Conscient de n'avoir aucune chance de battre Ridley Scott sur son propre terrain s'il se contente de mettre en image une banale suite, James Cameron, tout juste auréolé du succès de son premier "Terminator", va prendre en exemple le George Miller de "Mad Max 2", reprenant les ingrédients qui ont fait le succès du premier opus (en gros, des humains arrivent sur une planète et se fightent avec des grosses bêbêttes) mais en poussant le concept dans ses derniers retranchements et surtout en adoptant une approche légèrement différentes, laissant de côté l'angoisse insidieuse pour un spectacle plus frontal. Ce qui aura pour résultat de voir ce second épisode taxé un peu rapidement de simple Rambo dans l'espace. Si Cameron joue effectivement beaucoup avec une iconographie guerrière et belliqueuse, où éclatent d'ailleurs ses talents d'ingénieur, il se sert de cette imagerie pour livrer une sorte de parabole délirante et décalée sur la guerre du Vietnam, la première moitié du film nous montrant tout simplement des bidasses orgueilleux et sûrs de la victoire plonger dans un univers qu'ils ont mal étudiés et se prendre une branlée monumentale. Jouant comme Ridley Scott sur l'attente pour faire monter la tension (les aliens ne pointent le bout de leurs mandibules qu'au bout d'une bonne heure), il choisit cependant de les montrer frontalement et sous un jour purement animal et monstrueux, loin de la vision très élégante et sexuée imaginée par Giger. Spectaculaire, ultra-fun et parfois bien dégueulasse, porté par des seconds rôles attachants (en particulier Michael Biehn et Lance Henricksen), "Aliens" est l'air de rien un blockbuster incroyablement intelligent, permettant à Cameron de brosser un portrait de femme comme lui seul ose en proposer dans le cinéma d'action, racontant avant toute chose le combat acharnée de deux mères, l'une humaine et maman par adoption (Sygourney Weaver, magnifique d'intensité), l'autre, extraterrestre et digne d'une reine fourmi cauchemardesque, mais toute deux semblable dans leur rage et leur détermination à sauvegarder leur espèce respective, introduisant du coup le thème de la maternité contrariée, qui sera au centre du reste de la saga. Pas mal pour un simple film de bourrin.
A noter que James Cameron sortira au début des années 90 une director's cut plus longue d'un bon quart d'heure, incorporant des séquences intéressantes (le quotidien des colons; la défunte fille de Ripley) mais affaiblissant l'impact du film.