proposait le premier Alien. Notes stridentes aux violons, tout se dont un film d’horreur a besoin pour nous terrifier. Et au moins coté, terreur, Fincher nous donnera de quoi faire. C’est déjà ça de gagner mais ce n’est pas ce qui fera de ce film une réussite.


Au final, honorable sans étant vraiment innovant, Alien 3, bien qu’en dessous de ces deux prédécesseurs, est un petit trip horrifique plutôt fun aux effets spéciaux datés, mais à la rythmique intéressante. Un épisode important de la saga puisqu’il marque la fin d’un élément central. L’évolution est en marche et suit son chemin. On se retrouve prochainement pour conclure la quadrilogie.

Jay77
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le 5 juin 2017

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