En ces temps pré-estivaux, il est parfois bon de se voir rappeler qu'on peut être belle, rayonnante, désirable et débordante de vie, sans toutefois réussir à passer une cuisse dans un slim en 36. Qu'on peut être grasse et gracieuse, enveloppée et enveloppante. Que des bras pulpeux sont doux pour bercer un bébé, que de la rondeur peut naître le rayon.


Quel enchantement que ce film qui a presque mon âge et qui, comme tous les très bons films, semble sorti hier. La chanson-titre est pour beaucoup dans le souvenir ému que laisse cette jolie production dans la mémoire collective, mais il serait fort dommage de n'en retenir que cela. A bien des égards, Bagdad Café m'a évoqué Chat noir, chat blanc : traitement des couleurs, bazar foutraque, personnages excessifs, sensibilité à la détresse, joie dans le dénuement, thème du spectacle, bande-son vitaminée... Et c'est sans doute aussi pour ces mêmes raisons que ces deux films m'ont si vivement touchée.


Nous avons besoin de comédies (et des bonnes), surtout actuellement. Ici, les ressorts comiques sont nombreux (le peintre dragueur, les réactions volcaniques de Brenda, les shows de magie...), mais n'écrasent pas pour autant l'émotion - c'est cela qui, pour moi, est le plus réussi. Le passage au piano sur le prélude de Bach, les plans du ciel en flammes, les regards que s'échangent les deux femmes dès lors que la glace entre elles s'est fendue : on trouve beaucoup de beauté dans ce film.


Le tissage du lien entre Brenda et Jasmin est particulièrement intéressant. Les doutes de la première au début, sa méfiance à l'égard de l'Allemande au nom imprononçable, le climat de suspicion qui s'installe pour finalement laisser place à la complicité, à la faveur d'une attitude perpétuellement bienveillante : nous voilà entrés dans un monde où tout s'arrange, où la gentillesse désarme la colère.


Quel émouvant chant d'amour et de tolérance, quel conte touchant sur l'acquiescement à la différence : ce film devrait être montré à toutes les générations. Film qui utilise également brillamment la mise en scène théâtrale : dans l'immuable décor du café, se croisent toujours les mêmes personnages colorés ou bizarres - mais toujours attachants - chacun reprend sa place comme dans une véritable pièce.


Une ambiance qui vous colle le sourire aux lèvres, les yeux légèrement embués, et qui vous fait penser que oui, décidément, on obtient tout par la douceur....

BrunePlatine
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Chocs cinématographiques [2016] et J'ai pleuré en les voyant

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le 18 mai 2016

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