K.Debbache, spécialiste notoire du cinéma sur les internets, a dit un jour à propos du général Bison se mettant subitement à voler au milieu de l'adaptation au cinéma de Street Fighter : "Et si on vous montrait cette scène dans un film qui n'est pas tiré d'un jeu vidéo, est ce que ça marcherait ?". En effet, il est souvent difficile de retranscrire au cinéma des codes vidéoludiques, pensés au départ pour des raisons de gameplay. L'échec du film Super Mario Bros en est un bon exemple. Ce qui paraîtra logique et évident à quelqu'un qui joue, ne le sera pas pour quelqu'un qui regarde un film.
Dans le jeu Assassin's Creed, premier du nom, le personnage entrait dans l'Animus, une machine lui permettant de revivre la vie de son ancêtre. Cette mécanique permettait plusieurs choses. Tout d'abord, renforcer l'immersion du joueur, puisqu'on le mettait dans la peau d'un jeune homme de notre époque, qui va pouvoir voyager dans le temps et vivre des aventures extraordinaires. Deuxièmement, l'Animus faisait office d'écran de chargement, et permettait de passer d'une phase de jeu à une autre, sans trop briser la continuité de la progression.
Dans le film, le concept de la machine est repris, mais voilà, il ne marche pas. Les raisons pour lesquelles il avait été introduit dans le jeu ne sont plus valables, et le choix du réalisateur d'entrecouper les scènes d'action avec des plans montrant Michael Fassbender en train de se battre dans la machine est plutôt quelque chose qui casse l'immersion dans le film, et qui nous rappelle que ce que vit l'acteur n'est pas réel, même si les personnages nous répètent que ça l'est. Dans le jeu ce sont des éléments discrets qui nous rappelaient notre place dans la machine, comme une barre de synchronisation. Mieux encore, l'idée de la machine permettait de justifier intelligemment la limite de la taille des cartes. Ici, se sont des plans ajoutés à la truelle en pleine action, et qui bavent d'effets spéciaux numériques. Mauvaise idée.


J'ai commencé sur ce point pour montrer que les adaptations de jeu vidéo ne sont toujours pas considérées comme les adaptations de livres où de séries. Il faut toujours calquer ce qui marchait dans le jeu pour faire plaisir aux "joueurs", catégorie abstraite qui ne correspond en fait, à personne. En faisant cela, ils ont oublié de s'occuper du film.


Et ce point de détail est loin d'être le seul souci. Ce qui m'a le plus gêné c'est la façon dont est présenté le scénario du film, pourtant simple. Mais quel bordel. Le temps est à peine laissé aux personnes qui ne connaissent pas le jeu le temps de digérer le principe de l'Animus, qu'on est pas déjà en train de leur parler d'une relique antique, le tout agrémenté d'un discours philosophique incompréhensible sur le libre-arbitre et sur le fait que la propension à commettre des crimes serait génétique. On s'y perd, même en connaissant de loin la licence, comme c'est mon cas. Pourtant, sans tout cet arrière plan qui ajoute plein de bribes d'éléments de la licence, incompréhensibles pour le profane, le pitch est clair : Michael Fassbender devait être condamné à mort pour meurtre, mais en fait, il meurt pas, il est à Madrid dans une boîte privée liée aux templiers et doit revivre la vie de son ancêtre pour mettre la main sur la pomme d'Eden, une relique qui contient les graines de la désobéissance humaine. Bon. Et dans la partie qui se déroule en Espagne vers 1492, c'est encore plus simple. Y a le méchant Chevalier "Pendez les devant leur père et brûlez le village" Noir et il veut tuer les gentils, Michael et une meuf qu'on sait pas qui c'est mais qui a l'air sympa.


Visuellement, c'est laid. Les moments dans le laboratoire passent encore, mais les scènes d'"époque" sont toutes baveuses de numérique et les couleurs sont dégueulasses. C'est d'ailleurs malheureux, car les scènes d'action qui s'y passent sont le seul moment ou je me suis un peu amusé dans le film, notamment les moments de course sur les toits, un hommage au jeu réussi cette fois. Mais pour ces moments de joie, il a fallu progresser entre des scènes de dialogues creux d'une lenteur inexorable, et des incohérences, comme le fait que les gens du laboratoire répètent tout au long du film à Fassbender qu'il n'est pas prisonnier, alors qu'il ne peut pas partir. Et aussi il est supposé être le dernier Assassin, alors que l'endroit où il est est blindé de gens qui sont des Assassins.


On y ajoute un retournement de situation ridicule à la fin, Michael Fassbender réussit le saut de la foi (Comme dans le jeu) et du coup il est totalement synchronisé avec son ancêtre et il se rend compte que les templiers c'est des méchants du coup il les attaque. J'entends bien que dans le jeu, le saut permet de synchroniser la carte. Mais encore une fois, si le film n'était pas tiré d'un jeu, est ce que vous y croiriez ?


Le film est bourré de tics de réalisation faussement novateurs,de caméras qui tournent, qui volent, qui font des saltos, et ça finit par se voir, et par nous sortir du film. La musique lourdingue nous hurle dans les oreilles à grand coups de corne de brume, dans une tentative désespérée pour nous faire croire que ce que l'on regarde est impressionnant. Michael Fassbender et Marion Cotillard se demandent ce qu'ils font là et ont l'air morts à l'intérieur. Pour qu'ils acceptent de faire le film, je me demande si on leur a menti sur le scénario ou si on leur a promis un très gros chèque (Ou les deux).
Bref, c'est long, c'est moche, on comprend pas grand chose et on à l'impression d'être face à un morceau de film duquel on a amputé pas mal d'informations.
Peut être que le film original faisait trois heures et apportait encore plus d'éléments de scénario, mais qu'il a été coupé par les studios. Mais c'est une hypothèse cauchemardesque, et je ne préfère pas imaginer un monde dans lequel un film Assassin's Creed de trois heures a existé.


PS : Le réal a aussi fait Macbeth, aussi avec Michael Fassbender et Marion Cotillard. ça a l'air mieux.

VernonRoche
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le 7 janv. 2017

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VernonRoche

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