On raconte que James Cameron n'a pas aimé la manière dont son successeur s'est emparé de l'opus n°2 pour en donner une suite : eh bien on le comprend, car de l'élégante fiction dont il nous avait gratifiés, peuplé de robots vraiment humains, de petites filles traumatisées mais courageuses, de Marines un rien machistes mais solidaires et d'une Ripley plus sexy que jamais depuis qu'elle était passée chez le coiffeur, de tout cela non seulement il ne reste rien, mais on peut même dire que David Fincher s'est acharné à réduire en bouillie les possibles scénaristiques ménagés par son prédécesseur. Fincher au pays de Cameron, c'est un peu Rambo de retour au Viet-nam : tuez-les tous, Alien reconnaîtra les siens.
Pour commencer, comme s'il ne suffisait pas d'avoir tué la petite Newt, voilà que Ripley demande une autopsie : on nous l'éventre à la scie la petite Nwet, et le spectateur est convié à constater via un gros plan sur ses poumons sanguinolents qu'elle ne cache rien à l'intérieur : c'est cruel, ça, de découper à la scie l'héroïne de l'opus précédent juste pour démontrer qu'on en a fini avec le sentimentalisme : au suivant.
Fincher aurait peut-être aimé sauver le robot, un personnage quand même intéressant ce robot, mais c'est plus fort que lui, ce n'est pas une caméra qu'il tient, c'est une Kalashnikov, alors il nous l'explose tellement le Bishop qu'une fois reconnecté, il ne peut que bredouiller quelques pauvres renseignements avant de disparaître dans le Siderespace.
Et puis, à la vingt-cinquième minute du film, méconnaissable, sublime, paraît enfin la nouvelle Ripley. Le crâne rasé à la va-vite, son beau visage salement amoché, et jusqu'à son regard défiguré par une blessure à l'œil, Ripley a fini par devenir elle-même : plus androgyne que jamais, elle promène sur son univers – et celui dans lequel elle se réveille n'a vraiment rien de reluisant – un regard sans crainte mais sans compassion. Alien à présent, elle n'a plus besoin de le jouer, elle l'incarne. Cette bête, c'est devenu son enfant, son frère, son époux. Alors il y a ce moment clé quand elle entre dans la salle où la reluque la bande de dégénérés qui sont devenus ses compagnons de route ; et on sent qu'elle n'en mène pas large Ripley, alors elle crâne, elle s'enfonce les mains dans les poches, et elle descend les quelques marches qui la séparent de son public, en prenant l'air dégagé mais pas trop... C'est là que j'ai personnellement compris que j'avais cessé de regarder un film pour assister à la naissance d'un mythe.
Alors oui, il ne reste plus grand chose de l'univers de Cameron dans cet opus, mais Il fallait un authentique salaud pour que le film échappe à la suite convenue qui le menaçait : David Fincher est celui-là. Dans la boue, la bave et peut-être le dégoût de lui-même, il accouche avec Alien 3 de l'aîné de ses enfants. Qu'il ne le reconnaisse pas, c'est après tout normal : on commence toujours par rejeter l'autre en soi.
lasprezzatura
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le 18 sept. 2011

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