Bien paradoxalement, j'ai commencé par voir Alien en fermant les yeux. Enfant, j'oscillais alors entre fascination et effroi. C'est peut-être pour cela que j'ai toujours été marqué par ce film. Mais pour l'avoir vu, et revu, et revu, et revu, je crois savoir que ce qui permet de le définir comme un chef d'oeuvre, une vraie création artistique, ne réside pas seulement dans la nostalgie que je ressens.
En ouvrant bien les yeux, désormais, je constate que la modernité d'Alien est d'autant plus incroyable qu'elle a survécu aux décennies. L'espace est aussi immense que l'ambiance est intimiste. Il en ressort un huis-clos, où la survie est peu probable, contre une créature aussi mystérieuse que dérangeante. Toute la construction narrative est habile, les personnages sont écrit avec talent, chaque scène est inoubliable, à la fois limpide et complexe, sobre et riche. La peur est palpable autant parmi l'équipage que chez le spectateur qui croit sentir l'haleine acide de celui qui n'a pas été invité. L'esthétique unique qui entoure ce huitième passager, l'implicite passé qui laisse toujours place à l'imagination, les détails toujours intelligents, la narration subtile, des scènes choquantes non par ce qu'elles montrent mais par ce qu'elles signifient, tout est parfait, équilibré.
Plus qu'un grand film d'épouvante spatial, Ridley Scott est parvenu à créer un univers entier à partir d'une intrigue minimaliste étendue sur quelques journées dans la vie d'un vaisseau spatial uniquement peuplé de sept humains quelconques, d'un chat téméraire et d'un Alien irascible. C'est exactement là où réside l'art.