Le concept d'American Beauty est diablement original : il s'agit d'une sorte d'enquête policière inversée, où la voix off du personnage principal annonce dès le début sa mort un an plus tard, et où le spectateur est le détective. Qui va commettre le crime ? Sa femme frustrée ? Sa fille qui le déteste ? Son petit ami aux tendances psychopathiques ? Le père violent de ce dernier, et voisin ? La camarade de classe de sa fille qu'il voudrait bien sauter ? En particulier dans le dernier acte, le montage est jouissif et multiplie les fausses pistes dans un emballement frénétique.


À l'inverse, le début du film est si malaisant que cela en devient un art. Tout y contribue : acteurs, image, son. Car évidemment, tout cela n'est qu'un prétexte pour tailler le portrait au vitriol d'une banlieue américaine "modèle". Tous les personnages sont malsains —à l'exception de sa fille, juste une ado emo normale—, et tous vouent un culte à l'apparence, ou en sont prisonniers. D'ailleurs, l'un entraine inévitablement l'autre. D'où un titre particulièrement ironique. Et même lorsque Kevin Spacey craque à la fin du premier acte et démissionne, son premier réflexe est de se mettre au sport pour séduire l'amie de sa fille.


On saluera justement la performance de Kevin Spacey, absolument incroyable —le reste du caste ne démérite pas non plus—.


Côté image, le travail de cadrage est particulièrement soigné, et joue particulièrement sur les symétries, pour représenter le côté propret de la banlieue, bien sûr, mais aussi pour enfermer les personnages et/ou établir des rapports de domination entre eux, celui se trouvant au centre/en haut possédant le contrôle.


Côté son, la musique est très, très générique, à telle point qu'on jurerait l'avoir entendue dans on ne sait quelle série télé. Mais cela ne peut être que délibéré, pour renforcer l'aspect "faux" de cette banlieue.


Si je dois faire un reproche au film, ce serait la voix-off de Spacey. Neuf fois sur dix, elle n'est pas nécessaire et juste un artifice fainéant pour décrire une situation. "Show, don't tell"...


Bref, American Beauty est une réussite indéniable, et vaut vraiment le détour.

Bastral
8
Écrit par

Créée

le 30 mai 2018

Critique lue 152 fois

Bastral

Écrit par

Critique lue 152 fois

D'autres avis sur American Beauty

American Beauty
Gand-Alf
9

Suburbia.

Premier long-métrage de Sam Mendes, "American beauty" permet au cinéma hollywoodien de retrouver la verve qui était la sienne dans les années 70, empruntant au cinéma indépendant sa liberté de ton et...

le 20 oct. 2013

179 j'aime

American Beauty
Jambalaya
8

Des roses pour Angela.

Après s'être pendant très longtemps regardé le nombril, Hollywood et les États-Unis semblent avoir pris le parti depuis quelques années de regarder une partie moins reluisante de leur anatomie...

le 16 déc. 2012

114 j'aime

23

Du même critique

Les Traducteurs
Bastral
2

Lost in Translation

Les Traducteurs (2020) est un whodunit qui allie sur le papier un concept classique, le mystère en chambre close, à un contexte original : il ne s’agit point d’élucider un meurtre, mais de trouver un...

le 3 févr. 2020

27 j'aime

5

La Terre à plat
Bastral
6

Globalement plat

Alors que certaines plateformes de vidéos en lignes ont été récemment accusées de diffuser sans distinction nombre de pseudo documentaires complotistes, j'ai été intrigué de voir ce La Terre à plat...

le 15 mars 2019

17 j'aime

Millénium - Ce qui ne me tue pas
Bastral
3

Millénium : Ce qui ne marche pas

Difficile de parler d’une suite au Millenium de Fincher. Le réalisateur (Fede Alvarez), les scénaristes, les acteurs, le compositeur, le chef op… sont tous différents ! En plus, il n’adapte même pas...

le 16 nov. 2018

17 j'aime

3