Remettons les choses dans leur contexte: Edgar Wright bossait pour Marvel sur son adaptation d'Ant Man depuis pratiquement 8 ans quand suites à des différentes artistiques (au lieu d'en faire un standalone, rendre le film canon au MCU en rajoutant des éléments comme la scène avec Falcon) le réalisateur britannique claque la porte et laisse à Marvel Studios son script et ces previsualisations pour faire Ant Man mais avec un autre réalisateur. A l'arrivée, le fantôme de wright hante complètement le film de brad peyton dans certaines séquences qui correspondent totalement au style de Wright (la scène de la valise entre autres ou le porte clés) second point à prendre compte: l'uppercut que s'est mangé en pleine face Edgar Wright à la vision de Mad Max Fury Road qui se posait la question de comment passer après ça, comment faire aussi fort, aussi intense?


Pour sa 2e collaboration avec les américains après Scott pilgrim, Wright décide encore une fois de plus de sortir des sentiers battus en offrant du neuf avec du vieux, à savoir un sujet classique dans le thriller policier ou le polar, traité déjà dans le film Drive de Nicolas Winding Refn, à savoir un chauffeur de braqueur de banques qui veut raccrocher et voit ses proches et son amour naissant pour une ravissante inconnue être mis en danger. La force de Baby Driver n'est pas tant dans l'écriture d'archétypes archi rabattus (le héros au grand coeur et génie du volant, le cinglé, le boss, le couple dangereux, le comique, la girl interest...) ou de ressorts connus des spectateurs sur les mécanismes alors trop répétés et archi revus du film de braquages que ce que le réalisateur sait faire de mieux: une mise en scène électrisante au rythme d'une bande son en adéquation avec le film et la séquence en question, comme chez Tarantino et non pas une impression de playlist commercial noyant le film (coucou suicide squad) .


Là encore, on est en effet en terrain connu puisqu'il faut passer après des monstres de références comme Heat ou Reservoir Dogs mais le film propose alors une idée toute simple mais poussé à son point de limite: Une musicalité dans le rythme et le découpage des scènes jusqu'au moindre axe de caméra collant avec les notes de la musique, musique jouant avec le spectateur sur sa nature intra et extra diégétique en permanence (la musique du film provient de la playlist des i pod dans les oreilles de Baby) allant même jusqu'à refaire le coup des Gardiens de la Galaxie Vol.2 en calant le morceau choisi avec les paroles de la chanson en lien avec les enjeux ou la psychologie des séquences cités en dialogue à l'écran.


Tout le film est un exercice de style jubilatoire oscillant entre le thriller "musical" par sa mise en scène explosive et un hommage appuyé aux codes même du genre jusqu'à créer un sous texte analytique et cathartique sur le rapport entre les personnages du point de vue de Baby à travers la musique, la mise en scène mais surtout les dialogues. Baby est à l'image de ses mix audios allant jusqu'à reconstruire sa personnalité et ses actions en répétant et imitant comme un enregistreur les paroles aussi bien de son entourage que d'extraits vus à la télévisions (quand il cite monstres et compagnie à Doc) le script utilisant même une astuce musicale de sample car Doc recycle toujours la même équipe mais jamais les mêmes deux fois ensemble un peu comme une tracklist aléatoire. Il en de même avec Debora qui complète les actions de Baby en chantonnant ou écoutant des morceaux ayant à deux ou trois reprises le mot baby dans son titre .


Mais l'énorme plus qui tiens du génie est la synchronisation absolument et complètement PARFAITE entre le son et l'action à l'écran à la note près: Doc comptant les billets du dernier casse, les rythmes des rafales des armes ou des balles tirés ou même le temps d'un mouvement de balai d'essuie glace.


C'est en ça qu'on peut parler de film musical car au delà de voir les acteurs pousser la chansonnette, et comme ça été le cas cette année avec La La Land ou Coco, de suivre un rythme musical sur une séquence où les actions suivent au rythme de la musique qui rythme ainsi le film dans son ensemble afin de le construire autour de la musique.


Je parlais plus haut de Mad Max Fury Road comme uppercut à tout un pan du cinéma actuel, aussi spectateurs que professionnels, il suffit de voir les inspirations évidentes en l'espace de quelques années sur Logan, Fast and furious 8 et de plus en plus fréquent de créer un réalisme sauvage et naturaliste dans l'action et surtout les scènes de poursuites en voitures ou autres véhicules. Dans le cas de Baby Driver, Wright m'a tué dés le trailer en un seul plan qui figure..dans les 5 premières minutes du film qui voit la voiture de Baby faire un dérapage contrôlé pour esquiver un camion dans une ruelle le tout filmé en vue quasi aérienne mais ce qu'il a surtout reconnu de la bombe nucléaire de George Miller est bien au delà des prouesses automobiles puisqu'il a permis au film de pouvoir se construire une séquence en étant à la fois en mouvement et en musique, le tout en rythme et ce dans une logique et une structure narrative terrassant tout à l'écran. Il n'y a pas à chercher dans Baby Driver, des fulgurances de mise en scène uniquement dans les poursuites ou les scènes d'actions encore moins de visuel post-apocalyptique et ça Wright comme Miller l'ont compris.


Le film peut également compter sur son casting absolument fabuleux, sans aucune fausse note. je ne connaissais pas encore Ansel Egort mais sa prestation dans le film est excellente, les membres du gang de Doc interpreté par Kevin Spacey (dont la participation au film n'a pas souffert de ses frasques personnelles récentes et inutilement mis en épingle) sont tous au poil: du rôle assez court du nouveau Punisher, Jon Bernthal à celui tout en subtilité et multi facettes de Jon Hamm en Buddy et celui complètement instable et drangeant de Jamie Foxx en Bats sans compter celui de la magnifique, lumineuse et radieuse Lily James en Debora et celui loin des clichés attendus d'Eliza Gonzalez en Darling.


Le film a cette avantage de jouer avec les codes pour déjouer les attentes en construisant ces personnages en deux temps à travers l'action et leurs fonctions archétypales (décrites plus hauts) mais aussi un développement de caractère absolument passionnant à suivre à travers les dialogues sur les identités derrière les pseudonymes et les implications entre leur passif et les répercussions que cela vont entraîner dans le film, celle de Buddy étant la plus passionnante et la plus surprenante car tout le film et principalement les scènes de briefing construisent les liens avec Baby qui se construit au contact des autres tout en montrant progressivement une seconde lecture passionnante


que Buddy étant montré comme étant le double maléfique de Baby, le choix de la ressemblance physique entre Lily James et Eliza Gonzalez n'est déjà pas une simple coïncidence et sur la façon dont "dark Buddy" veut se venger pour que Baby puisse comprendre sa souffrance au moment où en parallèle, Debora dérape aux côtés de Baby dans les actions illégales et la sauve à temps.


autre point très délicat à traiter est Baby lui même puisque le spectateur découvre le personnage et le voit se construire, évoluer au rythme des musiques au cours du film que le personnage écoute en permanence et qui illustre l'humeur de Baby et de façon extra diégétique, de définir le ton de la séquence. le film se permets même de déraper volontairement comme le moment où Baby demande aux braqueurs d'attendre qu'il est calé sa musique pour sortir de la voiture et aller braquer la banque car là encore intra diégétique, Baby ne seras pas en rythme avec la séquence.
Cette exemple est poussé à un point extrême où Wright joue sur les double sens dans le dialogues, une piste favorite se dit en anglais une "killer track" hors Buddy utilise Brighton Rock de Queen, la killer track de Baby, pour... tenter de tuer le personnage


on pourrait même pousser l'analyse du climax encore plus loin puisque la lumière des gyrophares se reflètant à l'intérieur de la voiture de police que pilote Buddy le transforme en créature maléfique, soulignant complètement son côté Nemesis mais le fait qu'il entende sa killer track pour essayer de le tuer souligne aussi le fait que Buddy est l'incarnation de la part sombre de Baby sur ses activités criminelles qui tente de le tuer alors qu'il cherche à la fuir. Avant de voir en conclusion du film deux images qui montrent alors la rédemption de Bay à l'écran: la première est cette image bucolique de fuite en amoureux avec une musique comme il rêve de le faire aux côtés de Debora avant d'être interrompu par un barrage de police, Debora représentant à ce moment là la volonté de fuite en avant mais qui donnerait raison à Doc et donc donnerait raison sur la vrai facette des actes de Baby. La seconde est l'image finale, très ouverte et jouant sur un registre similaire à...La La Land sur une projection fantasmée de cet avenir qu'il pourrait avoir avec Debora, adaptant son look du rêve à une version plus réaliste où Baby assume sa faute et expie ses péchés en se voyant accompli enfin son rêve une fois sorti de prison mais la muse en scène, la durée du plan et la rupture net avec le générique du fin laisse ouverte la question sur la réalité de la scène et surtout via le montage qui a précédé où l'on apprends 2 choses: durant le procès, il s'est vu diminuer sa peine de prison avec libération sous bonne conduite, un montage de scènes carcérales montrent que Baby se tient toujours à l'écart mais aussi que Debora malgré les cartes postales (reprenant au passage la même voiture verte que dans son rêve) lui fait la promesse de l'attendre.


Etant fan du cinéma de Wright, j'admets que Baby Driver n'est pas le meilleur film de sa filmo, j'assume à 100% aimer Hot Fuzz et Scott Pilgrim fait piaffer le geek en moi mais sans réussir à me toucher. Baby Driver est pour ma part une synthèse parfaite de mes envies du moment mais surtout la preuve encore que malgré une année désespérante et catastrophique en matières de blockbusters (les notes et mes critiques de la Momie, TF: The Last Knight et Justice League en sont un bon exemple) il reste encore de l'espoir pour des vrais auteurs sans avoir à devoir attendre les sorties du cinéma asiatique pour trouver ce qu'on attends encore du cinéma (même quitte à le voir par certains moyens que les distributeurs eux mêmes nous forcent à choisir) et surtout loin de la tagline ultra galvaudée et stupide "le film le plus cool jamais tournée" (non ca seras ready player one et detective dee 3 pour ma part à qui ça conviendras idéalement) Baby Driver offre une chose toute simple et ce en proposant un concept inédit et avec un budget de 35 millions de dollars: Divertir son spectateur, le faire parfois réfléchir mais surtout, ne jamais le prendre pour un con.

Philippe_Orlandini
9

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Créée

le 24 déc. 2017

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