Après nous avoir plongés avec maestria dans le Marseille des années 70 et narré la lutte acharnée de l'intègre juge Pierre Michel contre le trafic de drogue ("La French", 2014), nous attendions impatiemment le "BAC Nord" du réalisateur Cedric Jimenez.

Inspiré d'un fait divers de 2012 concernant des policiers de la brigade anti criminalité de Marseille accusés d'extorsion et de trafic de stupéfiants, ce film vaut plus que les polémiques qu'il a pu inspirer au dernier festival de Cannes.
Tout d'abord, le casting est sans faute ! Mentions particulières à Gilles Lellouche de nouveau impeccable en policier passionné se débattant avec sa frustration et à François Civil, tête brûlée mi-flic mi-voyou qui confirme son indéniable justesse.

Ensuite, le cinéaste imprime un rythme nerveux parfaitement maîtrisé qui tient les spectateurs en haleine et presque en suspension durant les nombreuses scènes d'action.
Les dialogues, les personnages et les scènes de vie sont absolument crédibles et orchestrés avec précision.
Enfin, on ne peut qu'adhérer aux constats sociétaux émanant du film et nécessitant des alternatives urgentes mais de plus en plus utopiques...
La démagogie politique et la vision à court terme enterrent définitivement tout espoir de changement salvateur. La hiérarchie déconnectée de la vérité du terrain infantilise et détruit au lieu de comprendre et bâtir. La déontologie policière est mise à rude épreuve dans ces cités inadaptées et désormais privées de tout droit républicain. Les médias immédiats et sensationnels s'épanouissent au détriment d'une information réflexive et objective.
Bien sûr, par essence probablement, un western tombe souvent dans un manichéisme simpliste. Celui-ci, loin de l'Ouest américain mais tout autant gonflé à la testostérone, fait la part belle aux rodéos (urbains) ainsi qu'aux duels "armes aux poings" et ne déroge pas vraiment à la règle. Et même si nous regrettons quelques raccourcis scénaristiques ou passages éludés, le réalisateur nous propose un brûlot percutant. On s'interroge réellement sur les écueils dans lesquels tombe notre société soi-disant moderne qui évolue à très grande vitesse. Et par cette fiction empruntée au réel, nous prenons conscience que nous sommes peut-être déjà arrivés au moment d'un choix peu enviable : justiciers transgressifs ou politiciens fossoyeurs ?... Si tel est le cas, Jimenez semble avoir fait son choix, la mort dans l'âme...

Jimbodo
8
Écrit par

Créée

le 19 août 2021

Critique lue 2.1K fois

6 j'aime

2 commentaires

Jimbodo

Écrit par

Critique lue 2.1K fois

6
2

D'autres avis sur BAC Nord

BAC Nord
LeTestard
5

Nerveux, mais trop peu ambiguë

5/10, car pour faire vite, on est pris dedans, c'est nerveux, on sait mettre de la tension, c'est parfois drôle, mais pas plus parce que le fond semble tout de même n'aller que dans un sens.Je ne...

le 18 août 2021

161 j'aime

13

BAC Nord
B_Jérémy
9

Après ce film, vous voterez Le Pen qu'il disait : " démago pour les nuls "

Ça fait 20 ans que je fais ce métier moi, tu crois que tu sais tout, mais tu sais rien. Tu ne sais pas ce qu'on a vécu là-bas ! Tu ne sais rien des quartiers Nord ! On a failli crever là-bas...

le 6 sept. 2021

107 j'aime

372

BAC Nord
lhomme-grenouille
1

Ici Radio-Bolloré…

Il existe deux façons d’appréhender BAC Nord. Deux. D’un côté on peut l’aborder comme le film censé occuper la soirée. Ce genre de film qu’on regarde sans « prise de tête » et avec pour seule...

le 18 août 2021

98 j'aime

191

Du même critique

Killers of the Flower Moon
Jimbodo
4

Scorsese (tr)Osage

Au-delà du titre très accrocheur et de ses impressionnantes têtes d’affiche, c’est surtout son thème qui faisait du dernier film de Martin Scorsese un événement cinématographique très attendu...

le 24 oct. 2023

2 j'aime

3

Benedetta
Jimbodo
2

Benedetta : presque une pénitence !...

Mais qu'avait donc en tête le réalisateur néerlandais Paul Verhoeven en s'emparant de l'histoire controversée de cette nonne illuminée et lesbienne du 17ème siècle ?... À l'image des films majeurs...

le 8 août 2021

2 j'aime

Babylon
Jimbodo
9

Babylon, Artist en couleurs... et en fureur !

En sortant de la projection de Babylon, on est conscient d'avoir assisté à un événement cinématographique "extra-ordinaire", au sens littéral du terme.Damien Chazelle est un réalisateur prodige de 38...

le 26 févr. 2023

1 j'aime