(Attention, cette critique contient des spoils sur le film. J’ai essayé en revanche de ne pas spoilé le manga, pour ceux qui n’auraient vu que le film et voudraient découvrir l’œuvre originale.)


Gunnm est un manga qui m’a accompagné dans mon enfance et mon adolescence. Initialement, je ne lisais en boucle que les tomes 2, 3 et 5 de la première édition française, que mon frère avaient laissés dans sa chambre. Ce n’est que plus tard que j’ai pu découvrir l’ensemble de cette première série, lorsqu’un ami me prêta les 6 tomes manquant. Puis j’ai suivi fidèlement la série Last Order, ne manquant pas d’acheter un tome dès sa sortie ou presque, et découvrant par déduction qu’il existait une fin alternative à la première série. Jusqu’à ce que je me procure les 6 tomes grand format, réédition de la première série, et que je découvre ainsi comment on pouvait passer logiquement de Gunnm premier du nom à Gunnm Last Order. Bref : Gunnm est une œuvre qui, par son univers et les thématiques abordées, a grandement inspiré mon imaginaire.
C’est pourquoi j’ai suivi avec une grande attention le projet d’adaptation au cinéma de Gunnm porté par James Cameron, un amoureux de la BD qui s’en est notamment inspiré pour sa série Dark Angel que je regardais de temps en temps lors de la trilogie du samedi. Je ne savais pas trop ce que cela pouvait donner en film, et n’avait pas particulièrement de grande attente. Il ne vaut mieux pas en avoir lorsque l’une de vos œuvres favorites est adaptée au cinéma…


Je m’attendais donc à aller voir une potentielle grosse bouse qui bafouait l’œuvre originale pour se plier aux conventions hollywoodienne. L’adaptation reprend d’ailleurs le titre anglophone, « Battle Angel Alita », très éloigné du titre original (« Ganmu », contraction entre « Gun » et « Dream »), qui colle parfaitement à un film d’action daubesque. Puis vinrent les premières images de la bande annonce, qui annonçaient une intrigue assez fidèle aux premiers tomes de la série. Donc je me suis dit « Allez, passons sur les ignobles yeux de Gally (Alita) et sur la gueule de con de Hugo, peut-être que ce film va être potable. »
Je ne suis pas non plus allé le voir au cinéma, mais ai profité d’un vol Singapour-Paris pour le regarder.


Et finalement… Ce n’est pas une si grosse bouse, même si je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’un bon film non plus. D’ailleurs, étant un fan de la série, je réalise que j’ai beaucoup de mal à dire s’il s’agit d’un bon film ou non. Ou du moins, si j’aurai pu apprécier ce film sans connaissance de l’œuvre originale. Comme si je ne pouvais le juger qu’en tant qu’adaptation. De ce fait, je vais m’employer ici à le juger seulement sous sa forme d’adaptation.


Une première chose qui m’a déplue est le choix artistique dans la représentation du monde et de la décharge (« Iron City »). C’est une vision sûrement très personnelle, mais je trouve qu’un décor un peu plus « à l’ancienne », comme ce qui se faisait dans les années 80 (comme dans le premier Blade Runner ou dans New York 1997 par exemple), aurait beaucoup plus collé à l’univers de Gunnm qu’une déferlante de 3D et de décor de synthèse.
Le monde futuriste de Gunnm a un côté un peu grotesque : les cyborgs ont parfois des corps complètement absurdes, ce qui accentue le côté « dystopique » de la décharge, un lieu loin de faire rêver. Un exemple frappant sont les « bornes », ces interfaces parlantes du système, sous forme de tube, qui inscrivent notamment Gally en tant qu’Hunter Warrior. Je me dis, qu’au final, une simple tête d’acteur dépassant d’un tube métallique aurait mieux fait l’affaire. Ç’aurait été ridicule certes, mais les bornes le sont. Des espèces d’humanoïdes cylindriques joufflues, dont on a grandement envie de se moquer, mais à qui il faut obéir à la lettre car elles dictent toutes les règles imposées par Zalem. J’ai également été troublé dans un premier temps par le visage d’Alita. Avec ce visage de synthèse, elle paraît d’autant moins humaine. Une grande thématique du manga original est la dualité entre humain et cyborg. Est-on encore humain si tout notre corps est mécanique ? Je comprends toutefois ici le choix : ce n’est pas seulement le corps, mais toute l’apparence d’Alita qui s’éloigne de l’être humain. Seule alors lui reste son comportement et ses émotions pour faire valoir son humanité.
Bon, au-delà de cet aspect qui ne relève que d’un choix artistique, il est temps de rentrer dans le cœur du sujet, à savoir l’histoire qui nous est contée pendant ces deux heures.


Le film reprend la trame des deux premiers tomes du manga : de la découverte du corps inerte de Gally par Ido dans la décharge, jusqu’à la mort de Hugo. Et force est de constater que l’histoire globale, à quelques ajouts ou libertés scénaristiques prêts, est assez bien respectée. Peut-être des puristes râleront sur l’ajout du personnage de Chiren, ou sur la plus grande importance de Makaku (Grewishka) dans le scénario qui devient surtout le bras droit de Vector plus qu’un psychopathe suceur de cerveau, mais le fait est que la trame globale est là.
Certains écarts sont plutôt bien trouvés : le fait que Alita aille chercher elle même le corps de Berserker, ou le fait que Chiren s’occupe de raccorder la tête de Hugo sur le cœur d’Alita (même si cet élément plus cohérent ajoute une autre incohérence : l’opération se déroule alors que Alita est poursuivie et se cache dans un bâtiment, avec Zapan qui attend sagement à l’extérieur, sans que l’on ne sache trop pourquoi il ne se permet pas de rentrer aussi… enfin bref).
D’autres scènes sont reproduites à l’identique, et n’ont pas manqué d’émouvoir mon petit cœur de fan : je pense notamment à la mort de Hugo. Il faut savoir que je ne n’avais qu’une dizaine d’année lorsque je lisais ce passage, et que cela m’a profondément troublé. Combien de fois ai-je imaginé dans mon enfance une histoire parallèle où Yugo aurait survécu ? Le fait de revoir cette scène sur le grand écran m’a troublé, même si quelques petits détails viennent gâcher le moment (mais j’y reviendrai après).
Néanmoins, malgré une histoire globale plutôt fidèle, plusieurs éléments sont agaçants. Parfois, ce sont des ajouts inutiles ou incohérents juste pour faire plaisir aux fan (le fameux « fan service »), et d’autres, ce sont de petits détails modifiés, l’air de rien, pour satisfaire aux conventions hollywoodiennes.
Étant moi même un fan, le fan service n’est pas ce qui m’a le plus agacé. Je situe deux éléments dans cette catégorie :



  • L’apparition du « Maître des Chiens », un personnage qui n’apparaît qu’à partir du tome 5 de la série originale. Dans le film, il ne sert un peu à rien, c’est juste un personnage un peu cool à qui on a donné une petite réplique ridicule pour qu’il fasse acte de présence. Bon, c’est bien, les fans reconnaissent, on souffle à son voisin « Hé t’as vu c’est machin truc », puis on passe, ça n’influe pas le scénario.


  • Le motorball. Alors là je comprends la situation délicate dans laquelle s’est trouvée Rodriguez. Le film est l’adaptation des deux premiers tomes, qui ont assez d’éléments pour faire tenir 2h. Mais dans les premiers tomes, il n’est pas question de Motorball (ou bien seulement sur un écran de télévision, mais Gally ne participe pas encore au tournoi). Le problème, c’est que le Motorball est un sport emblématique de la bande dessinée, dont il conviendrait absolument de parler dans un film sur Gunnm au risque de décevoir les fans, mais aussi parce que c’est un sport tout trouvé pour faire de jolies scènes d’action sur roue qui vont tenir en haleine un spectateur adepte de courses poursuites violentes. Bref, j’imagine que la production et Cameron lui même ont insisté pour que de l’importance soit donnée au motorball, même si cela veut forcément dire que l’on s’éloigne de la trame des deux premiers tomes.
    Et du coup, forcément, cela donne une pirouette scénaristique très peu crédible, à base de « On va tendre un piège à Alita on la convaincant de participer à une compétition de Motorball, MAIS EN FAIT CE SERA UN TRAQUENARD HAHAHA ». Oui c’est sûr que c’est le meilleur plan de traquenard de l’histoire des traquenards hein. Très discret. Mais bon, ça permet de rajouter une scène d’action à base de roller, de baballes, et de citer l’emblématique « Jashugan », donc tout le monde est content.



Ensuite, ajouté à ce fan service qu’il semble difficile d’esquiver lors d’une adaptation, on arrive aux multiples détails très agaçants qui, sous leurs airs anodins, ont vraisemblablement été ajoutés pour faire correspondre au grand format hollywoodien et ces habituels poncifs. Sans ces détails, je pense que j’aurai pu apprécier ce film, mais malheureusement ces quelques éléments pour moi suffisent à gâcher cette adaptation. Car ces quelques détails suffisent, à mon sens, à dénaturer le manga.
Je vais peut-être passé pour un fan puriste qui ne supporte pas que le moindre détail de l’œuvre original soit modifié, mais en réalité, je pense que j’aurai préféré une adaptation qui prenne beaucoup plus de libertés au niveau de l’histoire mais qui respecte le matériau de base et l’ « essence » du monde de Gunnm plutôt qu’une adaptation qui, certes, reprend la trame, mais fait tout pour la faire rentrer dans la case du cahier des charges de la bienveillance hollywoodienne.


Avant de revenir sur ces éléments qui m’ont agacé, je me permets de revenir sur ce qui m’a charmé dans l’univers de Gunnm en tant que lecteur.
Gunnm est un univers profondément non manichéen, où il est bien difficile de séparer un clan de « gentils » d’un autre de « méchants ». Le principal antagoniste est en réalité le « système » : cette cité de Zalem que l’on ne peut atteindre et qui semble dicter toutes ces règles, qu’aucun ne semble en mesure de violer. La première série oppose donc ceux du « haut », les habitants de Zalem, dont on ne connaît rien, et ceux du « bas », de la décharge et du désert environnant tous réduits à vivre dans un univers injuste, où ceux qui ont assez de moyens pour se faire un corps de cyborg robuste ont peut-être une meilleure chance de survie que les autres. Certains sont plus honnêtes que d’autres, certains se livrent à des activités illégales pour amasser des « crédits », mais tous sont finalement sur un pied d’égalité vis à vis de l’autoritarisme de la cité de Zalem. Un allié peut devenir un antagoniste et inversement, en fonction de la situation. Et presque tous les personnages que côtoient Gally ont leur côté contradictoire. Et parfois, le « non-manichéisme » de Yukito Kishiro peut même en devenir agaçant… C’est dire ! En effet, Y. Kishiro semble attaché au « côté sombre » de l’humain, même ceux qui semblent de prime abord les plus empathiques. Tout au long de la série, on retrouvera souvent des personnages qui, derrière leur visage sympathique, ont une pulsion bizarre, un égoïsme prononcé ou un secret un peu honteux. Cela m’a même parfois un peu agacé, car Kishiro semble utiliser cette rengaine qui tend à dire que la nature humaine est au fond mauvaise et que nous sommes finalement tous mus par notre propre intérêt. Un principe dont découle le libéralisme, et que l’on peut facilement remettre en cause, même si tel n’est pas le sujet. Là où je veux en venir c’est que, que l’on n’aime ou pas, toute l’œuvre de Kishiro s’évertue profondément à casser le code classique du « gentils vs méchants ». C’est une des essences de la BD.
Une deuxième particularité, qui est cette fois-ci propre à la première série et malheureusement plus à Last Order, c’est le peu d’importance accordé au combat et à la force. Certes, Gally s’avère être la plus puissance guerrière sur terre, elle est capable de terrasser presque tous ses opposants, et sa fierté et son amour pour la bataille donne lieu à de nombreuses bastons. Mais, contrairement à énormément de récit où la force est érigée comme le principal élément de résolution (ce que l’on pourrait appeler le « syndrome Chuck Norris »), ici, pendant toute la première série, la force de Gally semble ne servir… à rien. Quel que soit l’ennemi qu’elle terrasse, le système de Zalem semble inébranlable, imperturbable. Et elle a beau être la plus forte des guerrières, elle n’en arrive pas mieux à protéger ses proches de ce monde impitoyable.
Ainsi, contrairement à beaucoup de récit classique où le héros, par sa force innée ou sa volonté à devenir plus fort pour gagner plus de batailles, réussit à rétablir la justice et à contrer l’avancée du malin, telle Chuck qui donne des leçons de moral à coup de baffes, dans Gunnm (du moins la première série), il n’en est rien. On peut dire que la force de Gally lui attire même plus d’ennuis qu’autres choses. On tient là une deuxième essence de la bande dessinée.


Maintenant que cela est dit, je peux enfin revenir au film et aux différents détails qui m’ont agacé. Pour presque chaque personnage, des petits détails viennent amocher le « non-manichéisme » voulu par Kishiro :



  • Ido. Le cyber-docteur venu de Zalem qui découvre Gally dans la décharge a toujours été l’un de mes personnages préférés. Dans le film, le choix est fait de modifier son passé : Ido avait une femme, Chiren, et une fille, Alita. Du fait de l’handicape de Alita, la petite famille a été expulsée de Zalem. Le couple gagne sa vie en améliorant les cyborgs qui participent aux courses du Motorball. Sauf qu’un jour, un des coureurs patient de Ido a pété un plomb et a tué Alita. Du coup Ido renonce à travailler pour le Motorball, et se sépare de Chiren qui elle est obsédée pour retourner sur Zalem. Ido se jure ensuite d’anéantir les gros méchants qui parcourent cette ville dans l’espoir que d’autres jeunes filles ne meurent pas sous les coups d’une brute, et devient donc un Hunter Warrior, et blabla. Lorsqu’il trouve cette tête de cyborg parfaitement préservée dans la décharge, il décide de lui donner un corps et de nommer cette jeune fille « Alita ».
    Dans le manga, « Gally » est nommée ainsi en l’honneur de l’ancien chat décédé d’Ido, ce qui semble tout de suite moins beau, on comprend pourquoi le réalisateur a voulu faire de ce nom quelque chose de plus important. Mais cette nouvelle histoire change quelques autres aspects sur la personnalité de ce dernier : déjà, cela tranche sur la question des sentiments que Ido porte à Gally. Alors qu’il y a une ambiguïté dans le manga pour savoir s’il s’agit plutôt d’un amour filial ou si c’est quelque chose de plus fort, le film suggère que Ido aime Alita comme sa propre fille. Soit. Jusqu’à présent tout va bien. L’élément qui m’a fait tiquer est les raisons données pour son engagement en tant que Hunter Warrior : une classique histoire de quelqu’un qui perd un membre de sa famille et se découvre donc une vocation de héros. Ido apparaît donc comme le gentil Papa sympa sur toute la ligne.
    Dans le manga, derrière cet aspect prétendument héroïque, Y. Kishiro nous fait comprendre que le personnage d’Ido a un certain penchant pour le meurtre et le sang. Penchant auquel il répond en étant Hunter Warrior et en pourchassant donc les criminels. Le personnage d’Ido s’éloigne donc de l’image du Papa poule parfait et inoffensif. Premier personnage que l’on a légèrement adapté pour correspondre au standard du protagoniste gentil, même si ça reste pour l’instant assez léger.


  • Alita/Gally. Alita/Gally est une cyborg, hantée par une dualité certaine. D’un côté, c’est une guerrière et une arme redoutable, dont le corps et l’esprit ont été forgé pour la guerre. Ce caractère de combattante elle le revendique, elle en est fière, et elle adore se retrouver au milieu d’une baston pour montrer sa supériorité. Mais d’un autre côté, elle éprouve des sentiments similaires à ceux d’une jeune humaine normale, notamment en s’éprenant pour Hugo. Je trouve que tout ces aspects de la personnalité de Gally sont très bien représentés dans le film.
    Là où ça tique, c’est concernant son passé. Si les deux premiers tomes ne nous donnent que très peu d’éléments sur le passé de Gally, on comprend que Rodriguez a tout de même tenu à intégrer dans son film quelques flashbacks, sachant qu’il n’y aurait peut-être pas d’autres épisodes. Mais de ce qu’on comprend, son passé a très largement été modifié. Gally était une guerrière maîtrisant le Punzer Kunst, dont l’armée avait pour mission de participer à la chute d’un certain Professeur Nova et se faisant, du système de Zalem. Je reviendrai par la suite sur Nova, mais ce qu’il faut retenir ici c’est que, visiblement, si certains personnages évoquent Alita comme une « ennemi » car elle appartenait à une armée qui a lancé un assaut contre Zalem, pour nous, spectateur, cette armée peut être rapidement comparée à la gentille armée américaine venant libérer la Terre du joug de Zalem et du Professeur Nova qui semble être son dirigeant.
    WOW.
    Pour le coup, là, on n’est plus dans un léger détail qui ramène un personnage complètement dans le camp du bien sans modifier l’histoire. Je ne vais pas en dire plus concernant le passé de Gally dans la bande dessinée pour ceux qui voudraient la lire, mais vous vous en doutez : cela n’a rien à voir avec un passé héroïque dont on peut être fier sur toute la ligne comme cela nous est présenté dans le film.
    Un autre élément, plus anecdotique cette fois-ci, ont montré la volonté du réal (bon, j’imagine plutôt la volonté de la production, connaissant Rodriguez), de faire d’Alita une parfaite petite héroïne modèle. Dans le manga, décidée à aider Yugo à aller à Zalem, Gally enchaine les primes en tuant hors la loi sur hors la loi, profitant de son statut de Hunter Warrior. Elle cherche donc à aider Yugo à atteindre son rêve, quitte à couper de multiples têtes… Et elle parvient à ramasser assez de sous pour acheter deux prétendu tickets pour Zalem auprès de Vector. Dans le film, l’idée que Gally puisse effectivement se mettre à plein temps dans son job d’Hunter Warrior est bien vite balayée de la main. Il faut qu’elle reste bien gentillette.
    Ce qui nous emmène au personnage suivant...


  • Yugo / Hugo. Bon, j’ai eu du mal avec lui dès lors que j’ai vu sa gueule dans la bande annonce. Et j’ai bien fait d’avoir un mauvais pressentiment : parfait cliché du beau gosse ténébreux qui est un gros rebelle et fait des trucs pas bien, mais qui saura revenir dans le droit chemin grâce au pouvoir de l’amour. On se croirait dans les films à la con pour adolescente du genre « Ma première fois » (ouais ma copine m’a forcé à regardé ce truc). Là, ce n’est pas un, mais une multiplicité de détails qui tendent à transformer Yugo en un personnage cliché des films d’action grand public. La seule chose qu’ils n’ont pas pu modifier bien sûr, c’est que la véritable héroïne guerrière ici, c’est Alita, et c’est elle qui protège et sauve Hugo, et non l’inverse.
    Dans le manga, Yugo est un jeune réellement obsédé par Zalem, et qui a le rêve fou de pouvoir accéder à cette mystérieuse cité. Ce rêve est hérité de son frère, mort dans une histoire tragique. Pour pouvoir réaliser ce rêve, il prend contact avec Vector magnat d’Iron City qui prétend être allé plusieurs fois sur la ville flottante. Vector, impressionné par la détermination du garçon, lui fait croire qu’il peut lui procurer un ticket pour Zalem mais que cela coûte plusieurs millions (voire milliards?) de crédits, espérant en réalité décourager Yugo. Mais qu’à cela ne tienne, Yugo est déterminé, et ce lance dans le trafic de moelle épinière de cyborg pour le marché noir, aidé par une bande de potes (Trafic qui, je précise, bien sûr, est illégal et, bien sûr, passible de mort).
    Par un concours de circonstance, il rencontre Gally, qui s’éprend du jeune homme, notamment car la passion qu’il voue pour Zalem lui procure un certain charme. Même si Yugo sent qu’il s’attache lui aussi à Gally et qu’il commence à développer des sentiments pour elle, il reste jusqu’au bout obsédé pour son idée d’aller à Zalem. Jusqu’au bout, il ira donc voler la colonne vertébrale de cyborgs innocents, même s’il essaye de laisser en vie ses victimes. Jusqu’à ce que Zapan lui tende un piège pour mettre à jour son petit trafic. Zapan rapporte donc les faits et Yugo devient un criminel recherché. S’en suit alors une phase assez bien racontée dans le film, où Gally est prise entre son amour pour Yugo et ses devoirs d’Hunter Warrior, etc ,etc. Elle protège finalement Yugo en le faisant passer pour mort, sa tête coupée raccordée à son système de survie, puis Ido le remet sur pied avec un corps de cyborg également. À ce moment, comme Yugo a toujours le rêve d’aller à Zalem, mais que Gally lui a déclaré sa flamme, ils décident d’aller à Zalem tous les deux. Donc Gally amasse l’argent nécessaire comme j’en ai parlé plus haut, puis ils vont voir Vector tous les deux pour réclamer leur ticket, mais là, patatra, Vector avoue l’inavouable : impossible d’accéder à Zalem, même lui n’y ai jamais allé, il disait ça juste pour le business, et blablabla, et blablabla…. Apprenant qu’il a été berné et qu’il ne pourra pas réaliser son rêve, Yugo perd la boule, et décide d’entreprendre coûte que coûte l’ascension vers Zalem en remontant l’un des tubes d’approvisionnement de la cité flottante, et essayant de braver les différents systèmes d’auto-défense. S’en suit la scène du film, où Gally le rattrape puis semble le convaincre au dernier moment de renoncer à son rêve, mais banque de bol, IL MEURT (et c’est assez traumatisant quand on est un gosse :’( ).
    BREF ! Voilà, j’ai survolé à peu près comment ça se passait dans le manga, donc normalement vous devez comprendre à quel point la version du film m’a énervée. Non ? Bon. Alors reprenons cette fois comme cela se passe entre Hugo et Alita :
    Hugo est un jeune homme à la gueule insupportable (bon ok ça c’est subjectif), qui a très envie d’accéder à Zalem pour on ne sait quelle raison que l’on ne saura jamais. En tout cas, cette raison semble assez forte pour le motiver avec sa bande à faire un trafic de pièces de cyborg. Hop, un joueur expérimenté de motorball sort du bar fréquenté par l’ensemble des Hunter Warrior, et la petite bande débarque, sans se cacher, juste devant la porte à double battant, pour ligoter le champion puis lui voler son bras mécanique. Wahou qu’ils sont forts, mais bref, on s’en fout. Hugo fait vraisemblablement ça pour amasser des sous car Vector lui a promis de l’emmener à Zalem, ok.
    Seulement voilà, Hugo rencontre Alita. Bien sûr, Alita est mignonne, donc Hugo a vite fait de s’intéresser à elle. Il lui fait faire des petits tours de la ville à moto car y’a rien de plus charmeur. Allez hop au passage il lui fait découvrir le chocolat, hop, regards complices et amoureux. Hugo sent que la flamme de l’amour commence à le consumer, et se laisse distraire peu à peu par la nouvelle activité de séduction. Jusqu’à ce qu’il se jette à l’eau. Contrairement au manga où c’est la fille, Gally, qui fait le premier pas pour déclarer sa flamme et embrasser Yugo (de façon assez violente qui plus est puisqu’elle défonce à moitié le mur derrière au passage), ici non, il faut exploiter le vieux cliché présent dans 90 % des films. C’est l’homme qui conquiert la femme, et non l’inverse. Et vas-y que je te demande de fermer les yeux, et vas-y que je t’embrasse par surprise, OLALA. Puis hop, vas-y que je vais essayer de convaincre mes potes d’arrêter leur trafic, car grâce à Alita, j’ai réalise que c’était PAS BIEN !
    « Olala, je suis venu vous dire d’arrêter, parce que c’est pas top de voler des membres de cyborg les gars hein, c’est grâce à l’amour que j’ai compris ça, vous pouvez pas test les puceaux. »
    Mais c’était sans compter sans l’ignoble Zapan qui découvre le petit stratagème !
    « Oh Zapan non, tu m’as découvert ! Mais tu ne peux rien contre nous, car nous ne tuons pas les cyborgs que nous voulons, et chacun sait que voler un membre n’est pas un très très gros délit, et que nous ne risquons pas la peine de mort pour ça, car nous sommes dans une cité de droit... »
    Mais le grand méchant Zapan en décide autrement, et tue la victime sous le regard apeuré du pauvre Hugo.
    « Hin hin hin ! Je vais faire croire à tout le monde que c’est toi qui a tué ce monsieur, vilain garnement, hin hin hiin ! »
    Hugo est donc poursuivi pour meurtre, oh non ! Mais il appelle à la rescousse Alita qui, comme par hasard, est en train d’effectuer un match de Motorball sans intérêt. Elle sort donc et retrouve un Hugo apeuré qui lui explique :
    « Non mais moi je faisais que voler des membres de cyborg hein, et EN PLUS, je voulais arrêter, donc tout est pardonné ! Le seul grand méchant qui tue des gens c’est Zapan ! »
    S’en suit alors la fameuse scène avec Chiren qui sauve Hugo, puis Alita qui fait croire qu’elle lui a coupé la tête, puis le voilà transformé en cyborg par Ido.
    Ido apprend alors à Alita qu’il est impossible d’aller à Zalem. Alita est alors très fâchée et va voir Vector pour le gronder. Mais elle apprend que Hugo s’est enfui du labo de Ido, et tente de monter sur les tubes de Zalem, olala ! On ne comprend pas trop pourquoi il fait ça. Puisqu’il a visiblement renoncé à son rêve d’aller à Zalem grâce au pouvoir de l’amour. Il dit qu’il est recherché et qu’il ne pourra plus vivre dans la décharge, sauf que sa tête n’est plus mise à prix puisque Alita a récolté la récompense. Donc c’est un peu what the fuck, mais qu’à cela ne tienne, il a décidé de risquer sa vie, puis il meurt. Mais bon, a la différence de Yugo, que j’ai eu envie de pleurer, on ne peut que se réjouir de la mort d’un tel réservoir à clichés (Bon en vrai, j’ai quand même été ému par la scène).


  • Professeur Nova. Après la volonté de faire des personnages gentils de vrais gentils et de respecter les habituels clichés genrés où la fille tombe amoureuse d’un brun ténébreux rebelle qui fait le premier pas, on s’attaque là à un autre, encore plus symptomatique du film hollywoodien.
    La volonté de personnifier le « mal », à l’aide d’un grand méchant, qui serait la racine de tous les maux. Qui serait à l’origine de tout un système, et qu’il suffirait d’éliminer pour éradiquer le mal de la planète. Un Ganondorf, un Thanos, ou encore un Hitler.
    Manque de pot, la série de Gunnm ne possède aucune de ces figures. Je l’ai dit plus haut, mais le véritable antagoniste est finalement le « système ». Le système impeccable, imperturbable de Zalem, et tous les mystères qui entourent cette cité volante. Il y a bien sûr le Professeur Nova, un personnage emblématique de la série, archétype du savant fou à l’origine de bien des malheurs de Gally, même si celle-ci sera dans l’obligation de s’allier à lui à certains moments. Mais voilà, dans les deux premiers tomes du manga, le Professeur Nova n’apparaît pas encore, même si quelques allusions sont faites à son propos. Voilà donc le dilemme qui s’est présenté à la production/réalisation du film : il faut à la fois trouver une figure du mal suprême pour coller aux codes hollywoodien, mais aussi caser le Professeur Nova pour faire plaisir aux fans, sans pour autant trop bouleverser la trame des deux premiers tomes dans lesquels ce personnage n’apparaît pas.
    En résulte donc un Professeur Nova vraisemblablement à la tête de tout le système de Zalem, qui tire les ficelles grâce à Vector qu’il peut manipuler à sa guise, mais ne fait finalement que de très brèves apparitions. Pour pousser le bouchon encore plus loin, le Professeur Nova apparaît maintenant même dans les souvenirs d’Alita : visiblement, l’armée qu’elle servait avait pour but d’abattre le Professeur Nova, véritable tyran responsable de tous les maux de la planète.
    On a affaire là à un procédé de personnification classique, qui vise à faire porter les maux d’une société à certaines personnes qui se comportent mal ou qui tireraient les ficelles, plutôt que de remettre en question le système lui même. Ce phénomène est un incontournable dans les films d’action classique avec les emblématiques « grands méchants », mais également dans l’actualité médiatique : il est toujours plus intéressant de déclencher un scandale sur la corruption d’une figure en particulier plutôt que d’essayer de comprendre les rouages d’un système qui perpétue ce genre de comportement. On critiquera ainsi avec plaisir la mégalomanie de M.Macron ou les coups de folie de M.Mélenchon, sans voir que, par le régime présidentiel fort instauré par la 5ème constitution et notre mode de scrutin, tout le système encourage l’émergence de personnalités fortes, de grandes gueules à l’égo sur-dimensionné, et nous jouons nous même le jeu.
    Le même procédé est en cours dans Battle Angel : Alita. Ici, il n’y a plus ce système de Zalem qui semble inébranlable. Dans la première série du manga, on ne sait pas qui l’a mis en place, on ne sait pas si quelqu’un gouverne ou non… On sait juste que les différentes fermes sur Terre alimente Zalem grâce à de gigantesques tubes, et qu’il faut se contenter de vivre selon les règles qui semblent toujours avoir existé, point. Dans le film, tous les maux se résument en une image : le Professeur Nova. Qui n’est plus un savant fou obsédé par le karma, exclu lui aussi de Zalem et menant des expériences dans la décharge et alentours. Non, c’est tout bonnement le numéro 1 de Zalem, qui semble dicter toutes les règles. Le renverser équivaudrait à sauver toute la planète.
    Il semble savoir que Alita est une ancienne guerrière qui avait juré sa perte, et cherche donc à l’éliminer, en contrôlant notamment Vector à l’aide de nano-machines (ce qui, au passage, n’est pas présent dans le manga mais est plutôt bien trouvé). Vector lui même semble être non seulement à la tête des usines de la Terre, mais de tout le système de sécurité, notamment celui qui emploi les Hunter Warriors. Pour preuve : pour aller voir Vector, Alita rentre dans le bâtiment réservé à la récolte des primes, et détruit tous les robots de défense…
    Enfin, fourbe jusqu’au bout, c’est le Professeur Nova qui déclenche le système de défense du tube qui achève Hugo. Il n’est plus ici question d’un système d’auto-défense qui se met en place de lui même dès lors que quelqu’un tente de gravir les tubes, mais c’est bien une personne, le grand méchant Nova, qui appuie sur un bouton pour montrer à quel point il est vilain.
    Enfin, comprenant que, pour venger Hugo et faire en sorte que toute cette décharge se porte mieux, la seule solution est d’éliminer Nova, Alita fait jouer son talent de guerrière pour être championne de Motorball. Puisque, si dans le manga le Motorball n’est qu’un sport barbare qui distrait ceux de la décharge et dont Zalem se fout éperdument, ici c’est un sport qui s’affiche comme le seul laisser-passer possible pour Zalem. Le champion se verra offrir un ticket pour la cité volante. On ne connaît pas trop la logique, mais c’est ainsi.
    Et voilà comment tout peut se résoudre : il suffit de casser la gueule aux bonnes personnes pour arriver jusqu’au boss final et lui casser sa gueule à son tour, ce qui suffira à anéantir l’ensemble du système. Ce qui va totalement à l’encontre des essences mêmes du manga comme j’en ai parlé plus haut.
    Bien sûr, le film laisse entendre qu’il y aura potentiellement une suite. Et peut-être un second volet nous réserverait-il des surprises, brisant cet aspect du méchant personnifié instauré par le premier… Même si j’en doute.



Au final, alors que la trame globale est assez fidèle, Battle Angel : Alita est pour moi une assez mauvaise adaptation, qui m’a fait soupirer d’agacement de nombreuses fois lors du visionnage. Tout ça à cause de tous les petites modifications ou tous les petits détails ajoutés pour parfaire aux critères « hollywoodien ». Finalement, Battle Angel : Alita pourrait servir de cas d’école. Ce film montre bien que, pour être une bonne adaptation, il ne suffit pas de suivre l’histoire proposée par l’œuvre originale. L’important est davantage de respecter l’univers de l’auteur, sa conception de la narration et le traitement de ses personnages.

Avladihsak
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le 11 sept. 2019

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