Petite précision : je n’ai pas lu le manga Gunnm et ne pourrai donc pas juger de la qualité du travail d’adaptation.


Projet porté par James Cameron qui souhaite adapter le manga Gunnm créé par Yukito Kishiro depuis le début des années 2000, Alita : Battle Angel a la lourde tâche de ne pas décevoir les fans de l’œuvre originale, qui jouit d’une excellente réputation, tout en développant un univers accessible au grand public. Les suites d’Avatar monopolisant le temps de Cameron, la réalisation du film se voit finalement confiée à un réalisateur capable du meilleur comme du pire : Robert Rodriguez. Quant à l’écriture du script, c’est Laeta Kalogridis qui s’en chargera.



Danse, petit puceron.



Alita : Battle Angel nous propulse dans son univers Cyberpunk au travers des yeux démesurés de son personnage principal : Alita, cyborg intégrale trouvée dans une décharge et fraîchement remise en état par le Dr. Dyson Ido. Seule ombre au tableau, Alita est amnésique et ne se souvient d’aucun événement précédant son réveil. Comme elle, nous découvrons donc la cité qui servira de cadre à l’intrigue : Iron City ; située dans l’ombre de la dernière cité-état volante de l’humanité, Zalem dans laquelle résident les habitants les plus riches. Plusieurs siècles avent les événements du film, une guerre a ravagé l’intégralité de la population de la planète, à l’exception donc de Zalem, qui utilise aujourd’hui la population pouilleuse d’Iron City pour produire toutes les denrées dont elle a besoin. La quête initiatique d’Alita s’articulera autour du recouvrement de ses souvenirs, sur fond de survie dans ce monde où le fort écrase le faible ; dichotomie classique de ce genre d’œuvre.


L’influence de J. Cameron se ressent dans la rapidité et la fluidité avec laquelle le film nous présente tous ces éléments. Ce premier quart d’heure rappelle furieusement Avatar de par sa construction – l’exposition de l’univers au travers d’un personnage principal complètement étranger à ce monde – comme un certain Jake Sully déambulant dans son fauteuil roulant, Alita découvre le monde qui l’entoure avec une curiosité débordante. Et si la suite de l’intrigue s’étoffe à mesure que le métrage déroule son scénario, force et de constater que cette fluidité dans la manière de raconter une histoire demeure. Tous les événements auxquels sera confrontée Alita s’imbriquent de manière logique et font progresser l’intrigue sans jamais la rendre confuse. Par contre, l’histoire est cousue de fil blanc. Peu de rebondissements surprennent vraiment et l’intrigue déroule sans grandes surprises, si ce n’est celle de ne pas résoudre tous ses enjeux, loin de là. Le film appelle à une suite et il est dommage de forcer à ce point ce découpage. Une petite demi-heure supplémentaire pour conclure son intrigue n’aurai pas été de trop, malgré un métrage affichant déjà plus de 2h au compteur.


Il est également regrettable que les dialogues nous parlent d’un monde différent de celui que l’on nous présente visuellement ; tous les personnages s’efforcent de décrire un monde dur et impitoyable alors que s’enchaînent les scènes de rue dans une Iron City plus propre et sécurisé que n’importe quel bidonville contemporain. Ce choix de design surprend un peu tant il ne colle pas avec les dires des intervenants. On sent même parfois que R. Rodriguez aurait bien voulu pousser le curseur de la violence, mais que les producteurs l’en ont empêché afin de ne pas se couper du grand public. Cela donne naissance à des scènes qui auraient pu marquer le spectateur par leur violence et le rapport au corps tout particulier qu’entretiennent cyborgs avec leurs membres artificels, mais qui ratent le coche ; la faute à des artifices servant à atténuer la brutalité de certaines scènes : exécutions hors-champs ou encore un sang bleu fluo. En revanche, autre choix artistique qui a fait couler beaucoup d’encre suite à la diffusion des premières bandes annonces, les yeux démesurés d’Alita ne perturbent pas plus de quelques minutes. Si au départ, ce personnage intégralement numérique semble tout droit sorti de l’uncanny valley, le travail abattu sur la motion capture et les effets numériques est bluffant et Alita s’intègre tout à fait dans cette ville remplie de cyborgs plus ou moins avancés.


La réalisation de Robert Rodriguez est soignée, quoiqu’un peu sage. Les scènes d’actions sont toutes d’une lisibilité exemplaire, que ce soit des affrontements entre cyborgs virevoltants, des courses poursuites à travers un bidonville surchargé ou des parties effrénées de Motorball. Le Robert sait manier sa caméra (les plans 100% numériques aidant), et se permet une inventivité dans la mise en scène des scènes d'actions que l'on aurait aimé voire retranscrite sur tout le reste du film. Malgré quelques longueurs disséminées çà et là, le rythme est maitrisé et le film passe à une vitesse ahurissante.


La technique de motion capture, reprise là aussi d’Avatar, permet de donner à Alita le visage de son interprète : Rosa Salazar. La jeune femme est bien là, malgré l’énorme couche numérique dont elle est affublée, elle parvient à réellement incarner ce petit bout de Cyborg. Alita convainc et devient vraiment attachante à mesure que le film avance. Le reste du casting s’en sort sans grand efforts, faute à des personnages un peu caricaturaux. Christoph Waltz campe un Dr. Ido protecteur et bienveillant, rôle assez peu nuancé. Le jeune Keean Johnson se voit attribué le rôle de Hugo, énervant du love interest rêveur, naïf et forcément idéaliste. L’oscarisé Mahershala Ali semble s’amuser à dépeindre un mafieux impitoyable, mais ne convainc pas vraiment tant il glisse trop souvent dans la caricature, comme sa comparse Jennifer Connely, qui ne traversera le film qu’avec une seule émotion imprimée sur le visage. La partition de Tom « Junkie XL » Holkenborg déçoit et se conforme à un classicisme malvenu. L’univers permettait pourtant de se lâcher un peu plus sur la composition musicale à l’image de la piste Motorball.


Alita : Battle Angel est-il un bon film ? Oui, assurément. Néanmoins, sa galerie de personnages tous plus convenus et caricaturaux les uns que les autres et son univers qui n’arrive pas à se démarquer suffisamment accouchent d’un film qui n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Reste qu’Alita est extrêmement attachante et que l’on sent que ce film n’est qu’une couche de vernis que l’on a envie de gratter pour aller voir ce qui se trouve dessous, tant les possibilités sont nombreuses. Espérons que le film ne se plante pas totalement au box-office pour que les suites prévues voient le jour car le matériau est là, il faut maintenant l’exploiter avec un peu moins de retenue.

Exosfear
7
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le 9 mars 2019

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