Quand l'on hésite entre héroïsme et patriotisme ridicule

Salut chers amis :)


Continuons notre parcours filmique avec un uppercut hollywoodien signé par un des plus grands réalisateurs du XXe et XXIe siècles :)


TITRE: American Sniper
REAL: Clint Eastwood
DATE: 18 Février 2015


L'histoire d'un homme né pour la guerre.


Pourquoi ce film ? Entre xénophobie, isolation de l'islam dans ses extrêmes les plus honteux par un américanisme fort, une personnalité navigant entre héros et meurtrier, un patriotisme assumé ou affligeant et promotion du commerce des armes, c'est ce qu'on appelle une oeuvre qui met le feu aux poudres. Explications.


1) Un patriotisme puissant


Clint Eastwood est américain. Chris Kyle était américain. Leur point commun ? Ils sont patriotes et fiers de l'être. Fiers de leur drapeau, fiers de leurs traditions, fiers de servir au sein de la première puissance mondiale culturelle (ne le nions pas, même si certaines choses ne devraient pas dépasser les frontières), militaire et économique à travers le Monde.
Ce patriotisme, qui pourrait en écœurer plus d'un, sert à la construction du personnage. En effet, si le film a su sans la moindre faille mettre en avant son côté immersif puissant et son réalisme percutant, il fallait que Kyle soit "lui-même": Bradley Cooper a donc joué le "bon petit soldat", tout en insufflant le fort "nationalisme" du tireur d'élite. Ceux et celles s'opposant à cette idée ne peuvent s'en plaindre: l'affiche indique clairement le parti prit du long-métrage.
Peut-être alors que leur critique fut mal perçu. Si l'on se penche davantage, le film souffre d'une tumeur idéologique majeure: comme beaucoup de conflits, celui en Irak n'a pas eu vraiment de justification, si ce n'est qu'ils désirent combattre le terrorisme dans le but de se protéger. Les Etats-Unis sont une grande nation, ils envoient donc des hommes prêts à mourir pour Eux et ceux qui affirment un patriotisme fort, facilement manipulable. On perçoit donc là deux aspects: un pays qui se veut protecteur du Monde mais aussi qui se barricade dans sa pensée, à l'instar d'une auto-manipulation flagrante.


Clint Eastwood tente donc pour certains, malgré son style connu et assumé, notamment au travers d'oeuvre comme "Gran Torino" ou encore "Sully", d'"apprécier" un conflit en justifiant d'un homme servant de bouclier patriotique.


2) Islamophobie, xénophobie: quand les grands mots sont de sortis


Ne revenons plus sur la fierté américaine. Mais il est bon de constater que le film de Eastwood est saisissant de réalisme et se ressent comme une violente oppression guerrière et explosive.
Lorsque l'on parle d'idée comme l'antisémitisme ou l'islamophobie, il faut savoir les manier avec précaution. Les mots sont plus puissant que les armes, disait-t-on.
D'un côté, un homme est convaincu d'être utile à son pays, de combattre pour la paix au détriment de sa propre vie (socialement parlant) des gens soupçonnés de terrorisme. De l'autre, d'autres personnes sont convaincus d'être utile à leur cause, de combattre les "mécréants" au service d'une cause religieuse "noble et pacifiste".


Pour commencer, dire que le film est islamophobe est plutôt réducteur et limite insultant à l'égard de la confession musulmane (et je n'irai pas plus loin dans ce débat, car islamistes et musulmans ne sont pas de la même religion).
Il faut penser que de chaque camp on est convaincu de servir une quête honorable et d'assurer la paix pour nos enfants et nos familles. L'on montre le côté américain, forcément, puisque le film EST américain et qu'ils sont convaincus d'être les "gentils". Le protagoniste du film se montre donc sans empathie pour toute personne qu'il suspecte de menacer sa vie, celles de ces amis, des civils et de ne pas respecter la paix.
Ils sont convaincus, d'un côté comme de l'autre. Ils combattent, d'un côté comme de l'autre.
Le film n'est donc pas islamophobe dans ce sens puisqu'il appuie sur un fait vitale: chacun à peur que l'autre ne lui retire la vie (d'où la pression de certaines scènes).
En revanche, il est reconnaissable que quelques passages ne véhiculent pas une idée lumineuse de l'Islam (notamment lorsque Cooper regarde les informations chez lui: serait-ce une critique des médias occidentaux ? La question peut se poser).


Clairement, le film soulève la manipulation des hommes et femmes servant leurs idéaux. Mais le penchant très américain, "Gendarme du Monde", peut déranger dans l'aspect du respect de préceptes religieux islamiques en les parquant dans des pensées islamistes.


3) Un "hommage" aux armes


Dans notre société, on peut affirmer qu'une polémique a toujours un effet boule de neige, que ce soit sur une oeuvre, une personne ou un groupe d'individus. "American Sniper" n'ayant pas échappé à la règle, une autre idée a émergé: le film prône et promeut le commerce, et par extension, l'utilisation des armes.
La difficulté de ce genre de polémique est d'en tirer tous les éléments vraiment pertinents d'intérêt et d'utilité. Aujourd'hui, que ce soit en littérature, en musique ou au cinéma, il faut savoir interpréter des dizaines de choses au travers d'une oeuvre, si complexe soit-elle. Mais dans le cas de notre long-métrage, on ne peut mettre en avant un soldat sans approcher le contexte commercial des armes de guerre (puisqu'il les utilise). Certes, c'est un film qui dépeint un conflit spécial, dans son époque et ses idées, avec un homme qui n'a su que tué au profit d'une détermination si moralement ancrée dans sa personnalité. Mais en soi, les armes sont partout. Pourquoi ne taper sur qu'une oeuvre unique, alors que ces mêmes armes sont présentées de toute part: films, jeux vidéo, actualités... Elles ne peuvent être ignorées.


Cette argument polémiste reste assez injustifié, pour la plupart de ceux qui estiment qu'il faudrait combattre les armes sur tous les fronts et non pas que sur un film qui les met un peu plus en avant au vue du contexte abordé et du réalisme à apporter.


4) Finalement, héros ou pas ?


Et là est le cœur du problème: Eastwood met en avant un homme qui, aux USA, est considéré, et d'ailleurs surnommé ainsi, comme une "Légende", au quota du nombre d'ennemis tués.
La face cachée de cette mise en avant d'un tel être est qu'il n'est vécu que pour la guerre, malgré ses maintes tentatives pour parvenir à s'en détacher.
La question est : il a tué des ennemis, mais des êtres humains, et ce sans distinction. Alors, dangereux ou pas étaient-ils, cet homme si loué est-il un véritable héros, en obstruant toutefois une certaine empathie ?
Dérangeant comme question n'est-ce pas ? Mais on peut voir en cet homme, aussi, ses efforts de rédemption pour se libérer de l'ombre de la mort planant au-dessus lui.
Aiderez-vous un homme à se remettre de son sanglant passé ou lui ferez-vous payer ses convictions, manipulées ou non ? C'est tout l'objet de la véritable question...

pop-ace
9
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le 9 janv. 2017

Critique lue 192 fois

pop-ace

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