Un pote m'avait dit : « A quoi ça sert que t'ailles voir "Amour" ? Je sais déjà par avance que tu vas lui mettre zéro ! »
A cela j'ai répondu : « Je n'ai jamais mis zéro à un film d'Haneke. »
Au moins maintenant deux choses sont sûres : d'une part c'est que mon pote doit bien se marrer en lisant cette critique, et d'autre part c'est que le temps où Haneke était capable de faire des films comme "Benny's video" est clairement révolu.
J'ignore encore ce que la critique presse a pu trouver à ce film (même si au fond de moi j'ai déjà ma petite idée) mais je reste interloqué qu'on puisse encenser un film qui, à mes yeux, représente clairement une forme dégénérée de cinéma.
Oui, ça parait violent de dire cela d'un film, mais après tout : beaucoup n'hésitent pas à balancer les pires vacheries sur des gros blockbusters sans se justifier une seule seconde, je ne vois donc pas pourquoi de mon côté je me priverais, surtout que contrairement à ces derniers, j'entends de mon côté expliquer mon choix de vocabulaire.
Or, le meilleur moyen de se justifier reste encore pour moi d'user d'un exemple clair et limpide pour tous (aucun spoiler, rassurez-vous, je vais prendre une scène qui se trouve dans les 5 premières minutes du film).
Scène de dialogue tiré de cet "Amour" :
« Qu'est-ce que tu viens de me faire ?
– Mais rien ! De quoi tu parles ?
– Tu ne te souviens pas de ce que tu as fais ?
– Mais non ! Qu'est-ce que j'ai fais ?
– Tu ne te souviens vraiment pas de ce que tu as fais ?
– Pourquoi cette question ? Qu'ai-je fait ?
– Tu ne te souviens vraiment pas ?
– Mais non ! De quoi tu parles ? » (etc… etc…)
Je ne mens pas.
Tous ceux qui sont allé voir le film savent que je n'exagère même pas.
Et le pire, c'est que là, vous n'avez pas l'intonation des acteurs qui va avec !
A chaque phrase, on croirait assister à une leçon d'orthophoniste.
Qu'un petit couple de petits vieux embourgeoisés se mette à parler comme ça entre eux... bon allez, passe encore... MAIS NON ! Tout le monde parle comme ça dans le film !
La fille, l'ambulancier, le concertiste qui rend visite (oui, il vient faire un interlude musical pour meubler) : toooous !
Le pire, c'est que c'est là ostensiblement un choix de la part d'Haneke !
Cette façon de jouer va avec le reste du film.
L'image et le son traduisent une volonté flagrante d'être le plus simpliste et rigide possible dans la forme.
Les plans sont immobiles et interminables.
La plupart des choses qui s'y passent sont d'ailleurs presque systématiquement hors-champs ; quant à l'espace sonore, il n'est habité que par des dialogues monocordes !
« A quoi bon ? » me diriez-vous ?
« Mais c’est pour faire ressentir la déchéance de ces petits vieux ! » semble répondre Haneke !
OK... Soit... Mais seulement voilà, pour moi ce type de démarche, surtout quand elle ne présente AUCUN renouvellement ni AUCUNE dynamique, ça n’entraîne qu'une seule chose à mon sens : l'emmerdement ultime !
Alors oui, je veux bien qu'à deux trois instants, un plan de dix secondes parvient à retranscrire la solitude et le désarroi du couple à l’agonie...
A bien tout prendre donc, on a environ une à deux minutes cumulées où ce minimalisme traduit quelque de PLUS par rapport à ce qui a été déjà dit plus tôt.
Une à deux minutes sur plus de deeeeeeeeeeeeeeeeux heures !!!
Le reste n'est que répétition sur répétition !
...Et pour la presse, ce genre de film ça passe ?!!
Mais bien sûr que ça passe ! Et vous savez pourquoi ?
Parce que c'est Michael Haneke qui l'a fait ce film !
Il est comme Tim Burton ce mec ! Il peut faire ce qu'il veut maintenant ! Plus c'est gros, plus ça passe !
Si encore il faisait l'effort d'élaborer un univers ou de construire un cheminement empirique, il pourrait se planter, et ça se verrait !
Mais par contre, en ne faisant aucun effort, en faisant du too much ou du minimalisme sec, là on se retrouve avec le niveau zéro de la création donc rien à critiquer, si ce n'est le vide lui-même.
Mais comme c'est Haneke, on dit que le vide est un plein entre ses doigts d'artiste et que cet "Amour" n'est qu'une brillante expression d'un cinéma épuré à l’extrême qui n'en transcende que mieux les émotions !
Désolé, mais moi je ne suis pas ce genre de cinéphile là...
Si Haneke voulait nous émouvoir sur deux vieux qui décrépissent, il fallait qu'il aille au-delà de deux simples heures consternantes illustrant péniblement la décrépitude des vieux !
Des vieux qui me chagrinent parce qu'ils décrépissent, j'en ai déjà plein tout autour de moi dans le monde réel : je n'ai pas besoin de Michael Haneke pour les voir tels qu'ils sont !
Désolé Michael, mais tu ne m'apprends rien en me montrant que les gens vieillissent et que c'est triste : ça je le savais déjà.
Par contre, la seule chose que j'ignorais, et que ton "Amour" m'a appris, c'est que toi aussi tu as bien vieilli, et que ton cinéma aussi s'est décrépi depuis "Benny's video".
Il serait peut-être temps de penser à la retraite...