SPOILERS


Voilà trois ans que nous nous dandinions d’impatience dans nos fauteuils de cinéma à l’idée de cette suite.


En 2012, Avengers nous en avait collé plein les yeux, et surtout plein les oreilles.


C’était badass, c’était beau gosse. Et puis il y avait Loki…


Entre temps, d’autres films de la franchise Marvel sont venus nourrir l’univers partagé des super-héros.


Je n’ai pas lu les comics, je ne me pose donc pas en experte Marvel, mais en simple spectatrice qui se régale devant les aventures de ces drôles d’individus costumés. C’est pourquoi mon regard critique se bornera à étudier le film en tant que tel, et non en tant qu’adaptation, et j’en profite pour m’insurger contre le courant de pensée que je nommerais « puriste chiant » et qui consiste à ne considérer l’œuvre qu’à travers le prisme des comics de base. Non seulement cette attitude est excluante pour tous ceux qui n’ont pas cette culture comic books, mais cela s’avère aussi hors de pertinence: un film doit être perçu en tant qu’œuvre à part entière, en tant qu’objet de cinématographie. Autrement dit, je me fous de savoir ce qu’il y a dans les comics, je vais au cinéma pour que l’on me raconte une histoire, si possible consistante. Les deux supports sont deux objets distincts et répondent à des exigences différentes. Je ne viens pas au cinéma faire une étude comparative, et mon jugement critique s’établit en fonction des critères liés au septième art (rythme, performances des acteurs, qualités des dialogues, de la mise en scène, etc…) et de la cohérence de l’univers cinématographique Marvel. Voilà, c’est dit. Et cela n’enlève rien à l’estime profonde que je voue aux fans de comic books.


Donc. Avengers, l’ère d’Ultron. Tout d’abord, big up pour les superbes scènes d’action (mention spéciale aux ralentis « collectifs » qui donnent le frisson) ET pour Alan Silvestri et sa musique enlevée et grandiose.


Ensuite, le Captain a toujours autant l’esprit d’équipe, et ça, c’est cool.


Visiblement, le parti pris a été de prendre le spectateur à contre-pied: vous aviez aimé le précédent opus? Eh bien, on va faire différemment. C’est plutôt original de la part de gros studios qui ont tendance à recycler à l’infini (et au-delà!) les formules gagnantes. L’idée ici est d’explorer les peurs secrètes des super-héros, qui touchent toutes de près ou de loin à la notion d’humanité.


Et l’humanité, c’est justement ce qu’Ultron, intelligence artificielle, vise à détruire. En gros, il veut sauver le monde en provoquant l’extinction de la race humaine. Ce qui fait d’Ultron un méchant plutôt intéressant, c’est l’ambiguïté de sa démarche: il ne fait pas la différence entre sauver le monde et le détruire (ainsi que le souligne Scarlet Witch). Il balance d’un extrême à l’autre tel un enfant gâté aux ambitions confuses. Et c’est, d’une manière paradoxale, le côté ambivalent, et donc humain de son personnage qui le rend assez charismatique (il aurait pu n’être qu’un robot sans âme parmi les autres robots relou démoniaques déjà vus au cinéma). Finalement, le métal ne le protège pas d’une certaine folie.


Transmission et filiation, création et destruction sont les thèmes centraux de cet épisode.


Stark a fait une bourde. En voulant protéger la Terre de futures invasions extraterrestres, il crée Ultron.


Si l’on devait résumer l’intrigue, il s’agit ici de tuer le père. C’est l’obsession première d’Ultron. Et le père est symbolisé par Stark.


Et, de façon étonnante, Hawkeye en est le personnage-clé. Lui, qui était jusqu’ici un héros secondaire, prend une place inattendue et même essentielle (merci aux scénaristes de ne pas l’avoir sacrifié à la fin après nous avoir baladé pendant quelques scènes genre « grosses balises autour du mec qui normalement ne devrait pas en réchapper »). Il est le seul Avenger à avoir une femme, des enfants, un bébé en route, un foyer, bref, un présent et un avenir. La révélation de l’existence d’une « vie normale » soigneusement cachée renvoie aux autres leurs propres souffrances: Hulk et Natasha sont tous les deux stériles (et leur romance qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe est, selon moi, simplement destinée à mettre en exergue les thèmes de l’impossibilité de la transmission). Steve est passé à côté de sa vie et n’en attend plus grand-chose. Quant à Stark et Thor, ils en sont encore à faire un combat de quéquettes afin de savoir qui a la meuf la plus brillante (Pepper ou Jane, à vous de choisir).


Les jumeaux ont toute ma tendresse même si je ne peux m’empêcher d’être déçue de leur exploitation: ils faisaient méga flipper dans les scènes post-générique. Et, avec les pouvoirs de Scarlet Witch, il y avait maxi potentiel pour foutre grave la merde chez les Avengers (OK elle réussit quand même à provoquer un combat d’anthologie entre Hulk et Iron Man). Et pourtant, pétard mouillé. Leur passé est expédié. On comprend qu’ils ont la haine contre Stark (le père, encore). Et puis, lorsqu’ils comprennent les véritables intentions d’Ultron, ils se rangent du côté des Avengers. On est contents de les compter dans les rangs mais on ne peut que regretter la rapidité du revirement de situation.


La noirceur de l’intrigue est à la fois déconcertante, positivement surprenante, et franchement badante. Heureusement, il y a toujours des punchlines bien senties qui viennent alléger l’ambiance pesante (l’auto-dérision de Thor est appréciable). Vision lui-même, nouveau personnage intriguant, se révèle légèrement inquiétant: il n’est du côté de personne. Il est « du côté de la vie ». Ce qui peut vouloir dire tout et son contraire…


Avengers, l’ère d’Ultron, qui amorce les ruptures idéologiques entre Iron Man et le Captain, laisse fortement supposer que d’autres auront également à choisir un camp d’ici peu…

_Rosebud_
8
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le 10 juin 2016

Critique lue 232 fois

_Rosebud_

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