ASAKO I&II ou quand Ryusuke Hamaguchi cerne admirablement les déboires sentimentaux d’une jeune femme et démultiplie les angles de ce triangle amoureux des plus inhabituels.


Tout allait particulièrement bien pour Asako : sa rencontre avec Baku tenait du coup de foudre telle l’explosion d’un feu d’artifice au moment de leur premier baiser. Alors qu’elle pense avoir trouvé l’homme de sa vie, un beau matin il sort pour acheter du pain, comme d’autres des cigarettes, et disparait. Cette entrée en matière sème déjà le trouble : après avoir exploré au printemps dernier avec un époustouflant sens du naturalisme la psyché féminine dans la saga Senses, Ryusuke Hamaguchi aurait-il viré de bord pour un sentimentalisme débordant ? Les évènements à venir dans Asako confirmeront qu’il n’en est absolument rien.


Jamais remise de cette rupture d’autant plus brutale que sans signes avant-coureurs, Asako quitte tout ce qui lui rappelait Baku, et Osaka aussi pour s’installer à Tokyo où elle rencontre quelques temps plus tard Ryohei, double physique de Baku, dont elle va à son tour s’éprendre. Mais est-ce pour le caractère plus tempéré et attentif de cet autre homme ou pour raviver la flamme de son amour perdu ?


Avec ce rebondissement, Hamaguchi repousse les stéréotypes des romances à l’eau de rose pour se resserrer sur un splendide portrait de femme assoiffée d’épanouissement qui a tout d’une extension de celles de Senses: même si Asako tourne autour du mystère liant Ryohei et Baku, c’est avant tout le point de vue féminin qui intéresse Hamaguchi avec ce personnage-titre partagé entre un homme qui lui est amoureusement dévoué et un autre séduisant par son refus de l’engagement.


La profondeur et la subtilité avec laquelle cette femme est dépeinte l’écarte définitivement des récits Harlequin mais plutôt des plus beaux mangas qu’Osamu Tezuka consacrés à des femmes (Barbara, Ayako, La femme insecte…), complexes et conquérantes. Les traits du visage d’Erika Karata comme la manière très graphique dont est filmée sa silhouette ne faisant que compléter ce lien. Hamaguchi rajoutant une touche personnelle par une certaine mélancolie à travers la sensation du fantôme d’un amour qui plane ou celle d’un remake inversé et sentimental de Sueurs froides (Alfred Hitchcock, 1958) qui cacherait un vertige plus profond qu’une histoire de sosies : celui d’une femme qui finit par se comprendre elle-même.

victeoiria
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le 8 nov. 2018

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