Fabrice Du Welz, pour situer, ce serait un peu comme le petit frère de Gaspar Noé avec la même boule à zéro, le même univers barré et le même amour du cinéma. Et puis Benoît Debie, talentueux directeur de la photographie, a travaillé pour les deux zozos. Noé paraît d’un calme olympien quand Du Welz semble plus impulsif, plus chien fou. Ils font des films affranchis, des films rentre-dedans, des films qui s’en foutent. Libre réinterprétation des films cultes Les tueurs de la lune de miel de Leonard Kastle et de Carmin profond d’Arturo Ripstein, eux-mêmes inspirés du célèbre couple de tueurs en série Raymond Fernandez et Martha Beck, Alleluia déçoit pourtant, à moitié, et on aurait préféré ne pas le dire, ne pas le balancer, ne pas se l’avouer parce que Du Welz est un metteur en scène à défendre et à soutenir, quand même.

Alors c’est quoi qui fait masse, c’est quoi qui achoppe ? Les dialogues peut-être ? Sans doute. Pas très bien écrits, qui flottent, qui (ré)sonnent faux. Du coup on a du mal à s’y intéresser ou à y croire, à cette rencontre entre Michel, minable gigolo qui se prend pour un vendeur de chaussures, et Gloria, femme grise et sans amour qui nettoie les morts à la morgue. C’est quand Du Welz se détache justement d’une sorte de réalisme cracra au rythme flasque (Strip-tease revisité façon cinéma expérimental avec cette image qui a un grain, un grain épais et sale) et pas vraiment convaincant que le film fonctionne mieux et vise à plus d’ambitions, à plus d’excès (Vinyan souffrait d’une même mise en place fastidieuse qui, une fois passée, permettait au film de partir ailleurs, très loin).

C’est quand il y a ce basculement, quand on comprend que c’est Gloria qui est totalement timbrée, possessive et teigneuse, et non pas Michel, pathétique avec ces rituels païens tordus et ces maux de tête qui le font gémir comme un gamin, qu’Alleluia se met en transes. Entre flammes de l’Enfer (de la passion ?) et trombes d’eau purificatrices, caresses et geysers de sang, humour noir et élans agressifs, Du Welz explore l’amour fou, complètement fou, vécu comme une forme de possession et de mort partagée, inéluctable. Il a trouvé en Laurent Lucas et Lola Dueñas (vue surtout chez Pedro Almodóvar) les interprètes accomplis pour incarner ce couple terrifiant qui s’aime mal, mais qui s’aime à fond.
mymp
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le 21 nov. 2014

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