Dossier Alien- Chapitre 1 le huitiéme passager: de l'image de la mère au mythe du boogeyman

Le scénario tient du génie. Jamais on n’avait vu tant de pessimisme, de suspens et d’horreur réunis à l’écran en un film.
La cause en est simple : son auteur n’est autre que Dan O‘ Bannon, le co-auteur de Dark star en 1974, 1er film de John Carpenter, ainsi que le responsable des effets spéciaux ordinateurs de Star Wars en 1977.
Or, Ridley Scott le confesse volontiers, la vue de star wars a redéfini le champ de ses possibles, se lançant à son tour dans l’aventure spatiale.

Il n’est donc pas surprenant de voir clairement des rappels visuels propre à Star Wars, en témoigne la scène d’ouverture d’Alien, calquée sur celle « d’un nouvel espoir » :le défilement interminable du vaisseau spatiale au dessus de vos tête.

Autre inspiration clairement assumée par Ridley Scott : 2001 l’odyssée de l’espace de Kubrick (1968)
On retrouve les même couloirs octogonaux du vaisseaux spatial, le même ordinateur de bord personnifié par un nom et une voix (HAL dans 2001, et « Mother » dans Alien) et qui finit par devenir hostile envers l’homme.
Le plus frappant des hommages de Scott à 2001 est le plan final, fondu enchaîné du visage de Ripley qui s’endort calmement sur une image du vide sidérale, identique à celle du profil du fœtus sur le même vide sidéral dans 2001.

Autre inspiration et non des moindres : Halloween de Carpenter.
L’impact de ce film est tel sur le milieu du cinéma et sur les spectateurs, qu’outre avoir donné naissance à une décennie de slashers tels que Jason, Leatherface, ou Freddy, il instille dans Alien le même jeu de cache-cache du tueur et de sa victime condamnée à courir pour survivre.
Ce faisant, en s’inspirant du 1er boogeyman de l’histoire du cinéma, Scott et O’ bannon ne créeront pas moins que le seul croquemitaine de l’espace (Predator évoluant sur terre).
De même, Ash, l’officier scientifique qui fera tout pour amener l’alien sur terre et l’étudier est en fait un cyborg envoyé par la compagnie Wayland qui possède le vaisseau.
Et ce dernier, même une fois décapité et donc considéré comme « mort », revient d’entre les morts tel un Michael Myers à la fin d’halloween pour continuer de se battre à l’aveugle, tête pendante en arrière, empruntant ainsi également l’imagerie du film de zombies.

Autre trait zombiesque, même « mort » Ash est réssucitable pour un dernier interrogatoire…si c’est pas pratique ça quand même !

Il serait difficile de parler d’Alien sans aborder son sujet central : la maternité.
Le vaisseau est appelé clairement mère. Pourquoi ?
C’est une entité rassurante face au froid de l’espace comme en témoigne l’alternance de plans entre les dehors venteux et glacials de la planète des aliens et les intérieurs cosy et silencieux du vaisseaux lors de l’exploration de la planète.
Une voix féminine, douce, chaleureuse la caractérise, et elle est toujours là pour répondre à vos questions.
Bref, mère, le vaisseau est là pour protéger la famille que constitue l’équipage.
En opposition on nous présente un autre système de maternité. Celui des Aliens. Une espèce qui pose ses œufs dans un espace étranger (le vaisseau échoué) et protège ses œufs par une couche laser en dessous de laquelle la chaleur règne…bref ils couvent leurs petits.

Non content de cette exposition limpide, le système par lequel l’alien prend vie en remet une couche dans le thème de la maternité…puisque après gestation dans le corps de son hôte, la bêbête prend réellement vie à travers ce qui ne peut être décrit que comme un accouchement forcé

Cet accouchement est contre nature et donc annonciateur de désastre puisque c’est un homme et non une femme qui lui donne la vie.
En inscrivant ainsi les deux parties adverses dans une telle logique « mère protectrice /enfants à choyer/ naissance forcée » dans un milieu hostile, le film pose très rapidement son principal enjeu: le combat d’une race pour sa survie…que l’être le plus évolué l’emporte !

Et c’est bien le problème. Le « fils de Kane » comme l’appelle Ash est toujours selon le même Ash, un organisme parfait. N’étant pas humain mais un robot, et donc n’ayant pas à lutter pour sa race, Ash a le recul nécessaire pour voir la perfection biologique de l’Alien. Une peau épaisse, du sang acide qui en fait le meilleur mécanisme de défense existant puisqu’il dissuade de tirer dessus.

Mais ce n’est pas tout. Il s’adapte à des conditions atmosphériques particulièrement hostiles, sans problème, il présente un temps de gestation record (- de 24h pour « naître »), et une vitesse de croissance inouïe (quelques heures après sa naissance il fait plus de 2 m), ce qui laisse peu de doute sur sa position dominante dans la chaîne alimentaire par rapport à l’Homme.

Cette forte thématique vient faire appel aux émotions les plus viscérales que nous pouvons ressentir et nous prend du coup aux tripes comme rarement, transformant ce cache-cache horrifique en expérience quasi sensorielle, en témoigne le soin pris à dévoiler les entrailles de l’inséminateur d’alien, j’ai nommé le « face hugger », lors de son autopsie.

Au final, trahis par « mère » qui est en fait programmée pour faire passer le retour de l’Alien sur Terre avant la survie de l’équipage, tout ses enfants mourront, sauf une, qui finira par couper le cordon en faisant s’autodétruire « mère » non sans avoir pris soin, au préalable de la traiter de « bitch ».

Après tout, logique donc que ce soit une femme qui s’en sorte, celle des 2 de l’équipage qui a su garder son sang froid…la bonne mère, Ripley.

LEAVE ME ALONE
Jamais la S.F n’avait été aussi pessimiste, ni horrifique. D’où l’impact de ce film.

Tourné dans les années 70, période où les Américains, perdus entre Watergate et Vietnam,se sentent trahis par un gouvernement qui leur ment, Alien traduit comme beaucoup de films de l’époque cette perte de foi dans les institutions.
La demande de rapatriement de l’Alien est l’ordre de la Wayland company, au mépris de la vie de ses employés, pour l’appât du gain (on évoque clairement l’application militaire juteuse que l’étude du xénomorphe permettrait).
On ne peut faire confiance à personne, vous êtes seuls face à vous-même car les institutions vous trahiront.
Logique donc quand on décrit une humanité aussi pourrie, que le mal naisse littéralement de l’Homme, l’Alien incarnant finalement la pourriture de notre âme.

Le message final n’est pas tant que l’Alien est le méchant. C’est l’Homme qui, dans sa volonté de conquérir, a atterri sur une planète où des aliens vivaient sans rien demander à personne, et c’est l’homme (la Wayland company) qui demande à un cyborg de ramener un alien sur terre.
Tout ceci a été initié par l’Homme et l’Homme seul. L’instinct de prédateur de l’Alien n’est pas plus différent que celui d’un lion que l’on viendrait titiller dans sa jungle, alors que tout ce qu’il voulait c’était qu’on le laisse tranquille.

HERITAGE :

L’influence d’Alien sur la SF fut considérable.
En témoigne l’aspect des vaisseaux du futur dans Terminator, ainsi que le thème de la firme toute puissante qui explore des terrains dangereux pour l’Homme, au mépris de la sécurité de leurs concitoyens. Terminator fût réalisé par James Cameron, qui réalisera Alien, le retour, tant il était fan du 1er film.

En témoigne également “The Thing” de Carpenter, une autre histoire de vaisseau échoué dans un espace glacé abritant un alien qui ne demandait qu’à rester congeler et qui sèmera la mort dans le groupe de travailleurs (oui ça fait beaucoup de points communs mais en même temps O’Bannon s’était aussi inspiré de « the thing from another planet de Hawks » pour le scénar d’Alien, alors…
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le 24 juil. 2012

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