Ron Howard nous plonge dans une aventure hollywoodienne de bonne tenue

Voir le terrifiant Moby Dick malmener l’équipage du capitaine Achab ne vous suffisait plus au cinéma et à la télévision ? Qu’à cela ne tienne, Hollywood a décidé de s’attaquer directement aux origines du mythe, à savoir comment l’écrivain Herman Melville est parvenu à s’approprier le véritable récit de l’Essex, baleinier parti en expédition qui s’est échoué après l’attaque d’un terrible cétacé blanc… ou comment nous resservir la trame de Moby Dick sous une autre version ! C’est ainsi que l’on pourrait voir Au cœur de l’océan : un pur produit hollywoodien qui se sert d’un prétexte afin d’exister. Mais c’était sans compter sur le savoir-faire du réalisateur Ron Howard ni sur les quelques atouts du long-métrages, lui permettant d’être un film d’assez bonne facture.


Pourtant, à voir le film en le survolant, on pourrait lui trouver bon nombre de défauts propres à toute production hollywoodienne de ce calibre. À commencer par un scénario ne sortant que trop rarement des sentiers battus, préférant avant tout la facilité en proposant des personnages manichéens au possible, des répliques peu travaillées et des ellipses bien trop visibles qui évitent des développements « trop complexes » de l’intrigue. Le tout en passant par une surdose d’effets numériques un chouïa vomitifs (les fonds verts se remarquent énormément, surtout lors de la tempête et de l’attaque de la baleine) et une musique symphonique en mettant plein les oreilles malgré des mélodies assez jolies à écouter. Voilà ce qu’aurait pu être Au cœur de l’océan si Ron Howard et son équipe ne s’étaient pas autant impliqués dans ce projet ! Car à défaut de livrer aux spectateurs un chef-d’œuvre, ils ont su faire de ce pur produit de commande un long-métrage à la fois palpitant et intéressant.


Pour le premier qualificatif, et cela s’est vu dès les bandes-annonces du film, Au cœur de l’océan vaut déjà le détour pour ses scènes d’action, que ce soit celle de la tempête ou bien chacune des apparitions fracassantes du cachalot blanc. Si les effets spéciaux se révèlent être bien trop visibles, il parviennent néanmoins à rendre le tout assez spectaculaire pour maintenir notre attention. Sans compter que l’ensemble est déjà servi par la mise en scène de Ron Howard qui, bien qu’elle soit classique comme à son habitude, se montre ici bien plus vivace et percutante que dans les autres films du réalisateur (Anges & Démons avait tout de même de l’énergie à revendre). Pour preuve, il suffit de voir les séquences d’harponnage, moments aussi épiques que la contre-attaque meurtrière de la baleine principale.


Pour le second, nous le devons à la richesse inattendue du scénario. Bien ce que celui-ci reflète bon nombre de clichés hollywoodiens, il ne se présente pas à nous tel une intrigue fumeuse d’un groupe d’hommes affrontant un monstre mais comme une histoire à multiples facettes. En deux heures de films, vous aurez ainsi droit au portrait d’une époque superbement mise en scène (décors, accessoires, costumes…) et d’un domaine peu montré au cinéma qu’était la chasse à la baleine et le commerce d’huile qui en découlait. À un intéressant parallèle entre le récit et le narrateur qui la raconte, une des victimes du naufrage énumérant son histoire à l’hauteur lui-même, le confrontant ainsi à l’horreur de la réalité qu’il veut transformer en fiction. À la dure vie des marins partant au large, même si nous sommes encore loin du brillantissime Master and Commander. À un film de survie (durant la seconde partie de celui-ci) qui n’évite pas certaines thématiques assez dures à encaisser (tel le cannibalisme) pour donner une certaine ampleur à l’ensemble, et mettant à rude épreuve le jeu de comédiens grandement impliqués (au point d’avoir perdu du poids et provoqué quelques tensions sur le plateau). Vous l’aurez compris, Au cœur de l’océan a suffisamment de matière en main pour être bien plus intéressant à suivre à défaut d’impressionner ou bien d’innover.


Après un Rush qui aura su marquer certains esprits cinéphiles, Au cœur de l’océan se présente à nous comme un avant-goût, un « film d’attente » qui nous permet de patienter jusqu’à la troisième adaptation de l’œuvre de Dan Brown de la part de Ron Howard (Inferno, prévu pour octobre 2016). Et au lieu de se contenter d’un petit film de studio, le réalisateur nous sert un film certes hollywoodien au possible mais parvenant à titiller notre curiosité avec aisance et savoir-faire. Il est dommage qu’Au cœur de l’océan n’ait pas connu cette reconnaissance qu’il mérite, n’ayant pas su rembourser son budget de 100 millions de dollars (à peine plus de 83 millions à travers le monde)…

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le 23 avr. 2016

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