Critique : Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté (par Cineshow.fr)

La saga Astérix au cinéma fait partie de ces adaptations moribondes qui ont contribué à salir le mythe d’origine, la faute à un foutage de guelle évident et surtout l’absence d’une réflexion quant au passage du papier à l’écran. Car on ne le dira jamais assez, il ne suffit pas de filmer des vignettes de BD pour faire un film, beaucoup s’y sont déjà cassé les dents et visiblement cela n’a pas beaucoup servi de leçon. Comme on pouvait s’y attendre, le film de Laurent Tirard est une pure mise en images des albums Astérix chez les Bretons et Astérix et Les Normands, un choix qui minimise le risque mais symbolise un aveu évident de faiblesse créative, tuant toute surprise potentielle et ne tenant absolument pas compte des contraintes cinématographiques pourtant primordiales. Il semble désormais évident que Astérix Mission Cléopâtre restera la seule vraie adaptation de la bande-dessinée d’Uderzo et Goscinny, un vrai petit miracle made in Chabat qui utilisait astucieusement les personnages et la trame de l’album d’origine pour proposer un nouveau regard, hilarant au demeurant, mais surtout une réappropriation ingénieuse de tout l’univers pour déboucher sur réussite intégrale.

Pourtant, ce regard décalé estampillé humour Canal + avait déclenché à l’époque un vent de révolte de la part des fans de la première heure mais également d’Uderzo qui ne le jugeait ni opportun ni en adéquation avec l’œuvre d’origine. Ils avaient tort ! Car Chabat, au-delà de cette couche humoristique qui continue de marquer les esprits 10 ans après, l’avait fait dans un respect total des valeurs de la bande-dessinée et des personnages. Alors lorsque l’on se lance dans une comparaison avec cette nouvelle aventure, le bilan fait très mal. En écrivant ces lignes, j’ai un peu le sentiment de tirer sur l’ambulance mais le fait est que les défauts et erreurs sont tellement nombreuses qu’il est impossible de ne pas les évoquer. En premier lieu, l’arche narrative globale à l’histoire, inspirée comme évoqué par deux opus d’Astérix. Très bien, sauf que l’introduction des Normands si elle n’était pas illogique en soi voire plutôt maligne, se transforme purement et simplement en objet marketing permettant de rajouter deux noms au générique et étoffer encore davantage la liste des « stars françaises » au sein de la production.

Alors oui, voir Dany Boon et Bouli Lanners avec un crâne et un gourdin, c’est assez drôle, oui, les quelques séquences chez les barbares font partie des plus drôles du film, mais oui aussi, les personnages ne servent à rien car n’ont aucune incidence sur l’histoire. Une démonstration claire et nette s’il en était besoin de l’incapacité à structurer correctement le récit sans tomber dans la multiplication de saynètes n’ayant pas vraiment de liant entre elles. On cherche à faire rire à des instants T sans chercher le moins du monde à construire une véritable cohérence dans la durée. Et cela se ressent furieusement au niveau du rythme général, inexistant. Jamais épique, jamais passionnant, les différentes actions s’enchaînent avec un désintérêt certains. Du siège du village Anglais par les romains (bonjour la ré-utilisation du même plan par 3 fois) au match du rugby (qui était si drôle dans la BD et le dessin animé), Laurent Tirard n’arrive jamais à insuffler une once de dynamisme, que ce soit par le montage, ses cadrages ou ses mouvements de caméras…dramatique.

On ne s’attardera pas sur les décors généraux d’une laideur effroyable, tout paraissant être en toc y compris les objets censés être lourds (cailloux, menhirs etc…). Pourtant, lorsque les décors naturels sont pris tel quel, l’ensemble demeure plutôt crédible. On se demande alors comment si peu de soin a pu être apporté au reste, comme si les bâtiments étaient sortis de la BD sans un travail intermédiaire pour les intégrer proprement. Un bien triste constat qui va de pair avec la plupart des effets spéciaux. Hormis certains passages assez soignés comme lorsque nos gaulois ingèrent la potion magique, tout le reste semble dater de 10 ans. A ce titre, l’attaque finale romaine est proprement hallucinante puisqu’à l’œil nu il est possible de détecter les personnages doublonnés dans les rangs Romains pour simuler la foule. C’est bien simple, un tel travail est indigne d’une production culminant à 60 millions d’euros.

On ne pourra pas non plus passer sous silence le double registre pachydermique du film, tantôt s’adressant aux plus jeunes grâce à des blagues bien pauvres, tantôt en s’adressant aux adultes via les sous-entendus réguliers sur l’homosexualité d’Astérix et Obélix. Une fois ça va, au bout d’une heure cinquante, l’effet devient carrément gênant. Encore une fois, si le film évite de justesse d’être aussi médiocre et méprisable que son prédécesseur, c’est grâce aux talents de son casting qui sauveraient n’importe quelle bouse de l’hécatombe. Tirard pourra ainsi remercier Fabrice Lucchini qui porte la composition de César la plus réussie à ce jour (parmi les 4 films) ainsi que Vincent Lacoste, le choix idéal pour Goudurix, qui apporte un certain « jmenfoutisme » salvateur directement inspiré par sa prestation dans Les beaux gosses. Un registre totalement décalé que n’aurait pas renié Alain Chabat 10 ans plus tôt. Depardieu en Obélix continue de porter le personnage honnêtement tandis qu’Edouard Baer en Astérix, le nouveau venu, n’arrive jamais à laisser ressortir le personnage de son jeu, à tel point que le film aurait pu s’appeler Edouard et Obélix au service de sa majesté. Nous tairons les jeux d’acteur de Catherine Deneuve (mon dieu, que fait-elle là) et de Valérie Lemercier qui affolent à chacune de leur séquence.

Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté est, en dépit des critiques presse très / trop élogieuses (certaines pratiques douteuses ayant été levées au grand jour il n’y a pas si longtemps – lire ici, je m’interroge sur cet accueil si positif…), un mauvais film, pénible à regarder, très moyennement drôle et surtout d’une rare médiocrité dans la réalisation et dans la finition. Après un troisième film qui avait redéfini les abîmes de la nullité, ce quatrième volet ne plonge pas aussi loin mais s’en rapproche quand même fortement.
mcrucq
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le 4 nov. 2012

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Mathieu  CRUCQ

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takeshi29
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