Quantième Art
Passé le stade de l'émancipation des films par rapport aux BDs, les adaptations animées d'Astérix arrivent avec ce film à une toute nouvelle dimension de créativité.
Sur le podium des faits les plus marquants à son propos, il faut avant tout considérer combien le film est noir. La BD n'est pas en reste de ce côté-là, mais l'œuvre cinématographique pousse le concept jusqu'à un certain malaise : doit-on rire ou non ? Est-ce fait pour ? On se rendra compte que les réponses à ces questions resteront un mystère, et c'est de là que vient le malaise. Toutefois, il ne naît que pour mieux disparaître, et on sortira du visionnage avec seulement l'impression d'avoir vu un film de caractère.
En seconde place, on remarquera l'accent mis sur l'environnement. Les animaux tels qu'on les connaît chez Goscinny et Uderzo perdent leur part de vie pour refluer dans l'arrière-plan et constituer une partie de l'énorme ambiance sonore. Si énorme, en fait, qu'il est incompréhensible que la régie ait jeté son dévolu sur une bande originale si fade et hors de propos. En plus des animaux, il a l'écho, et les bruitages qui tiennent de l'univers de la fantasy plutôt que de celui de l'animation. D'ailleurs, je me suis fait avoir lorsque l'allusion au monde de Dune est glissée de manière évidente ; j'étais sûr que c'était « pour de vrai ».
Une certaine ambiguïté (là aussi très fantasyesque) est également glissée avec la topographie de l'Armorique natale d'Astérix, que la « caméra » explore d'une façon qui la rend méconnaissable... parce qu'elle reste très respectueuse des lois physiques (les pentes des vallons, les orages qui s'approchent puis éclatent) tout en les malmenant avec beaucoup de liberté (le Romain volant, les marmites explosives etc.). Et dans le bouillon déjà bouillant, ces confrontations constituent l'ingrédient manquant pour faire du film une véritable potion magique.
L'animation n'a rien de franchement extraordinaire, et on peut râler après elle au début car les morceaux fixes de l'image sont très larges. Mais le mélange des histoires (Le Combat des chefs et Le Devin) ainsi que des genres passe étonnament bien, et il est clair tout le long du visionnage – comme après – que ce film est un total ovni qui fait semblant de rien, ramené à la réalité par des facilités un peu plus terre-à-terre, comme la suppression du ciment que sont les meilleurs traits d'esprits de la BD.
En gros, Le Coup du menhir est un panthéon de pierres sèches, un truc bizarre qui sait faire ressentir au spectateur un choc comparable à celui du menhir sur Panoramix. Un quasi-chef-d'œuvre qui manque le gros lot parce qu'il s'est ignoré, et n'a pas fait attention que ses déviances, si elles avaient été libérées, auraient pu être tout à fait géniales, ainsi qu'en témoigne la musique totalement ratée.