3 ans de production, un budget faramineux que certaines rumeurs estiment comme le plus gros jamais vu à Hollywood et la mise en place d'un nouvel univers cinématographique...
Sur le papier, Batman V Superman, ca allait envoyer du lourd.


Sauf que Man of Steel et sa bêtise crasse sont déjà passés par là, et qu'il suffit de même pas 10 minutes au film de Snyder pour renouer avec ses vieux démons, ou du moins l'absurdité totale de certaines situations. Metropolis, c'est la merde, une machine à dubstep pulvérise la ville, et Wayne fonce en bagnole à travers celle-ci pour sauver des gens. Sympa, le boss appelle un de ses employés pour lui dire de dégager, et il fait bien puisque le mec au bout du fil est au sommet d'un building en train de regarder la ville se faire défoncer sous ses yeux à une distance toute relative.
Heureusement que tonton Bruce a appelé, sinon les mecs seraient sûrement restés sur place à attendre gentiment de se faire cramer le portrait...


Ce n'est qu'un détail, et il représente pourtant bien le caractère à l'ouest d'une entreprise qui veut s'affirmer comme une franchise sombre, noire, réaliste, sèche et à peu près tout ce que n'est pas Marvel. Soit, pourquoi pas, sauf que ce n'est pas parce qu'on tire une gueule de 10 pieds de long avec un air très concerné qu'on est plus intelligents que les clowns d'en face, même avec la photo la plus désaturée et crade du moment.
En réalité, les extrêmes ont toujours tort, et de la même manière qu'un Avengers m'exaspère en brisant toute montée dramatique avec une grosse vanne hors sujet, l'univers DC/Snyder ne tient pas le poids de sa lourdeur pachydermique à l'aune de détails aussi absurdes et d'un scénario aussi balisé.

Au début, le film semble partir dans tous les sens, avec d'abord Wayne et son Batman, puis en fait Superman/Clark Kent qui peine à convaincre tout le monde, mais en fait Lois Lane est partie enquêter en Afrique, sauf que Lex Luthor fait son show, mais attendez une Wonder Woman mystérieuse rôde...
En réalité, avec le temps, on arrive à remettre le tout en perspective et au final, l'intrigue n'a pas grand-chose de complexe même si elle se complique la vie, notamment avec des visions cauchemardesques d'une gratuité assez terrible. Sans déconner, la scène dans le désert, et le coup du caveau sanglant de Martha Wayne, on pourrait les couper du film sans la moindre perte d'information ni même d'émotion tant la tronche endeuillée à longueur de temps de Ben Affleck suffit à comprendre que le mec ne respire pas la joie de vivre.


La première déception en soit, au-delà de toute pose poussive et presque caricaturale, c'est bel et bien le cœur du film, son affrontement supposé colossal, vendu comme le combat du siècle.
Batman contre Superman, on l'a déjà vu dans les comics, où un type comme Frank Miller avait réussi à en tirer pleinement profit en orchestrant une baston dantesque, dans laquelle chaque poing dans la tronche de l'autre était justifié par un affrontement idéologique profond, une opposition dans la conception de la justice, la peur de l'autre et de ses méthodes, l'envie de plier le symbole adverse à ses propres codes.
Ici, les deux encapés se mettent réellement sur la tronche à cause... de la manipulation d'un autre.
Batman en veut à Superman notamment à cause d'un incident au Sénat qui n'était que plan machiavélique, et Superman en vient au combat à cause d'un autre plan machiavélique indépendant de sa volonté. Jamais les personnages ne se battent pour questionner la moralité et l'idéologie de l'autre à ce moment clé, ce qui ramène une lutte entre deux putains de symboles à une simple baston de pantins désarticulés non-maîtres de leur destin.

En même temps, les deux bonhommes en civils se retournent la faveur en début de film dans un gala en 2 secondes (chacun expose son point de vue) avant d'être interrompus par Luthor, le pantin démoniaque en question! On pourrait presque résumer tout le conflit à ce dialogue bien explicite et chiche qu'en fin de compte, ça ne changerait rien, d'autant que la supposée scène, véritable véhicule à fantasmes, est torchée en 10 minutes sans briller particulièrement.


Plus encore que de vider l'affrontement d'enjeux profonds et passionnants, Snyder commet sans doute sa plus grosse erreur dans la représentation des deux personnages.
Man of Steel avait fait coulé beaucoup d'encre là-dessus, et Batman V Superman en a ouvertement conscience quand on voit combien le film essai d'éviter le sujet à nouveau, en montrant la fin du précédent film du point de vue des humains impuissants, semblables aux spectateurs, ou en essayant de se justifier systématiquement, notamment quand les personnages se foutent sur la tronche face au boss de fin dans un port apriori déserté de civils.
C'est bien sympa de prétendre montrer des héros se souciant des dommages collatéraux, mais encore ne faut-il pas les mettre en scène comme des ultras bourrins qui atomisent tout sur leur passage. Pas la peine de commenter Superman qui fait traverser plusieurs murs à un simple humain en début de film, pour le coup rien de nouveau. Là où ça tourne au carnage, c'est lorsque le Dark Knight rentre en jeu. Et vas y que je canarde à tout va en batmobile ou en batjet, provoquant des explosions en chaîne avec plein de mecs en milieu. Quitte à y aller franchement, pourquoi ne pas prendre au milieu d'un combat la mitrailleuse d'un adversaire pour canarder les gars autour de soit?! Et histoire de bien achever le truc, un homme qui a le malheur d'avoir une bouteille de gaz dans le dos, c'est vrai que c'est plus simple de le faire sauter.
Batman et Superman n'ont tellement aucune retenue qu'ils butent tout ce qui bouge. On peut n'en avoir rien à secouer et passer outre ce problème d'adaptation pur et dur, d'autant que la question se posait déjà chez Burton ou Nolan, qui essayait chacun de faire passer la pilule, parfois maladroitement, mais tout de même.
Ici, clairement, les deux personnages n'ont plus rien qui ne les différencie d'un Punisher.
Ca devient extrêmement problématique dans la logique même du film, où les deux sont censés ne pas apprécier les méthodes de l'autre. Sauf que c'est les mêmes au final.
Super puissance ou bat gadgets, les deux y vont comme des barbares, trahissant leurs raisons d'être, les limites qu'ils sont censés se donner, et ce qui doit les différencier du mal.


Véritablement saboté par un Jesse Eisenberg qui ne sait plus si il doit jouer Mark Zuckerberg ou le Joker (manque de pot, il est censé être Lex Luthor), le film passe donc complètement à côté de son affrontement, pour finir dans une orgie numérique à peine spectaculaire. Déjà, la surpuissance absolue des personnages pose question, tant ce défilé de coups ravageant des quartiers entiers est tellement irréel qu'il n'en impressionne même plus.
Un peu comme le Godzilla de Gareth Edwards, où l'on sentait qu'on commençait à toucher les limites de la surenchère et de la surpuissance tant le monstre faisait tout tomber comme un château de sable. Ici, c'est encore pire, d'autant que la réalisation de Snyder s'emballe dans des plans numériques outranciers où la caméra virevolte sans savoir quoi filmer.
Déjà, c'est la nuit donc on ne voit pas grand chose, mais avec les combattants traversant le sol en le creusant sur 100 m à chaque coup, le tout filmé de près avec des mouvements digitaux qui tentent de fondre le béton et le cadre, c'est vite illisible. Et quand on est face à une poursuite avec la Batmobile, Snyder semble trop préoccupé à prendre la relève de JJ Abrams, les phares du véhicules étant plein pot dans l'écran pour multiplier les flares à outrance. Il faut dire que la scène n'ayant que peu d'enjeux vu que Batman suit des hommes de mains voués à être de la chair à canon, ça n'aide pas vraiment pour le spectaculaire, ni même une quelconque stimulation dans la dite scène. De manière générale, le montage très cut des scènes d'actions, et le côté trop approximatif du cadre dans ces dernières, empêchent de pleinement apprécier les joutes physiques de l'homme chauve souris.


Alors au final que reste-t-il de cette immense baudruche?
Le score assourdissant et générique de Hans Zimmer & Junkie XL, qui sort le thème pour Batman le moins inspiré qu'on ait vu de tous ses films, mais aussi du genre super héroïque en général.
Wonder Woman, pièce rapportée s'il en est qui s'en sort pas trop mal en étant crédible face à des bêtes de muscles. L'interprétation de Ben Affleck, convaincant dans le costume tout comme Jeremy Irons en Alfred. Et bien sûr les piques à la Justice League, qui parsèment le film n'importe comment, notamment dans un "Flash Forward" annonçant la suite en plein milieu, et qui s'avère n'être qu'un rêve là où son utilité semble réelle. (?!) Enfin, entre ça et des fichiers dévoilant les autres membres de la Justice League tel un power point d'actionnaire Warner, on se demande encore quel est le mieux.


Au final, Batman V Superman trahit la raison d'être et d'agir des personnages, tout en les faisant passer pour des couillons (les deux se font avoir comme des bleus à longueur de film). Quand au ton supposément grave et plus riche qu'un Marvel, il n'y a qu'à voir comment la seule prise de risque scénaristique du film est annihilée dans son dernier plan pour réaliser combien rien n'a de poids concret, et comment tout est fait pour vous annoncer les films suivants plutôt que de faire celui en cours correctement. Quand on sait que le film a mis plus du double du temps de production d'un Marvel Studios, le résultat en ressort d'autant plus piteux.

Xidius
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le 24 mars 2016

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Xidius

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Kelemvor
4

Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

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