Si tu veux voir l'âme de quelqu'un, demande-lui à quoi il rêve
Ce film, sorti au début de 1993, vaut vraiment le détour. C'est un film qui, bien sûr, ne plaira pas à tout le monde car il est assez incompréhensible et lent, mais quelle poésie... Il fait partie de ces films qui mélangent rêve et réalité et particulièrement le rêve américain, d'où le titre "Arizona Dream".
Les images du film sont absolument somptueuses, et certaines scènes sont époustouflantes de poésie, de magie et emplies d'une ambiance très particulière. Parfois drôle, parfois dramatique et déprimant, "Arizona Dream" nous procure énormément d'émotions et suscite l'intérêt du spectateur. Il y a ce surréalisme, ce délire constant: la scène du diner, ou bien Johnny Depp faisant la poule sur une table à roulettes pendant que Lili Taylor joue de l'accordéon clope au bec.
Pourtant rempli de symboles, le film ne raconte finalement pas grand chose, le thème principal étant le rêve. Chacun des personnages a un rêve, qu'il aimerait réaliser. Grace (Lili Taylor) souhaite se réincarner en tortue, Leo (Jerry Lewis) veut aller sur la Lune, Elaine (Faye Dunaway) rêve de voler, Paul (Vincent Gallo) voudrait devenir une star du cinéma. Et finalement, on ne sait pas exactement quel est le rêve du personnage principal, Axel, peut-être se rendre en Alaska. De nombreux indices nous font penser qu'il aimerait être un poisson, mais son premier objectif est, à priori, d'aider les autres peronnages à accomplir leurs propres rêves, notamment Elaine.
Et chacun des personnages va, d'une façon ou d'une autre, finir par réaliser son rêve plus ou moins bien. C'est ainsi qu'on assiste à une scène des plus cultes, une des scènes de "La Mort aux Trousses" d'Hitchcock revisitée façon Kusturica. Une très belle séquence, qui permet à Paul de se retrouver dans une situation qu'il juge "trop belle pour être vraie". Ce personnage est aussi totalement tragique, même s'il apparaît comique au premier abord. Il se prend pour un acteur et vit sa vie au travers des films cultes dont il rejoue inlassablement les scènes. Mais dans son délire on voit bien qu'il n'y croit qu'à moitié et que le désespoir n'est pas loin.
Rêve n'équivaut pas forcément à guimauve comme c'est trop souvent le cas. La mort est d'ailleurs l'un des thèmes centraux. Il y a notamment cette scène ou chacun exprime comment il voit sa mort. Finalement c'est l'isolement qui frappe le plus: les personnages sont prisonniers de leurs songes et n'arrivent pas à communiquer entre eux de manière sereine. Le point extrême étant dans ce triangle amoureux entre Axel, Elaine et sa belle fille.
De nombreux passages sont d'une grande beauté, notamment les scènes du poisson volant. Ces scènes sont vraiment géniales car elles transmettent beaucoup d'émotion, notamment grâce à une BO incroyable. "Dreams", quelle sublime musique, qui donne tant de frissons qu'on en pleurerait presque! Une autre musique culte du film, que tout le monde connait: "In the Deathcar" d'Iggy Pop & Goran Bregovic.
Une chose est certaine, on en ressort bouleversé, sous le choc de ne pas avoir tout compris mais d'avoir néanmoins réellement apprécié, mais comme en poésie, la forme est peut être plus importante que le fond dans ce film.