Logiquement, cet Eastwood devrait moins plaire au public français.

Celui-ci, fermé jusqu'à l'obstruction hermétique aux questions relatives à l'au-delà, pique régulièrement des crises d'hystérie dès que l'on insinue l'hypothèse d'une survie après la mort. C'est d'ailleurs ce qui arrive au personnage joué par Cécile de France: dès qu'elle s'engage - à vrai dire un peu imprudemment - dans la rédaction d'un livre relatif à cette hypothèse, toute sa carrière - bien française (Clint a tapé là où ça fait mal !) - lui claque entre les doigts y compris son image sur les affiches, et le mec qu'elle avait.

Clint Eastwood - dont le film est par moments d'une certaine lourdeur pédagogique - trace le cheminement vraisemblable d'une personne qui veut exprimer en France sa croyance en un au-delà : il faut partir aux Etats-Unis, en Angleterre, mais pas entreprendre de se faire écouter dans ce pays de bornés où l'une des (nombreuses) névroses opérantes consiste à "ne jamais être dupe".

Au fil des portraits de vrais et faux spécialistes de l'au-delà auxquels il est fait allusion, on reconnaît les médiums de quartier (bien assaisonnés) , la transcommunication, le psychomanteion de Moody, etc.

Le film parle de la rencontre difficile entre ceux qui exigent un message de l'au-delà pour mettre du baume sur leur insupportable deuil, et ceux qui ont eu l'occasion de jeter un coup d'oeil de l'autre côté du voile, sans d'ailleurs pour autant en être beaucoup plus avancés.

La leçon finale (l'au-delà s'efface là où naît l'amour) tient en trois minutes. Difficile d'évacuer avec cela les questions posées par les deux heures restantes du film.

Le personnage joué par Matt Damon est sympathique (j'ai éprouvé une problématique analogue à la sienne, que j'ai résolue de la même façon). Mais la proposition de son frère, somme toute raisonnable, de ne pas se laisser bouffer par l'exercice de son don, ne semble pas justifier une refus aussi obstiné de sa part.

En contrepoint, impressionnant tsunami - et charmante leçon de cuisine italienne.

Le délice avec Eastwood, est que chaque plan est une photo dont j'aurais voulu être l'auteur, que chaque changement de scène respecte un rythme idéal. Clint, parfait, a également composé la musique.

Il nous fait visiter tous les lieux communs habituellement proférés dans le public à propos de l'au-delà, en s'arrangeant pour nous les rendre vraisemblables tour à tour. Mais il y a quand même une chose parfaitement invraisemblable dans le film: quand Cécile de France va poster son manuscrit en direction des Etats-Unis, elle ne fait pas la queue, et le postier est souriant et dynamique. J'aime bien Clint, mais de là à avaler un tel bobard...
khorsabad
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le 30 janv. 2011

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