Le nouveau film de Mikhaël Hers, Amanda, fait partie de ces œuvres insaisissables, qui n’ont pas de pierre angulaire sur quoi achopper. Car voilà une histoire plutôt lisse, rondement menée, celle de David (Vincent Lacoste), un tout jeune adulte vaguement bohème et insouciant, employé par le propriétaire de son immeuble à faire le concierge en échange de l’occupation d’un studio. Un petit boulot qu’il réalise pour compléter ses revenus d’élagueur auprès de la Mairie de Paris. Un garçon très ordinaire donc, dans une vie ordinaire qui tourne globalement autour de ses boulots et de sa famille très restreinte, une tante (impeccable et trop rare Marianne Basler), une sœur, Sandrine (Ophélia Kolb), une nièce de 7 ans, Amanda (Isaure Multrier), et possiblement une petite amie (Stacy Martin), jusqu’au moment où un drame affreux le frappe.


La mise en place de l’histoire de David et d’Amanda est assez lente, comme la langueur de leur été. Le film se présente quasiment comme un cinéma du réel, avec moult détails de leur vie quotidienne parisienne, charmants souvent, presque bucoliques, inutiles quelquefois. Plus exactement, inutiles, car inaboutis, des esquisses de tranches de vie qui se répètent et qui ne sont pourtant pas toujours travaillées en profondeur. En revanche, ce qui est attachant, c’est la caractérisation de la relation de complicité forte qui lie David et sa sœur Sandrine, ainsi que celle entre Amanda et sa mère. Quand cette dernière disparaît brutalement, l’émotion qui étreint les protagonistes atteint aussi le spectateur.


Le choix de Vincent Lacoste pour figurer ce jeune homme qui passe de l’insouciance au joug d’une responsabilité totale envers sa nièce est assez judicieux. Avec son visage encore très enfantin, toute la partie du film qui consiste à retranscrire ses sentiments de chagrin face au deuil, et de peur panique face à ses nouvelles contraintes est parfaitement plausible. L’empathie envers le personnage est immédiate. En ce qui concerne Amanda, et bien que la petite Isaure Multrier fasse le job impeccablement, on est moins convaincu par la robustesse d’un caractère qui est assez mal défini, le cinéaste ayant pris le parti de lui en faire porter beaucoup. Même si on peut se douter qu’une enfant de 7 ans qui vient de perdre sa mère est totalement imprévisible et déboussolée, on aurait aimé que ses réactions de colère fulgurante soient étayées par des faits un peu moins elliptiques que ce que Mikhaël Hers nous donne à voir.


Quant aux autres personnages, ils sont à l’avenant. En particulier, Alison, la mère de David, une anglaise interprétée par Greta Scacchi, a un rôle assez structurant sur le papier, mais une fois de plus, ce personnage est trop peu exploité, et le fait de ne pas connaître les motivations de son attitude passée est finalement assez pénalisant. C’est ainsi qu’on est assez partagé à l’issue du visionnage d’Amanda, en restant avec un goût de trop peu. Amanda laisse l’impression d’un film qui aurait pu être plus marqué et plus marquant, d’une histoire de deuil et de perte qui aurait pu être plus flagrante, à l’instar du Manchester by the Sea de Kenneth Lonnergan, ou du bouleversant Gilbert Grape de Lasse Hallström dans un horizon plus lointain.


Mikhaël Hers réalise avec Amanda un film très contemporain. Le drame survient dans des circonstances douloureuses et actuelles, le terrorisme, que l’on a encore beaucoup de mal à associer au cinéma, tant la stupeur est encore vive. Le cinéaste a d’ailleurs utilisé plus d’un indicateur temporel dans son métrage, des personnes métissées dans les seconds rôles, Facebook, Tinder ou encore Airbnb comme vecteurs sociaux, le vélo comme moyen de locomotion. Des choix qui accentueraient encore le côté naturaliste de son œuvre, s’il n’y avait pas ce désir sincère de susciter une émotion vraie auprès du spectateur.


Amanda est le récit lumineux d’un voyage à deux initiatique pour David et Amanda, deux êtres qui doivent apprendre à grandir plus vite que ce qu’ils n’auraient voulu. Malgré toutes nos réserves, c’est un film qui doit retenir l’attention, car infiniment bienveillant avec ses personnages, eux-mêmes bienveillants les uns avec les autres.

Bea_Dls
7
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le 6 mars 2019

Critique lue 179 fois

Bea Dls

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