Science Fiction 2.0 : l'écologie évolutive au service de la Science-fiction et de l'ufologie [SPOIL]

Passionné des processus évolutifs, de l'écologie fonctionnelle et de la paléontologie, dirais-je. Alors qu'en ai-je pensé ? Eh bien, j'ai pris mon pieds ! Le travail sur les concordances et cohérences entre les fonctionnalités biologiques, évolutives et la fiction ne sont pas forcément approfondies certes. Toutefois, l’œuvre reste convaincante et créative.


La force de l’œuvre ? Puiser naturellement dans ce qui existe déjà dans la Nature ; la nature au sens large du terme, et la nature in situ; l'ADN, les cellules et les gènes qui composent les organismes. Quand la Science-Fiction se met concrètement au biomimétisme et c'est fièrement assumé ! D'un côté, fans, sceptiques et néophytes du genre s'attaquent aux différentes théories aussi fortes intéressantes les unes que les autres (métaphores psychologiques à la condition humaine, représentation métaphysique, allégorie à la destruction et à la réincarnation, métaphores religieuses). Du mien, je préfère m'attarder sur cette nouvelle représentation de la conquête extraterrestre. Une entité extraterrestre qui s’accapare des lois de la nature et des processus biologiques et évolutifs, c'est la mythologie de l'ufologie qui s'étend davantage... La Science-Fiction marque des points en 2018. C'est ce que j’appellerais la Science Fiction 2.0.


Annihilation n'est pas révolutionnaire mais exploite un filon dont John Carpenter a été le précurseur. Je parle bien évidemment de The Thing (1982). [J'exclue la littérature et les jeux-vidéos dans cette retrospective]. Bref. L'évolution est biologique, l'évolution est aussi cinématique. Les organismes vivants de la Science-Fiction évoluent successivement passant in facto de monstres assoiffés de sang à espèces obnubilés par la survie. The Lost World (1925), King Kong (1933), Alien (1979), The Thing (1982) puis progressivement Jurassic Park (1993), King Kong (2005), Avatar (2009), District 9 (2009), Premier Contact (2016) puis Annihilation (2018). Pensez-vous peut-être que je passe du coq à l'âne, mais pas tant que ça en réalité. Dinosaures, gorille géant ou extraterrestre, peu importe, ils sont tous passés de monstres à "animaux".


Annihilation se construit donc autour d'un survival hybride entre l'épouvante et une lutte psychologique et introspective cohérente en tout point, et ça fait du bien ! Le plus fonctionnel et le plus flippant à la fois c'est la manière dont la Nature et l’Évolution prennent le dessus sur l'Homme. C'est la Nature, par le biais de la Science-Fiction, qui donne une leçon d'humilité de plus. Rentrer dans la zone de quarantaine - appelée zone X - c'est mettre un genoux à terre face à mère-nature, tantôt représentée de manière concrète, par cette conception forte et violente de la naturalité, celle qui passe et outrepasse les lois de la nature telles que nous les connaissons, tantôt représentée par l'alien. Vous remarquerez d'ailleurs que sa première apparition furtive est digne d'une apparition divine. En d'autres termes la zone X est la place de soumission à Elle, la Nature. La peur, la faiblesse et le déni causeront la perte de celle ou celui s'aventurant dans la zone. A contrario, le courage et l'acceptation conduiront inéluctablement le sujet vers la prochaine étape évolutive, et donc vers le succès. Lena, (Natalie Portman), elle est biologiste, et ce n'est pas un hasard si elle se démarque du reste de l'équipe compte tenu de ces compétences en la matière.


Enfin voilà la Science-Fiction que j'aime, ainsi que ce choix loufoque mais paradoxalement logique et raisonné, de montrer que l'évolution ne possède aucune limite ; la flore qui se met à imiter la structure physiologique de l'humain, l'ours qui attire ses victimes en imitant les cris de détresse de sa dernière proie, où encore l'extraterrestre qui n'attaque pas, mais qui apprend, qui étudie les réactions de peur du protagoniste, le tout s'enchainant dans une chorégraphie flagrante de l'absurde et du contemporain. C'est beau, c'est original et je trouve clairement que l’œuvre franchit un petit pas de plus dans la Science-Fiction. Plus que d'offrir de la frayeur, le cinéaste nous embarque dans un ascenseur émotionnel ; nous sommes effrayés par la nature, puis en même-temps nous sommes admiratifs. Celle-ci est à la fois belle, élégante, surprenante et aussi répugnante, laide et d'une cruauté sans pareille. Un petit bijoux, fruit de notre imaginaire, de notre perception de la Nature, et de la Nature elle-même.


Bon, l’œuvre est loin d'être sans défaut. Je considère Annihilation comme un film progressif et c'est conceptuellement un bon point. Toutefois la partie introductive du film reste sommaire et très médiocre dans sa manière d'introduire les personnages et surtout de présenter l’élément perturbateur. Les acteurs tiennent leurs engagements, mais on les sens tout de même frustrés de ne pas exploiter davantage leurs personnages. Ambitieux est Alex Garland, un peu trop ambitieux peut-être. Toutes ses intentions débordent quelque peu de la pellicule, nous empêchant de profiter pleinement de la totalité des aspects qu'il a souhaité traiter. La fin ? Bien évidemment qu'elle est intéressante, mais pourquoi une disparition soudaine de la zone X ? Pourquoi cette séquence finale d'une trop grande banalité ? Pourquoi cet égocentrisme consistant à remettre tous les enjeux de (Mère-Nature/Extraterrestres) entre les mains de l'humain ? Ceci accompagné de nombreuses réponses que nous n'avons clairement pas et c'est dommage.


Annihilation reste une belle surprise de plus à ranger entre un The Thing (2011) et un Monsters (2010).

Jordan_Michael
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le 23 mars 2018

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