Narrer les origines d'un super-héros est toujours un moment délicat. Parce que ces personnages se construisent comme des figures mythologiques modernes, leurs débuts représentent une grande partie de l'intérêt qui leur est porté. Bien conscient des enjeux, surtout après une décennie de Batman ratés, plombés par les bouffoneries successives de Burton et de Schumacher, Christopher Nolan a su donner au personnage de Bruce Wayne la redéfinition dont il avait besoin.

Pendant une bonne moitié du film, Nolan prend un risque considérable et centre son récit sur la seule construction du personnage de Bruce Wayne. Le but n'est pas tant d'expliquer ce qui l'amènera à endosser le rôle du chevalier noir, puisque ce cheminement là est bien connu, que de poser les personnages et l'univers de façon minimaliste. Les scènes entre Christian Bale et Liam Neeson (qui interprète l'improbable Ra's'Al'Ghul dans une histoire d'origine, un pari osé) sont d'une sobriété pleine de symboles. Cette phase de construction est de loin la plus exaltante du film. De sorte que, lorsque l'homme chauve-souris apparaît pour la première fois, le tout a largement plus d'impact et de crédibilité.

A partir de ce moment, et sans grande subtilité (la scène où le PDG par intérim de Wayne Enterprises apprend qu'un dispositif dangereux de la firme a été capturé par des terroristes représente précisément le moment de ce basculement), le film bascule dans quelque chose de beaucoup plus convenu : un film de super-héros avec des enjeux plus ordinaires et des ficelles pas très originales. Divertissant malgré tout, en dépit des scènes d'action moins maîtrisées et d'un sous-villain dont on se serait bien passé, il s'agit clairement de la moitié la moins satisfaisante.

Il n'empêche, grâce à ce travail de construction à la fois inspiré des bonnes références (Batman : Year One de Miller/Mazuchelli dont le film reprend de nombreuses séquences) et de sa propre ambition, porté au demeurant par un parti pris esthétique réel, Batman Begins est un récit fondateur de grande qualité, qui ne redéfinit pas mais définit simplement, devenant le standard des origines de Batman dans la culture populaire de masse.
Jben
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le 20 juil. 2010

Modifiée

le 27 juil. 2012

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Jben

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