Mais… Mais…
Mais c’est moi où cet « Alita : Battle Angel » est un blockbuster qui a décidé de faire les choses proprement ?
Nooooooon… Il existe encore des gars qui, à Hollywood, ont encore un minimum de bon-sens artistique ?
Ah bah ça… Je ne vais pas vous mentir : j’en suis le premier surpris.
Il avait beau y avoir Robert Rodriguez aux commandes et James Cameron en appui à l’écriture, pour moi ça ne suffisait pas à me faire oublier tous ces précédents qui, bien que conduits par des noms prestigieux, se sont révélés être d’immondes farces boursouflées et stupides (« Man of Steel », tu restes encore aujourd’hui mon champion toutes catégories…)
Mais là, avec cet « Alita », le duo Rodriguez / Cameron apporte vraiment son savoir-faire.
On renoue juste avec les bases élémentaires : ces trucs qui font que chaque dollar dépensé est un dollar judicieusement investi.
Premier soulagement : c’est propre.
Certes il y a du CGI partout, mais ça reste du CGI qui ne nuit pas aux enjeux habituels de construction d’espace de cinéma.
Les cadres ne font pas n’importe quoi. C’est fixe. C’est net. C’est lisible. Ça ne flanque pas par terre un siècle de narration par l’image sous prétexte qu’on peut faire tout et n’importe quoi.
Du coup on se retrouve avec des lieux et des personnages qui, bien que considérablement retravaillés numériquement, ont malgré tout une texture et une présence à l’écran.
Bon après c’est vrai que toute cette réussite là ne repose pas que sur la sagesse et la maîtrise de Rodriguez : techniquement le film envoie quand même du bois.
Chapeau d’ailleurs pour le rendu visuel d’Alita. Le pari formel était risqué.
Finalement le personnage est très expressif et remarquablement intégré. On ne tombe pas dans l’uncanny valley que je redoutais tant.
Ça pourra d’ailleurs paraître étrange que je m’attarde tant sur tous ces détails formels avant de véritablement aborder le cœur du sujet mais, quand je regarde la production américaine actuelle, je constate quand souvent que le premier échec de ce genre de films se trouve là : avant même de nous raconter quoi que ce soit ils n’arrivent pas à rendre leur univers agréables, regardables et surtout crédibles.
Là, pour cet « Alita », sans non plus crier au génie et à la claque esthétique, je trouve au moins que ça sait être propre (oui j’insiste), inventif et lisible.
C’est certes une base – je suis d’accord – mais c’est tellement une base qu’on ne voit plus ces derniers temps dans ce type de production que ça me semble juste fondamental de le signaler.
Mais ce qui est malgré tout assez génial avec ce film, c’est qu’à cette rigueur esthétique s’associe également une vraie rigueur d’écriture.
Alors, là encore une fois, « Alita » ne nous propose pas du « Citizen Kane » (en même temps : ce n’est pas ce qu’on lui demande), mais dans ce domaine là aussi, les bases sont respectées.
Pas d’introduction frénétique où on se doit d’en faire et d’en montrer le plus possible parce que – toi-même tu sais – les spectateurs ils savent pas attendre et s’ils ont payé c’est pour tout avoir tout de suite…
Non. Là, on n’oublie pas que le cœur de la séduction, ça passe par une bonne gestion de l’imagination et de la frustration.
On nous évoque beaucoup de choses mais sans nous en montrer davantage. On nous laisse le temps d’éveiller notre curiosité.
C’est notamment le cas de la cité de Zalem ou bien encore de ces fameuses parties de Motorball. La gestion de cet élément d’intrigue est d’ailleurs un magnifique cas d’école.
Dès les premiers plans on nous présente le stade au loin puis, quand Alita découvre les rues d’Iron City, on nous montre une bribe de partie sur un écran. Alita découvrira ensuite les règles du jeu en participant à une partie entre gars de la rue. Son boyfriend l’emmènera ensuite voir une partie en tant que spectatrice et ce n’est qu’ensuite que, bien évidemment, Alita participera à son propre tournoi de Motorball. Or, au-delà du fait que cette scène soit efficace grâce à son dynamisme et à sa lisibilité, elle fonctionne d’autant mieux que le film a su nous la faire DESIRER. Et ce qui est fort dans cette façon d’avoir amené la chose, c’est qu’aucune de ces étapes d’exposition n’est venue alourdir ou ralentir la narration. A chaque fois, l’élément d’exposition venait se mêler au cheminement de l’intrigue. La découverte du panneau publicitaire est avant tout un moment où Alita découvre globalement son monde et s’en extasie. La première partie de Motorball dans la rue est avant tout un moment de sociabilisation, de confrontation et de découverte du corps pour l’héroïne. Le premier moment au stade s’intègre à une logique de premier rancard. Enfin, la première partie de Motorball se greffe à la réalisation du projet qu’ont construit communément Alita et Hugo.
Et le Motorball n’est qu’un exemple parmi tant d’autres : beaucoup d’autres éléments amenés à être iconisés dans ce film sont toujours savamment présentés, par étape.
C’est le cas des opposants par exemple, qu’il s’agisse de Grewishka ou de Zapan pour ne prendre qu’eux ; mais c’est aussi le cas du corps de berseker ou bien encore de l’épée dont Alita finira par se doter…
Tout dans ce film est préparé avant d’être consommé.
On prend le temps. On respecte une rythmique.
On échelonne les révélations et les informations.
On laisse le temps à chaque personnage de se révéler et de s’accomplir.
On ménage les quelques mystères et retournements de situation indispensables au bon entretien de l’intrigue.
On fait attention à faire en sorte qu’il y ait une progression dans les phases de confrontation et d’action…
Bref, on fait juste le taf comme il devrait toujours être fait quoi !
Tout ça c’est juste la base ! Et ça fait tellement du bien qu’un film nous rappelle que, même dans le domaine des blockbusters, cette base elle est juste essentielle !
Ç’en est presque un vent de fraîcheur de voir qu’au milieu de tous ces enjeux financiers des gens parviennent encore à garder la tête froide et à se rappeler de comment fonctionne une œuvre cinématographique !
Mais bon, est-ce qu’en vous disant cela je suis en train de vous avouer qu’en fait « Alita » n’a que pour seul mérite de faire les choses proprement, sans rien apporter vraiment de significatif à son genre, et que je m’emballe au final pour pas grand-chose ?
Je vais être honnête avec vous : oui, un peu.
En soi, « Alita » applique sa bonne vieille formule de l’épopée « monomythique » sans vraiment tenir de propos spécifique ni même soutenir de postulat formel particulier.
Donc c’est vrai, « Alita » n’est pas l’incarnation du film extraordinaire ; de ce type de pivot à la « Matrix » ou à la « District 9 » qui va impacter durablement son genre.
Mais malgré tout, « Alita » peut faire valoir plusieurs atouts qui sont loin d’être négligeables.
D’abord il pose un univers transhumaniste qui a sa patte ; un univers travaillé malgré le fait qu’il s’éloigne des logiques et atmosphères habituelles de cinéma d’anticipation.
Ensuite il jongle finalement plutôt bien avec son matériau de base qu’est le manga « Gunnm ».
Sans l’avoir lu, j’ai vu cet « Alita » avec un adorateur des premières heures et il m’a expliqué tout ce que le film s’était efforcé de traiter et de poser. L’air de rien, au regard du nombre d’éléments traités, les amis Rodriguez et Cameron ont su gérer les choses de telle manière à ce que ça passe sans nuire à la cohérence, à l’efficacité et au rythme de l’intrigue.
Et puis, dernier point fort (ou plutôt point de suspension), le film se révèle être au final...
...le point de départ d’une franchise. Osons espérer qu’il ne s’agit là que d’une future trilogie et pas plus ! Personnellement ça m’a un peu déçu au départ car ça a donné à ce film un petit côté inachevé voire mensonger (tellement d’éléments avaient été posés en intro que j’espérais un film dense capable de tout accomplir. Et ce film dense, je ne l’ai pas eu.), mais d’un autre côté ce côté inachevé laisse aussi une possibilité au film d’apporter un vrai propos de fond pour les suites à venir. Donc – qui sait ? – cet « Alita » n’est peut-être que l’amorce sage d’une saga absolument mortelle… Comme ça peut-être aussi une fausse promesse. Ça, l’avenir nous le dira.
...
En tout cas, à bien tout prendre : j’assume pleinement ma note de 7/10.
« Alita : Battle Angel » fait le boulot d’une manière qui fait plaisir. Et même s’il se pose dans des plates-bandes déjà archiparcourues par d’autres avant lui, cela fait plaisir de voir un film venir reverdir le sillon, ravivant ce qui manque clairement ces derniers temps à l’industrie hollywoodienne.
Donc pour moi, vous l’aurez compris, cet « Alita : Battle Angel » c’est un grand « oui » !