L' escalade de la violence, la colère, le désir de revanche, la dépendance de ses sens. Ce manifeste philosophique interroge sur le bien et le mal, la foi, la rédemption et la justice de Dieu.
Manichéisme allégorique. Le bien est incarné par une religieuse. Le mal est incarné par un flic, symbole de l'injustice sociale dans une Amérique pervertie par le jeu, la drogue, la pauvreté, le crime et la prostitution. Comment trouver sa voie alors dans ce monde insensé ?
La religieuse cherche un échappatoire dans la ferveur catholique et l'amour de l'autre.
Le lieutenant cherche un échappatoire dans la ferveur de la défonce et le déni de l'autre.
La religieuse est-elle l'agneau de Dieu sur l'hôtel du sacrifice pour mettre le lieutenant sur la voie du seigneur ? Et bien oui, le crime odieux dont elle est la victime est l'élément déclencheur qui va ramener notre flic pourri, drogué, corrompu et sans repère dans la bergerie. Jésus n'abandonne pas ses brebis égarées. Trop tard peut-être ? A chacun de voir. Abel Ferrara n'a pas la prétention d'apporter une réponse claire à cette question. La justice de Dieu est au dessus de la justice des hommes et ses voies sont impénétrables.
Le bien et le mal sommeillent en chacun de nous depuis qu'Eve a croqué dans la pomme. C'est notre punition terrestre. Et le lieutenant ne supporte plus d'avoir les pieds sur terre, alors il s'envoie le plus souvent possible en l'air, dans les brumes cotonneuses de l'opium moderne. Mais son état de pauvre pêcheur le ramène encore trop souvent à la réalité.
L'once de bien qui sommeille encore en lui, lui donne suffisamment de force pour réclamer des comptes au Créateur. Oui le lieutenant souffre, mais à côté des plaies du Christ, il comprend que sa colère n'est rien. Pire encore elle l'a détruit.
Sa seule réalité tourne autour des matchs de base-ball. Ses filles sont inexistantes, lui-même d'ailleurs finit par s'effacer dans ce monde bruyant et obscur, il n'a même pas de nom. Extraordinaire, à quel point la vie sur terre est vaine, les protagonistes n'ont pas de nom.
Mais le lieutenant est un combattant, un sparte, comme l'atteste l'affiche du film. Il se sacrifie comme le Christ l'a fait pour sauver notre humanité.
Injustice pour certains car son acte de pardon dans un monde gangrené par l'appât du gain et la lutte du pouvoir, ne lui laisse pas le temps de réparer ses erreurs.
Justice diront d'autres, car cet acte d'absolution lui ouvre les portes du royaume céleste, l'âme enfin en paix.
Ce film est brut, sans ambages, comme son personnage, pas de fioritures. Nous découvrons la société sous le regard du lieutenant, tenu plus que par un seul fil à la réalité : le championnat américain de base ball.
La performance d'Harvey Keitel est bluffante, il incarne superbement la descente aux enfers de ce flic paumé. Toujours sur un fil, il arrive à nous faire sentir que ce ne 'est pas tout à fait lui ce sale type, tout en nuances, il joue juste.