American Sniper par MaximeMichaut
Entre la pure cérémonie américaine et la consumation totale de son mythe, Clint Eastwood se retrouve avec American Sniper le cul entre deux chaises, position aussi inconfortable que difficile à appréhender. Le cinéaste, encore loin d'être un vétéran de cinéma, épouse ici complètement le corps et l'âme du personnage de Chris Kyle, la "légende", clicheton ambulant et fruit parfait d'un patriotisme irréfléchi. Eastwood assume à l'extrême sa représentation quasi-caricaturale - ce que le scénario engage à la base naïvement - pour probablement mieux engager en tant que metteur en scène le processus de démystification, la mise en perspective frontale d'une violence américaine. "Probablement", car que dire de l'ultime séquence, pastiche familial du western, et du générique de fin ? La gentillette réédition finale face à une grande figure américaine, ou une corrosive ironie comme guise d'achèvement ?... Cette intrigante ambiguïté est la force comme la faiblesse du film, équilibre que certains ont quelque peu hâtivement pris pour cible. Au bout du compte, on ne pourra nier en aucun cas la force d'immersion cinématographique d'un Eastwood toujours en grande forme, la rage chorégraphiée du champ de bataille comme sa sobre contamination post-traumatique qui survivent aux plusieurs défauts techniques, le tout servant de pilier solide à la performance impeccablement dépouillée de Bradley Cooper. Dans les ténèbres funèbres ou bien la lumière auréolante de ce "héros" américain, American Sniper est un drame à la fois anxiogène et inabouti, le portrait équivoque d'une célébration à tort.