Ma deuxième vraie critique ! Une critique scénaristique.

Dans *Baccalauréat* (*Bacalaureat*, 2016), Cristian Mungiu réexploite des thèmes déjà abordés dans *4 mois, 3 semaines, 2 jours* (*4 luni, 3 săptămâni și 2 zile*, 2007) et *Au-delà des collines* (*După dealuri*, 2012). Parmi eux, nous nommons : la Roumanie (son pays d'origine), la jeunesse (parfois étudiante) et la nature humaine (les droits et les conditions de vie, le sacrifice, l'exil, l'impuissance, la corruption, les obstacles,...). Le scénariste-réalisateur confronte un dilemme : “moralité ou immoralité?”. Tout est affaire de choix. 

Les deux personnages principaux : le père et la fille
Romeo est médecin. Il fait partie de la classe moyenne. Il est marié à Magda avec qui il a eu une fille, Eliza. Cela fait un an qu'il trompe sa femme avec Sandra, une enseignante. Sa femme est au courant. Pour le bien d'Eliza, ses parents préfèrent lui cacher cette vérité. Malgré cette séparation, Romeo est très attaché à sa fille. Il veut tout faire pour qu'elle obtienne son bac. Il lui a même préparé son avenir en Angleterre. Il est obsédé par la réussite de sa fille. Il est surtout montré comme impuissant face à chaque situation. Dès le début, il apparaît comme un père possessif. Il s'en prend à Marius (le petit copain d’Eliza), s’intéresse de près à l'enquête sur l'agression de sa fille et s’intéresse notamment à la façon dont on peut tricher lors des examens du baccalauréat pour aider sa fille...
Eliza, 18 ans, blonde, passe son bac. Elle apparaît comme une élève modèle. Au fur et à mesure, elle doute sur le fait d’aller en Angleterre après son bac. Elle vit sous la pression du père. Elle est secrète envers celui-ci et en même temps elle en est très proche. Elle a des relations qui oscillent entre sa mère et son père. Elle veut vivre avec son copain Marius qui est plus vieux qu'elle.


La structure du film
Nous ne savons jamais comment un événement va se produire et on nous annonce les événements sans les voir... La violence est "cachée". Parallèlement au fait que le film soit toujours dans l'annonce des informations, cela peut nous faire penser au contexte de l'épreuve que représente le baccalauréat. Cet effet d'annonce, c'est ce qui est produit lorsqu'on vient de passer une épreuve et on attend la réponse pour savoir si l'on est reçu.
Le film montre ce que vit le père de manière très linéaire. Il y a des “implants” dans le scénario, dans lesquels on sait que chaque information aura une utilité plus tard. C'est le cas par exemple lorsque Romeo demande d'imprimer une image de la vidéo au gendarme sur laquelle figure l’agression d’Eliza. Romeo ressort cette image à Marius, petit copain d’Eliza et aussi témoin de l'agression. Il y a aussi des problèmes non-résolus comme la personne qui a agressé Eliza ou bien harcelé Romeo. Ce "problème scénaristique" montre que n'importe qui aurait pu être les agresseurs. Cela démontre les failles de toute éducation, de toute psychologie humaine.


Le contexte du baccalauréat
Avant de passer le bac en Terminale, j’étais une élève sérieuse et assidue avec des problèmes d’expressions. Je me suis identifiée à l'adolescente du film. Je n'ai pas vécu une agression mais j’ai subi un “harcèlement moral et physique” par une camarade toxique. A cause du comportement de cette “camarade”, cela n’a pas amélioré ma confiance en moi. Bien sûr, cela annonçait le redoublement… Sur le moment, je n’avais pas bien compris ce que je devais faire pour être une “meilleure élève”. J’étais déjà très investie. Les notes et les commentaires des profs le prouvaient. Pour certains, le bac n’est qu’un bout de papier et pour d’autres, c’est toute une histoire… J'avais l'impression d'une injustice. Ma mère m'a dit qu'elle s'est reprochée mon échec au bac. Je comprends la réaction du père d'Eliza dans ce film. Cela montre comment les parents sont prêts à tout pour leurs enfants même s’ils se retrouvent parfois impuissants. Le baccalauréat représente une source principale d'angoisse aussi pour eux. C’est une frustration quand on dit que leur enfant portera l’étiquette "redoublant" et donc, qu’ils auront peut-être plus de mal que d’autres à réussir leur vie professionnelle. En réalité, ce ne sont que des préjugés. Selon moi, le propos du film est de montrer comment, dans une situation compliquée et inexpliquée, le traumatisme empoisonne la vie d’un ou des personnages. Le film est très réaliste (agression, triche au bac, les parents acharnés sur l'avenir de leurs enfants,...). On a tous droit à l’erreur. Le tout, c’est d’avancer après.
Cristian Mungiu explique dans une conférence de presse à Cannes que "ce n'est pas une histoire roumaine mais universelle", "Quand on est réalisateur de cette sorte de film, c'est toujours toi dans le film. Je reste en Roumanie donc je veux parler de choses importantes de ma vie. Maintenant, je suis parent donc je me pose plein de questions sur comment aborder les choses avec mes enfants et c'est pour ça que j'ai fait ce film". Cristian Mungiu a instauré un climat simple d'angoisse autour de cet événement mais d'un point de vue inexploré et tout autant dramatique : le point de vue du père. Son inquiétude est si forte que l'on pense que c'est lui qui passe une épreuve.


Critique rédigée en première année de licence cinéma pour un cours de scénario et retravaillée pour la publication sur SensCritique. Merci à Ethan Stuby pour l’aide et le soutien ;)


La Salamandre Filme

Créée

le 1 juil. 2020

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