Apocalypse Now par Anna_M
On ne sort pas indemne de cette virée d'une beauté pas croyable au coeur des contradictions et de l'hypocrisie des hommes. Apocalypse Now n'est pas un film sur la guerre du Vietnam, c'est un film sur l'humanité. Je n'ai pas trop envie de parler du message du film au risque d'en minimiser la portée, mais Coppola nous offre un film extrêmement spirituel et magnifiquement détaché, tout sauf manichéen, qui nous met face à toutes nos petites bassesses sans pour autant s'ériger en faiseur de morale pédant. Ce film n'est ni prétentieux ni pédant car le message, c'est en grande partie nous qui nous le faisons : les dialogues sont loin d'affluer et une bonne partie de la réflexion du film émane de sa forme. En fait, la caméra parle autant que les acteurs. Prenons par exemple le passage de la plantation française, où l'homme parle de cohésion familiale alors qu'un plan nous montre au même moment que toute sa famille a quitté la table... Les dialogues eux, s'ils sont donc assez rares, sont d'une immense qualité. Toujours très imagés, ils tapent juste et font écho. "Accuser un colonel de meurtre c'est comme donner un PV pour excès de vitesse à un pilote de formule 1", "C'était comme ça qu'on se supportait, on les criblait de balles et on leur filait un pansement". Comment mieux illustrer l'absurdité de la guerre, et plus largement la tendance de l'homme au mensonge, qu'avec des dialogues comme ça ? La portée de ce film est incroyable, c'est presque une allégorie de la vie à lui tout seul. Les scènes de guerres sont elles aussi parfaitement dénonciatrices : elles sont toutes filmées avec ce recul, cette espèce d'ironie du sort omniprésente (les hélicos qui bombardent sur du Wagner, le chiot au milieu de la fusillade...). Bon, il y aurait tellement à dire sur le message, sur la façon dont il est omniprésent dans le film tant sur la forme que sur le fond... Mais je veux aussi parler de l'esthétique, de ces lumières splendides qui viennent sublimer des paysages dont l'horreur environnante n'arrive pas à atténuer la beauté. Et ces acteurs ! Martin Sheen est stupéfiant, son jeu très subtile lui permet de transcender son rôle d'homme qui remet tout en question à mesure qu'il s'enfonce dans cette guerre destructrice. Et Marlon Brando... Il a une présence fascinante, on la sent à travers nos écrans, cette aura qu'il dégage. D'ailleurs, parmi les (nombreuses) scènes marquantes du film, celle où on découvre pour la première fois le visage du colonel Kurtz doit être l'une des plus incroyables. Ce visage qui apparait progressivement après un petit travelling, et dont on peine ensuite à distinguer clairement les traits, dissimulés par l'ombre, est presque terrifiant quand il se dévoile à nous. Mais en fait, toute la dernière partie du film a cette ambiance très spéciale. L'arrivée au bout de la rivière, où le bateau avance parmi les adorateurs de Kurtz qui s'écartent sur son passage et se referment sur lui, est vraiment planante. Je vais me retenir de citer tous les passages qui m'ont marquée dans Apocalypse Now car je pense que cela ne rentrerait pas dans ma critique, mais je voudrais conclure en disant que ce film est un véritable choc esthétique, psychologique, et même auditif (la BO est incroyable). Apocalypse now est un trésor (dont j'ai eu la chance de voir la version longue), un chef d’œuvre à la hauteur de sa réputation.