Une autre vision du documentaire
Armadillo est de loin un documentaire vraiment étrange. Très fictionnalisé, il n'en demeure pas moins l'une des oeuvres les plus réalistes jamais tournées sur la guerre en Afghanistan, tâchant de démontrer le quotidien des soldats danois basés à Armadillo, un camp dans le Helmand, une région afghane.
Le hic, c'est qu'avec une telle forme, c'est qu'on risquait de perdre totalement et d'embrouiller le spectateur. Et à ce jeu, le cinéaste s'en sort comme un chef. Car il est vrai que les interventions font vrais avec cette caméra portée à l'épaule, que c'est filmé presque comme un film (et en fait, ça donne bien mieux qu'un vrai documentaire), qu'il doit y a avoir eu un énorme travail sur le son, que les soldats ont certainement refait plusieurs prises pour des discussions, et quelques autres choses.
Mais sur le fond, c'est du réel. Les soldats qui disent au revoir à leur famille, certaines discussions, les patrouilles et les événements, ce n'est pas du tout du chiqué!
Alors, comment Metz parvient en permanence à nous rappeler qu'on est dans l'ordre du réel et du documentaire et non dans la fiction? Par l'ajout assez fréquent d'un panneau qui nous rappelle depuis combien de temps ils y sont et quand est prévu le retour, des informations supplémentaires affichées à l'écran pendant des informations, le floutage réalisé sur certains civils et sur les morts talibans. Il y a aussi ces vues de drones ou d'ordinateurs pour nous rappeler cette réalité.
une réalité que les jeunes soldats vont vite découvrir. C'est aussi une découverte d'un monde, un film qui aurait certainement été censuré par bon nombre d'autres armées. Car il n'y a pas de glorification. On montre des jeunes qui aiment leur métier, qui tuent un homme et qui en reparlent comme si de rien n'était. On les voit se plaindre des patrouilles, tenter de dialoguer avec les civils, etc. Cette sensation d'être immergé dans leur vie vient aussi du fait que Metz n'intervient jamais. Il ne pose jamais de question, il est à la fois présent sur le conflit et en même temps absent pour le spectateur.
Il est évident aussi qu'on peut se demander où il veut nous emmener avec un tel documentaire. Premièrement, un soldat classique se fout pas mal de savoir si leur intervention est justifiée ou non. Il n'a pas le temps de penser à ce genre de choses politiques. Ce qui compte, c'est simplement faire le job. A savoir, patrouiller, combattre, tuer l'ennemi si nécessaire et dialoguer avec la population, mais également à survivre et à faire face à la mort.
Et dans le même temps, on constate les incroyables différences culturelles entre deux mondes et à travers ce documentaire, l'échec incroyable que représente la coalition sur les terres afghanes.
Il est inutile de dire qu'avec Armadillo, on possède un documentaire de haute-volée, gâché peut-être par un peu trop de fictionnalisation des événements civils (notamment le retour à la fin)!