Je n’aurais pas pensé revoir Roberts dans un rôle 100% américain qui confine son personnage dans ce que, le temps du visionnage, on croit être sa personne. Très portée famille et fêtes de fin d’année, cette énième Julia s’appelle Holly mais elle est loin d’être une sainte : affolée, impulsive et culpabilisante, elle semble concentrer en elle toute l’humeur du film et n’aide franchement pas à l’immersion pendant sa première moitié.


Cette partie-là est d’ailleurs si épaisse de feel bad qu’elle en est presque malsaine. Ben is back, il revient de cure de désintoxication, et l’incompréhension à laquelle il se heurte manque de soupapes. On croirait que Hedges veut nous plonger au plus rapide dans la déprime. Et c’est en effet voulu.


Cet effet montagne russe est loin d’être prodigieux, et il est raccord avec l’idée que le film ne cherche pas l’ultraréalisme. Il l’est toutefois en un sens, car il ne cherche pas à faire de Ben le drogué son propos. Le propos, c’est qu’il A ÉTÉ drogué, et Hedges ouvre le rideau là où d’autres auraient pu le fermer : il parle de l’après, un peu comme Room (Lenny Abrahamson, 2015). Cet après, on va l’explorer bidirectionnellement : on va de l’avant avec Ben et ses résolutions, et on regarde en arrière par les allusions faites à son passé et les découvertes que sa propre mère va faire sur lui.


Dans ce contexte, il est normal que l’incompréhension soit étouffante et apparemment privée de racines. S’il n’est pas idéal d’avoir caché longtemps pourquoi (et surtout de cette manière), Hedges arrive à constituer une ambiance pleine de sens que je n’ai pas peur de comparer à Prisoners (Denis Villeneuve, 2013) pour sa pesanteur magnifique, familiale et pourtant superdramatique.


C’est le cas sur une moitié du film, en tout cas, et pas vraiment grâce à Roberts ; le fils du réalisateur, Lucas Hedges, est poignant dans son rôle de toxicomane et touchant dans le déroulé qu’il fait d’antécédents transformés en phobies, ainsi que dans le contact qu’il crée entre ces dernières et les proches (Kathryn Newton notamment, quoique son rôle d’ado geek est très très cliché).


Au gré de re-rencontres noires portant autant de poids du passé qu’elles ne donnent de sens au présent, c’est une descente aux ans fiers maîtrisée que celle de Hedges, même si elle déborde et souffre de ce que Roberts est ostensiblement – et à tort – portée aux nues du titre d’affiche.


Quantième Art

EowynCwper
6
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le 4 août 2019

Critique lue 233 fois

Eowyn Cwper

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