Critique acerbe de la société américaine totalement réussie, dont la réputation n’est plus à prouver. Premier film de son réalisateur désormais mondialement (re)connu, «American beauty» est une claque magistrale tant sur le plan formel que dans son fond. Le film danse habilement entre ses thématiques, disséquant une famille américaine tout ce qu’il y a de plus banal en apparence, mais qui laisse apparaître en son fond de profonds traumas et déséquilibres, caractéristiques de chaque famille (américaine ou non d’ailleurs), et les dites thématiques sont superbement mises en valeur par la mise en scène qui est d’une impressionnante richesse.


Le réalisateur, outre le fait qu’il iconise d’une certaine manière le désir et les pulsions par leur quasi-omnipresence dans le long-métrage, les rejette violemment, tout en délivrant un message politique très puissant contre les préjugés américains et les valeurs patriarcales républicaines, et les pensées intolérantes contre les homosexuels en particulier. La décoration chez les nouveaux voisins n’est pas due au hasard, maison peinte presqu’exclusivement en noir et blanc, symbole du manichéisme de cette famille, et annonçant en même temps la tragique mort de Lester lors du dénouement, une autre manière de dénoncer ce manichéisme ambiant à cette époque.


Le jeu sur le rouge est également très important, c’est encore une fois une couleur omniprésente : les roses piquantes sont présentes tout autour de la maison et enferme ses personnages, dans la maison (les bouquets), à l’entrée de la maison (la porte) : on ne peut échapper aux pulsions, à la passion, et le réalisateur nous montre que cette famille est totalement passive et habitée par la passion, entraînant des décisions irréfléchies, symptomatique d’une société impulsive et prenant des décisions conséquentes en une fraction de seconde mais qui demandent parfois une mûre réflexion.


La folie de cette famille est également caractérisée par le point de vue du fils du voisin qui les filme à travers les fenêtres de leur maison. Grâce à ça, on adopte son point de vue (donc un point de vue extérieur) et on observe cette famille, la plupart du temps, à travers les vitres, toutes divisées horizontalement et verticalement. Ils sont eux-mêmes divisés entre eux mais aussi divisés par la folie intérieure. Et lorsqu’on est dans la maison, on est dans la folie, qui gangrène notre cerveau par la même occasion.


Tout est une question de fierté également, dans la continuité de la représentation des « valeurs républicaines ». Cette continuité s’incarne avec le fils du voisin encore une fois. Il le dit lui-même : il est fier de ce qu’il filme, et pourtant il est peu fier de sa famille et autres sujets. Lors d’une scène où sa voisine le filme, il est à un niveau inférieur à elle (il est assis sur une chaise mais est plus petit qu’elle sur cette chaise), mais on voit son image filmée à travers sa télévision qui, elle, surplombe la chambre : de toute manière, à travers ses vidéos, il se sentira supérieur et fier.


Tout est intelligemment construit et réalisé, aucun détail n’est laissé au hasard, comme dans la première scène où on nous place volontairement dès le départ dans un point de vue extérieur, on veut nous donner le droit de faire notre propre choix vis-à-vis du père de famille, Lester Burnham, interprété par ailleurs par un Kevin Spacey. On ne sait d’ailleurs pas qui est derrière la caméra, pour ménager le suspense d’une part, mais aussi pour adopter le point de vue de ce personnage, qui est donc un point de vue extérieur, car oui tout est question de point de vue dans ce film et c’est surtout LE point de vue d’UN réalisateur sur la société américaine de cette époque, d’où cette critique très subjective de celle-ci. Sam Mendes nous pousse dans nos retranchements avec un film choc et dérangeant, mais nous pousse surtout à regarder les choses de nous-mêmes et d’y prêter plus attention, car, même s’ils sont cachés par de belles façades, tous les vices sont dans la nature.


Cependant, d’un point de vue tout à fait personnel, je trouve que le fond prend beaucoup trop souvent le dessus sur la forme, faisant de «American beauty» un film incroyablement recherché et symbolique, mais le dénuant d’émotions, l’intérêt étant trop focalisé sur le message et la mise en scène, presque trop parfaite pour un premier film.


19/20

Mick1048
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le 5 févr. 2020

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