Après un Man of Steel réussie sur bien des points mais ne tenant pas la réussite dans les détails de son fond, Snyder nous revient avec le deuxième film de la saga DC. Un film qui ne se veut pas la suite de Man of Steel mais bien la rencontre entre le dernier fils de krypton et le chevalier noir. Par bien des aspects, le film propose des idées intéressantes dans le traitement, dans la forme, dans le placement. Malheureusement, derrière toutes les bonnes idées, de très mauvaises se placent, souvent dans l'exploitation.
Déjà je me permets de dire qu'une fois ce paragraphe finit je spoilerai sans aucune limite. Ce ne sera pas un florilège non plus, mais quand j'en sentirai la nécessité, je spoilerai sans retenue. Avant cela, je me permets de dire qu'une fois Man of Steel finit, j'ai immédiatement suivi l'actualité de Batman v Superman. J'ai suivi l'actualité pendant quelques mois puis une fois le premier trailer sorti, j'ai immédiatement arrêté. Je n'ai même pas vu les bandes-annonces suivantes tant j'avais peur du spoiler. Donc j'ai eu un regard presque parfaitement neuf, sans attente véritablement particulièrement.
Pourtant, le peu que je savais suffisait à m'effrayer. En effet, l'idée de traiter de tant de sujets me laissait penser que Snyder ne parviendrait pas à réaliser une œuvre efficace et cohérente mais plutôt réductrice dans chaque partie de cet énorme puzzle. Je n'ai pas été déçu vu qu'il s'agit, en effet, du problème sous-jacent de ce film.


Batman v Superman commence par l'enterrement des parents Wayne, on recommence ainsi par le mythe fondateur de Batman qui nous permet d'avoir une scène d'introduction efficace, remettant les bases et qui, pourtant, n'agacera pas le spectateur, un choix efficace.
Nous voyons ensuite le combat entre Zod et Superman du point de vue de Bruce Wayne, donc d'un humain, à Metropolis. L'idée est bonne de montrer le film Man of Steel selon un autre point de vue. Le film se lance réellement, avec une ellipse de 18 mois et nous voyons à quel point l'on est dans une bonne ambiance.


Deux éléments différents, basés sur la violence, vont alors apparaître pour servir de déclencheur au film. Deux éléments sous-traités dans leurs mises en place et centraux pourtant, pour l'avenir. Le premier est Superman qui sauve Loïs Lane d'un chef de guerre. La scène n'est pas claire mais selon des témoignages, plusieurs personnes meurent suite à l'intervention de Superman, dont des innocents. La scène, pourtant, en elle-même, n'a aucunement ce message. On ne comprend pas comment, à partir de cette intervention, Superman peut être jugé comme mauvais ou dangereux. Pas plus qu'on ne comprend comment certains terriens peuvent accuser Superman pour le combat contre Zod.
De l'autre côté, Batman va combattre un trafiquant d'enfant. Il le torture et le marque au fer rouge. À partir de là on nous montre que c'est un méchant. Il est donc violent. Certes. Mais pourtant, jamais le film ne souligne l'ancienneté du personnage. On sait qu'il a 20 ans d'ancienneté mais on ignore totalement en quoi cela l'a changé. Un sujet pour un prochain film ? Peut être, mais on aurait apprécier que cela soit traité.


Car l'absence de traitement de ces deux maigres scènes vont rendre une grande partie du film dénué de sens. En effet, Bruce Wayne voit en Superman une menace alors que celui-ci n'a de cesse de sauver des innocents et Clark Kent voit en Batman un dangereux psychopathe alors que celui-ci n'aurait brûlé que deux individus. Les deux finissent par se rencontrer à la fin d'une course poursuite de Batman contre des criminels et se menacent mutuellement.
On a donc un gros soucis, c'est que la thématique centrale n'est absolument pas développée sur le plan intellectuel. Tout est fait pour amener à ce combat entre les deux héros, un combat d'une rare artificialité au demeurant. Lex Luthor retient Martha Kent en otage et Superman doit combattre Batman. Alors que Clark veut demander son aide à Bruce, celui-ci préférant se battre (car il juge Superman dangereux, on ignore toujours pourquoi) Clark décide de … ba répondre ! Et il mettra 3 coups avant de retenter le dialogue, on ne s'étonnera pas alors que la chauve-sourie n'essaye pas de discuter et continue de se battre.
Résultat ? Un long combat attendu entre les deux héros mais totalement crétin qui s'achève par un traumatisme de Batman au nom de Martha. Logique ? Pas du tout. La scène se dissout en 10 secondes et les deux deviennent amis immédiatement. C'est gratuit, sans cohérence et surtout ça ne change absolument en rien les problèmes fondamentaux. Pourquoi les deux sont censés être d'accord alors que le problème fondamental (la vision de la justice) n'est absolument pas traité ? Le sous-thème qui est censé tenir le film demeure un projet avorté pour nous plus grand malheur. On n'a de cesse de le voir présent sans jamais être traité et il garde les capacités intellectuels d'un enfant de 4 ans.
Voilà un des énormes soucis de Batman v Superman, l'intelligence du film est totalement absente.


Notons que beaucoup d'autres scènes sont du même ordre avec des personnages idiots ou faisant des choix très mauvais. On s'étonnera de Bruce Wayne qui ne semble pas un si bon détective que ça.
On regrettera un Lex Luthor absolument nul, qui tient du Social Network plus qu'autre chose. Ni sa profondeur égocentrique, ni son besoin de prouver que Superman est une menace ne sont réellement présents, tout ça n'est qu'un prétexte pour sa folie inconsidéré et franchement ridicule.
Dans la même catégorie, le retour de Zod pour donner vie à Doomsday est d'une rare gratuité sans aucune forme d'utilité. Le combat se poursuit, là encore avec une certaine forme de bêtise dans un enchaînement très gras. Sur les 2h30 du film, la dernière demi-heure n'est qu'une longue suite de combat là où les 90 premières minutes ne faisaient que brosser un portrait de la situation.
On a donc un sentiment de too much excessif pour la fin là où on a pu trouver la narration beaucoup trop diluée dans une énorme partie du film.


De plus, le changement de point de vue, hyper concentré sur Batman, mais qui nécessite de revenir à Superman (car c'est aussi son film), le tout mêlé avec les intrigues secondaires et l'absence de profondeur intellectuel fait qu'on a encore plus de mal à rentrer dans les positions des protagonistes. On regarde donc tout ça d'un œil extérieur, en ayant bien du mal à se prendre au jeu.


Le film aurait gagné à voir un Batman plus en action, plus vivant, et non Bruce Wayne qui ne cesse d'enquêter sans raison sur Superman.
On aurait aussi gagner à éviter le teasing de porc sur le prochain film Justice League, sur le futur (oui une scène dans l'avenir) et sur les différents membres. Quand le film est déjà long et qu'en plus il a un rythme bien lent, on évite de se perdre en détail.


Si les scènes d'actions peuvent plaire on regrettera que celle contre Doomsday soit dénué de tout charme, la rendant encore plus artificielle, on appreciera cependant grandement l'intervention de Wonderwoman. Celle entre Batman et Superman tient du pur jouissif gratuit qui quelque part énerve encore plus apr son artificialité, le Batman du futur a le droit à une belle scène, comme Batman sauvant Martha même si les plans sont très faciles dans la construction et relevant de pas mal de clichés du genre.
La poursuite en Batmobile a d'ailleurs un côté too much qui est pas mal présent dans le film. Enfaite, il faut le savoir, Batman n'en a rien à faire des vies humaines ici, il peut tuer et provoquer la mort sans état d'âme. Du même coup, son discours contre Superman devient plus compliqué. L'idée d'un ami avec qui j'ai vu le film est qu'il faut interpréter Batman comme un fou, du début à la fin.


Vous devez vous dire que je critique beaucoup mais pas assez pour justifier ma note (3/10) mais il est essentiel de se rendre compte à quel point ce film est creux. Une énorme partie est dénuée d'action mais aussi de pensée, de réflexion et comme si ça ne suffisait pas, d'une narration motivante. On s'ennuie donc avec rien derrière. On enchaîne les clichés et les facilités scénaristiques, les sujets traités rapidement et les idées idiotes des personnages pour pas grand-chose. Nulle discussion, nulle réflexion, tout est gratuit et stupide. On termine ensuite avec un combat artificiel avant un bosse final sans aucune grandeur et avec un méchant Lex qui contrôlait tout depuis le début … Comme si le spectateur ne l'avait pas deviné dès la 5è minute du film.


On regrettera aussi une bande-son trop souvent moyenne qui, cependant, marque par ses ambiances pour les trois personnages de la trinité. Dommage que Batman prenne tant de place.


Tout n'est cependant pas à jeter, la photographie a de très bons moments par exemple, malgré des éclairs de lumières trop forts par moments et d'autres trop sombres. Quelques idées scénaristiques sont excellentes : Loïs Lane et Clark déjà en couple nous permet d'esquiver la fameuse phase de séduction. La scène du Pentagone surprend totalement le spectateur qui ne l'avait pas vu venir. On regrettera que le film n'utilise pas assez ce ressort dramatique de manière fine mais préfère le voir comme un gros changement sans subtilité. C'est cependant une excellente idée bien mise en scène. Wonderwoman est un personnage séduisant et actif qui parvient à convaincre sans peine et dont les scènes sont tout bonnement incroyables. Là encore un beau succès, c'est incontestable. Enfin, la fin est très osée, je dois le dire. La mort de Superman devenant ainsi un acte fondateur de la future ligue est vraiment surprenante mais a un charme qui s'oppose justement à toute l'artificialité des deux derniers actes.


Vous l'aurez compris, j'ai été déçu. Le film tient du bat-fan-service sans jamais assumé pour autant d'être un film sur Batman. Il est bicéphale et respire le manque de profondeur, la faute à des idées trop prenantes (combat Batman/Superman, Lex Luthor, Doomsday, Teasing de la futur Justice League). On essaye de montrer le ressenti émotionnel de Superman et ça marche, mais on oublie totalement de traité le fond, l'opposition entre deux visions du monde. Résultat, le film entier repose sur un combat qui n'a, sur le plan idéologique, jamais lieu, ni sur ses explications, ni sur sa conclusion. Ca donne un vrai sentiment d'avortement des idées tout le long et un vide qui est sans cesse repoussé jusqu'au combat contre Doomsday où il n'est plus nécessaire puisqu'on a juste à se battre.
Ne brillant pas par une réalisation exceptionnel ou un graphisme incroyable, le film ne peut pas se reposer non plus là-dessus. Étant doté d'un fond très faible, qui en plus de saveur, manque de rythme, on ne s'étonnera pas que Batman v Superman Dawn of Justice devienne une référence dans le futur du faux film intelligent de supers-héros.


Edit : Sur la critique d'Arbuste, avec Kenzy, j'ai eu un petit débat sur la question du lien film/comics et en quoi c'est un défaut dans ce film. Je pense que ça peut être intéressant donc je copie directement ce que j'ai dit :
Il y a, à l'intérieur du film, deux types de références aux comics : celles qui sont exclusives et celles qui ne le sont pas. Celles qui ne le sont pas sont par exemple la référence au Joker ou à la mort de Robin.
Une personne qui a le bagage de base (parce que très clairement le film s'attend à ce que les gens qui viennent connaissent la base du monde de Batman) comprendra tout à fait que Joker existe et qu'il a attaqué voir tué Robin. Il comprendra qu'il y a eu un Robin. Il ne comprendra guère que cela cependant.
Le fan de comics verra et appréciera la référence à la mort de Jason Todd ... Référence qui est pour moi, peut être mal comprise par les fans eux-même d'ailleurs.
Mais en sommes, le lecteur de comics appréciera et comprendra mieux que l'autre, cependant, le premier comprendra bien quand même. Idem pour Wonderwoman, Aquaman, Flash et Cyborg. Tous ces cas de figures sont des bonus pour le lecteur de comics et le non-lecteur ne sera guère gêné.


Cas plus spécifique : Batman him-self. On a très clairement un Batman Millerien, plusieurs fois j'ai songé à Dark Knight Returns, mais même à All-Star Batman pour les psychoses du personnages. Si on me dira que les références à DKR sont évidentes je répondrai, cependant, que les évidences sont dans la mise en scène, non dans la psychologie du personnage qui n'est pas évidente. Plus j'y pense et plus il m'apparaît que Batman dans ce film est fou, psychopathe comme l'est celui de Miller. Il me semble donc qu'un non-lecteur de comics, quelqu'un qui ne s'est jamais intéressé aux spécificités du Batman de Miller ne percevra pas la conception du personnage de Batman et sa psychologie et du fait perdra beaucoup du film.


Or, cette conception, ce fait n'est pas explicité dans le film même ...


Je reprends la mort de Jason Todd.
Que dis le film ? Un costume de Robin avec une marque du Joker. C'est tout.
Personnellement, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une référence à Death in the Family mais, en réalité, d'une référence, beaucoup plus subtile à Dark Knight Return et l'actuel retour de Miller sur son univers de Batman. Pour moi il s'agit de la mort de Robin par le Joker, non de 1989 mais celle évoquée en 1986 par Miller.
Or, dans ce comics, on peut songer que la mort de Jason, l'âge de Batman, la corruption du monde ont fini par le pousser dans la folie qui le caractérise. Cette folie déjà présente avant mais poussée à l'extrême.
Batman est un fou psychotique, voilà pourquoi il déteste Superman. C'est un fou dangereux qui est ainsi car il a été traumatisé enfant et qu'ensuite son fils adoptif est tué par son pire ennemi.


Cette compréhension du personnage n'existe pas (assez) de manière implicite dans le film. Il faut avoir lu le comics pour le comprendre.
Et c'est là, pour moi, l'énorme défaut du film : incompréhensible pour un spectateur pointilleux et amoureux du cinéma qui ne connait pas réellement le comics.


Edit 2 : Je me permets de dire qu'une fois qu'on entre dans un cadre de compréhension Millerienne qui n'est, selon moi, pas assez implicite dans le film, beaucoup de défauts de Batman s'évaporent ... Pas les autres cependant. Et c'est un point à ne pas oublier car si Batman centralise les haines, le film souffre de beaucoup de soucis sur lesquels on tombe plus facilement d'accord.
Je me permets cependant de dire que la vision Millerienne a été confirmé après le tournage par Aflleck qui a souligné la fragilité psychologique du personnage, mais aussi par Snyder qui n'a eu de cesse de dire qu'il s'inspirait du travail de Miller. Je pense clairement que cela baisse la qualité interne du film mais monte très clairement le méta-discours de Batman (par contre le fond réflexif sur l'opposition entre deux types de justice demeure inexistant hein, faut pas l'oublier ça).
La version longue qui a été annoncé contiendra plusieurs scènes qui devraient "détruire" ma critique, du même coup ceux qui la lisent après parution de la version longue peuvent peut être penser que je me trompe. En effet, la scène du désert avec Superman durera plus longtemps, en théorie on aura une explicitation très claire de l'implication de Superman dans la destruction, collatérale du village. De même la première apparition de Batman sera un peu différent et on devrait avoir quelques répliques pointues en plus pour souligner le positionnement des protagonistes.
Il est donc possible, tout à fait, que l'ensemble de ma critique soit morte dans quelques mois, j'en serai le premier satisfait :)

mavhoc
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le 23 mars 2016

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