Assassin's Script, ou Rendez-nous Altaïr.

L'idée avait de quoi faire fantasmer tout fan, de près ou de loin, de la saga. Voir au grand écran les aventures d'une confrérie d'Assassins, quelle que soit l'époque choisie et ses enjeux précis, était pour moi un projet qu'Hollywood avait largement les moyens de mettre à l'honneur. Même si, dans un coin de ma tête, je n'étais pas complètement naïve au point de ne pas appréhender la mise au monde d'un blockbuster débile et juste basé "vite fait" sur les meilleurs aspects du game play d'Assassin's Creed.


On n'en est heureusement pas là.
Le film n'est ni débile, ni irrespectueux envers les amoureux de la Confrérie et autres haters de Templiers.
Mais. Un nombre de points considérable gâche l'ensemble et ternit, au fil du visionnage, un plaisir qui aurait pu être jouissif. Alors on va faire ce que tous les gens comme Durendal (que j'emmerde exceptionnellement parce qu'il a aimé, lui), ne peuvent pas supporter : on va comparer le potentiel du jeu au film qu'il m'a été donné de voir hier soir.


Une fois n'est pas coutume, on va commencer par la musique. Quelle déception. Pour ceux qui dorment au fond, le jeu livre des BO puissantes et viscérales, différant évidemment selon l'époque jouée, mais qui toutes conservent une trame cohérente les unes avec les autres. Il aurait été sublime d'entendre quelques notes émanant du premier ou du second jeu (voire pourquoi pas, de les scinder/associer en un même film), un hommage qui aurait probablement ému au plus profond tous ceux qui continuent d'écouter sur leur téléphone ou leur PC encore et encore ces mélodies définitivement marquantes. Autant dire que la compo de Jed Kurzel (frère du réalisateur...) est loin du compte. On a droit à des pseudos variations semblant évoquer l'Orient, mais aussi l'Espagne (sûrement dans une tentative de rendre hommage à la présence musulmane marquée dans le pays à l'époque, même si l'Inquisition nous renvoie justement à la fin de cette époque de cohabitation plus ou moins idéalisée, et donc sonnent plutôt faux...). Dommage. Une bonne BO, c'est quand vous sortez de votre séance de cinéma, et que vous vous sentez capable de marcher pendant trois heures avec votre capuche sur les yeux, la musique du film dans les oreilles (ou dans la tête), et que vous vous sentez à cheval entre le monde que vous a proposé le film et la réalité. Rien de tout ça, pour l'Assassin's Creed de Justin Kurzel. La musique colle à l'action. D'accord. On passe à la suite.


Le scénar. Mais le scénar.
Il est FAIT. Il n'y a qu'à prendre ce que les jeux vous tendent, quitte à améliorer ou rogner ce qui vous plaît moins pour livrer un film Assassin's Creed digne de ce nom ! Pourquoi Aguilar ? Pourquoi nous sortir un type out of nowhere alors que vous auriez pu adapter magnifiquement un Altaïr ou un Ezio, personnalités mille fois plus connues des fans et au charisme époustouflant (sans compter leurs passifs !). C'est vrai que faire un film sur un fils de musulman et de chrétienne au 12e siècle en pleine période des croisades, mais qui s'élève bien au-dessus de ses considérations religieuses pour servir l'Humanité sans s'occuper des croyances multiples, hum... non, c'est pas cool. C'est pas intéressant, et on me dit dans l'oreillette que les producteurs gueulent à cause du contexte socio-politico-n'importemoncul et que les gens sont trop cons pour comprendre le message... Alors on n'a qu'à faire un film sur un fils de bonne famille pendant la Renaissance italienne ! C'est bien, ça ! On montre l'Europe à une époque bourrée d'inventions et de renouveau, on pourrait trouver un mec sympa pour jouer Léonard de Vinci, ça ferait un putain de perso secondaire cool, et puis il a une histoire tragique hein, avec sa famille à moitié massacrée par les... Hein ? Non ? Pourquoi ? Parce que ? Ah d'accord.
Bon bah on va prendre un type joué par Michael FassBandant parce qu'au moins ça poussera les filles à aller voir le film. Hein ? Comment ça y'a plein de filles qui jouent à Assassin's Creed ? Ne dis pas de conneries, Michel, les jeux vidéos c'est pour les garçons. Ah, et puis FassBandant il va arracher son t-shirt à un moment, comme Wolverine, comme ça il restera torse nu pendant suffisamment longtemps pour que le public oublie qu'on fait de la merde avec la base du jeu.
Et puis on va dire que... que Marion Cotillard elle a inventé l'Animus pour éradiquer la violence parce que sa mère est morte. Voilà. Hein ? Comment ça dans le jeu ils luttent pas contre la violence ? On s'en fout, ça fait un super thème, en plus ça entretient l'idée que les jeux vidéos aussi c'est violent, qu'on est bien mieux à juste regarder notre film de merde, que les humains sont pas beaux, ils tuent, ils volent, ils frappent, ils sont agressifs, ouuuh. Et puis on n'a qu'à dire que les Assassins sont gentils parce qu'ils veulent promouvoir la violence, eux. Donc en fait c'est des conn...


Oh, wait.


Le message du film ? Oubliez-le. Bordélique, incompréhensible, à mille lieues de l'esprit des jeux. Mais bon, ils nous ont casé l'adage "Rien n'est vrai, Tout est permis", alors j'imagine que dans la tête des scénaristes shootés au vinaigre, c'est nickel, ça montre qu'ils ont respecté les fans, tout ça.
Bon et puis puisqu'on parle du casting avec Fassbender on va continuer, hein. Le mec a l'air aussi inspiré qu'une tortue en train de mâcher sa salade. On va être cruel, mais réaliste : Michael Fassbender est vieux. Bien trop vieux pour incarner le personnage principal d'un premier film Assassin's Creed (parce que vu comme c'est parti, on est bien pour se taper une trilogie, là. Au moins.). La fougue d'un Desmond ? Oubliée. Là on a juste droit à un caractériel qui a eu une enfance difficile, qui a quarante balais et qui est saoulé de ce qu'on lui demande de faire. Ne me demandez pas comment s'est passée sa révélation de "En fait, ils ont raison, je dois me synchroniser parfaitement avec mon ancêtre dont j'en ai visiblement rien à branler", parce que c'est un point qui m'a moi-même échappé. Le jeu monofacial de Fassbender est chiant. Juste chiant. On dirait Christian Bale quand il est en mode Bruce Wayne... Christian Bale tout court, en fait. Le personnage qu'il incarne, Cal, est obsédé par son propre passé, et pas une seule fois on ne peut lire un semblant d'intérêt réel pour cet ancêtre dont il revit pourtant les souvenirs.


Froid. Tout est froid comme les couloirs du laboratoire d'Abstergo. Alors oubliez les jolies couleurs de Jérusalem ou Damas, oubliez Florence et Venise, oubliez Constantinople. On vous montre quelques images orangées de Madrid et vous fermez vos gueules. Parce qu'on a décidé que ça suffisait hein.
Marion Cotillard joue correctement, as usual, mais son personnage est aussi passionnant qu'une poêle à frire, et ses enjeux, peu crédibles. Denis Menochet s'est perdu en route, et je n'arrive toujours pas à déterminer s'il ne méritait pas le rôle, si le rôle ne le méritait pas ou si c'est juste parce qu'il a pris 15 kilos et semble défoncé au plâtre que je n'ai pas trépigné comme j'aurais dû trépigner en voyant Denis à l'écran. (Denis, c'est le bien). Quant à Jérémy Irons, ARRETEZ DE METTRE CE MEC DANS DES FILMS.
Ce mec joue dans des BOUSES depuis quinze ans alors ARRETEZ. ARRETEZ. Arrêtez de me parler de son pseudo jeu d'acteur, ce mec RUINE tous les films dans lesquels je l'ai vu irrémédiablement, et ça ne manque pas. Arrêtez. S'il vous plaît.


Je vais m'arrêter là, moi. Parce que j'en ai marre. J'ai pas envie de souligner les costumes des acteurs, à peine dignes de figurer dans une Japan expo. Les tatouages/maquillages bizarres qui n'ont rien à foutre là, le personnage de l'assassin femme dont on connaît à peine le nom, prometteuse et dont l'exploitation aurait pu être bien meilleure. J'parlerai pas non plus du ratio : 20% de période historique, 80% de période moderne, ni des personnages secondaires dont on se contrefout et dont on ne sait rien, ni de l'absence cruelle d'authenticité.
Vous voulez savoir les trucs bien dans le film et qui vous rappelleront vraiment AC ? On va faire la liste, et ça va être très bref :



  • Un aigle (qu'on voit 50 fois pour bien rappeler que oulala, les nids d'aigle, tout ça).

  • Un combat/course-poursuite en chariot (sans doute la meilleure scène et la seule à sauver du film).

  • Deux pauvres sauts de la foi.

  • Un "ASSASSINO" qui rappelleront aux amoureux du 1 de jolis souvenirs.

  • Une course-poursuite en mode parkour.


Voilà. C'est bien hein ?
Moralité ? N'allez pas voir ce film, sauf en cas de masochisme prononcé, ou si vous adorez particulièrement vous faire chier dans une salle de cinéma. Ubisoft a soutenu la réalisation du film ? Shame on them.


Ah, et au fait.
Dites au réal' qu'il ne suffit pas de répéter "Pour le crédo" 35 fois dans un film pour en faire un Assassin's Creed.


Assassin's shit, ouais.

SerenJager
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Créée

le 30 déc. 2016

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Seren_Jager

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