Bon, on peut le concéder assez facilement : on ne voit pas souvent de films inuits intégralement tournés en inuktitut dans la région arctique du Canada. D'autant que le conte raconté dans "Atanarjuat" est le premier de l'histoire du cinéma a avoir été écrit, réalisé et tourné dans ces conditions, 80 ans après "Nanouk l'Esquimau" de Flaherty : près d'un siècle sépare ces deux jalons historiques, évoluant dans des registres très différents. Et de manière plus pragmatique, le réalisateur Zacharias Kunuk propose un film d'une durée de près de 3 heures, tourné dans des conditions très éprouvantes (les températures ne montaient pas au-dessus de 0°C), épousant une vieille légende inuite (malmenée à certains endroits vraisemblablement) dans un style graphique un peu indigent — le format DTV ne fait malheureusement pas du tout honneur à la magnificence des paysages, c'est vraiment terrible.
Pour le reste, bien qu'il s'agisse d'une légende de l'extrême Nord canadien, c'est une fable qui évolue dans un cadre thématique très convenu faisant intervenir le pouvoir, la jalousie, la vengeance : seul le décor est sensiblement différent. On peut y voir une forme d'universalité du drame shakespearien, éventuellement... Mais à défaut d'être une révélation cinématographique, "Atanarjuat" peut se concevoir comme une légère escapade anthropologique qui permet de s'immerger dans un imaginaire collectif d'une tribu que le commun des mortels ne connaît pas.
La narration m'est apparue comme obscure à de nombreuses reprises, pas tant dans ces ellipses soudaines qui surprennent beaucoup mais plutôt dans la description de la communauté et de ses coutumes. On comprend qu'un équilibre est bouleversé lorsqu'arrive un chaman mystérieux, mais les conséquences de sa visite sur les hommes une fois adultes, Amaqjuaq l'homme fort et Atanarjuat l'homme rapide, restent peu claires (dans le meilleur de cas). Le personnage d'Oki (interprété par un chasseur analphabète qui a dû apprendre son texte par cœur), le fils prétentieux du chef du campement, à la tête d'une rivalité entre les deux familles, ressemble beaucoup à une caricature dans les autres régions cinématographiques connues... Quelques plaisirs fugaces, comme celui de voir Atanarjuat s'enfuyant en courant nu sur la banquise, ou encore cette sensation d'immersion dans des igloos et des tentes en peaux de phoques et autres tendons de caribous, mais le rythme chaotique de ce film, atypique et un peu trop naïf, est trop long et fatal.