En l'an 2013, sortant de "Man of Steel" accompagné d'une douce migraine, l'esprit embrouillé par cette séquence de baston bigarrée qui n'en finissait plus entre deux personnages de cartoon désaturés, je voyais difficilement comment une suite était possible. Comment surenchérir après ce délire de destruction pornographique ? En bref, c'était évident que je n'irais pas voir "Man of Steel 2", parce que ça ne m'intéressait pas d'assister à nouveau à ce genre de scènes avec des mecs durs comme l'acier qui se cognent pendant des plombes dans des décors de gravats numériques déprimants.


Coup de poing de génie de la part de Snyder, proposer un combat contre Batman. Bien joué mec... bien joué.


Commence alors la période fantasme. Comment le terrien Bruce Wayne, justicier de l'ombre, gentleman casseur de tronche, allait réussir à mettre des bâtons dans les roues de ce jeune Superman inexpérimenté et prétentieux ? Viennent alors les premières images, et là tout s’effondre à nouveau.


Alors qu'on essaye de nous faire passer les deux heures qui précèdent l'insipide bagarre tant attendue pour le développement de personnalité complexe des deux protagonistes, on est en réalité devant un produit prétexte à introduire le plus rapidement possible le maximum d'éléments pour rattraper un soit-disant retard sur le concurrent Marvel. J'en ai personnellement rien à carrer que Marvel en soit déjà à la préparation du troisième film "Avengers", ça ne justifie en rien le fait de transformer ce qui aurait pu être une oeuvre cinématographique pertinente en banal film de transition destiné à faire rappliquer toute la clique de la "Ligue des Justiciers" plus vite que prévu. On sent tellement que des films Batman et Wonder Woman méritaient largement d'être réalisés en amont avant de réunir tout ce bazar...


Le comble, c'est cette espèce de teaser déguisé dégueulasse en plein milieu du film, où Batman voit un mec du futur le mettre en garde contre un Superman devenu tyrannique suite à la mort de sa Loïs Lane. On ne peut pas faire plus gratuit que ce fan-service mal amené... jusqu'au moment où Batman reçoit des vidéos qui annoncent la future présence d'Aquaman (les joues gonflées sous l'eau, bravo les branchies), ainsi que Flash et... un autre que je connais pas.


Alors évidement, quand on est lecteur des comics, j'imagine qu'on est déjà plus susceptible d'être caressé dans le sens du poil à la simple vue de cette trinité réunie en coup de vent. Mais on ne le dira jamais assez, les préliminaires, c'est pas secondaires.


En résulte donc un combat final calqué sur "Migraine of Steel", avec un véritable boss de fin surprise sorti tout droit d'un chapeau magique. Batman devient inutile et n'aura rien d'autre à faire que d'esquiver la foudre divine pour survivre en attendant que Wonder Woman arrête de prendre la pose pour la bande-annonce. Cette étrange sensation d'être devant une cinématique de jeu-vidéo est définitivement très propre à Zack Snyder. En gros, tout fait faux et on ne ressent rien.


On retrouve encore une fois cette mise en scène tremblotante insupportable, caméra à l'épaule d'un malade de Parkinson qui s'obstine à ne jamais cadrer proprement, parce que c'est supposé être plus immersif. Seulement c'est difficile de rentrer dans une scène quand on ne comprend tout simplement rien de ce qui se déroule sous nos yeux. Le paroxysme, c'est lors de cette séquence de course poursuite avec la Batmobile (dont j'étais incapable de discerner la forme tant les plans étaient serrés et le montage anarchique). Je n'ai littéralement pas compris l'action de cette scène. Il y'avait du bruit et de la lumière, c'est ma seule certitude.


J'avoue ne pas comprendre les personnes qui trouvent ce film esthétique. J'étais assis dans la salle, l'écran gigantesque emplissait mon champs de vision, le son vibrait tout autours de moi et je me disais perpétuellement : "C'est moche". Rien n'est magnifié, tout est terne, les décors sont vides, froids. Les personnages sont gris foncés sur fond noir, ils ne ressortent pas. Pour les bastons, il n'y a aucune idée dans les chorégraphies, le montage alourdis tout, les plans s'enchaînent trop vites, ça ne parvient jamais à créer la moindre ambiance.


Seul Doomsday amène un peu de couleur lors des dix dernières minutes, ses gerbes d'éclairs gélatineux apportant enfin un peu de gaieté à cette soupe de gravier.


Concernant la musique, c'est comme à son habitude un travail efficace de la part de Hans Zimmer... bien que le thème de "Man of Steel" débarque souvent comme un cheveux dans la guimauve. C'est pourtant une mélodie sobre, mais qui parvient à se chausser de gros sabots quand il s'agit de souligner l'émotion d'un dialogue. Je retiendrai quand même l'excellente composition accompagnant le personnage de Luthor, très marquée et violente, et qui se trouve être une variation plus grave de celle de Superman, une idée simple mais qui souligne efficacement la figure d'opposition qu'il incarne.


Dommage que Jesse Eisenberg en ai fait des tonnes avec son interprétation du nemesis dégarnis. J'avais du mal à le croire, mais il s'est complètement parodié lui-même. C'est le Zuckerberg de "The Social Network" qui aurait prit des cours de vilenie chez le Docteur Denfer (manquait juste le passage avec un rire machiavélique et on y était). Pour le reste du casting, rien à dire, c'est correct sans plus.


Pour terminer, je dirais que les thématiques graves sont certes intéressantes, mais qu'elles sont bien trop sous-développées. En résulte un mélange un peu bâtard entre une adaptation de comics défouloir avec un ton bien trop premier degré et sérieux, évocateur des précédents "Batman" de Christopher "Cartésien" Nolan (à la différence que ceux-ci étaient totalement encrés dans une approche réaliste). En fait, je trouve vraiment que ça se marie très mal. C'est assez perturbant de passer d'un registre sombre et torturé à ces élans épiques de super-héros en collant, sous fond de musique metal. Par exemple, je pense que c'est un contraste qui marchait très bien pour le film "300" (du même réalisateur), parce qu'on était clairement dans un contexte fantastique irréel (un monde où tout le monde est en slip, quoi). J'estime donc que ce "Batman v Superman" ne traite pas véritablement de manière "adulte" des super-héros. Ce n'est qu'une enveloppe qui dissimule un fond vide, visant à décomplexer le gros bourrin qui sommeillent en nous. Et je précise que le barbare qui dors en moi n'a pas été bien stimulé par ce film trop numérique qui manquait d'action sincère et viscérale.


Voilà, alors je n'ai pas aimé et c'est bien dommage pour ma pomme. Ceux à qui le film s'adresse, qui ont pu l'apprécier... grand bien dans leurs faces. Je n'irais définitivement pas voir les suites de cet univers DC au cinoche, parce que ce n'est pas ce que je veux voir, ce n'est pas ce qui m'intéresse. Cependant, malgré le fait que les goûts et les couleurs soient dans la nature, on ne m’ôtera pas de la tête que ce sont deux films (j’inclus "Man of Steel") qui souffrent de trop de défauts pour être considérés comme des œuvres réussies. Pour moi ce sont des caprices puérils pompiers, qui se prennent trop au sérieux alors qu'ils n'en ont pas la carrure.

Fabien_Campaner
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le 26 mars 2016

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Fabien_Campaner

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Kelemvor
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Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

Qu'on se le dise, Man of Steel était une vraie purge. L'enfant gibbeux et perclus du blockbuster hollywoodien des années 2000 qui sacrifie l'inventivité, la narrativité et la verve épique sur l'autel...

le 25 mars 2016

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