En dépit d'une carrière de près de 50 ans au cinéma (et même 60 si on prend en compte ses premiers courts métrages et ses travaux pour la télévision), Paul Verhoeven a une filmographie assez peu dense.
A désormais 83 ans, le réalisateur néerlandais a connu plusieurs grandes étapes dans sa carrière. Les années 70/débuts 80 où il a essentiellement œuvré dans son pays. Sa période américaine, où il a connu ses plus gros succès commerciaux, et enfin son retour en Europe marqué par de nouvelles collaborations avec son pays d'origine mais aussi avec la France.
Après le relatif succès critique de Elle en 2016, Verhoeven revient avec Benedetta, nouveau film entièrement tourné dans la langue de Molière.


Benedetta se base sur l'histoire vraie de sœur Benedetta Carlini, une religieuse italienne du XVIIe siècle, dont l'histoire a été remise en lumière dans les années 80 par l'historienne Judith Brown dans une biographie rédigée après avoir découvert son histoire dans les archives de Florence.
Le film s'attarde essentiellement sur la période où la religieuse (entrée au couvent de Pescia alors qu'elle n'avait qu'une dizaine d'années) va "monter en grade" au sein du monastère des Théatines.
Alors qu'elle approche de la trentaine, Benedetta va en effet expérimenter plusieurs phénomènes étranges. Ses rêves de Jésus s'adressant à elle sont de plus en plus fréquents, elle a même parfois des visions alors qu'elle est éveillée. Encore plus incroyable, elle va bientôt présenter des coupures profondes à divers endroits du corps, pareilles aux stigmates du Christ. Ce dernier ira même jusqu'à s'exprimer aux autres membres de la congrégation à travers elle dans des moments qui semblent assimilables à un état de trance.
Parallèlement, le couvent accueille Bartolomea, une jeune paysanne qui demande à intégrer l'institution pour échapper aux viols répétés de son père et de ses frères.
Bartolomea et Benedetta vont rapidement se rapprocher, bien au-delà de ce qui peut être admis dans un monastère, qui plus est il y a 350 ans.


Aussi longtemps après les faits, difficile de faire la part des choses entre ce qu'on voit à l'écran et ce qui s'est réellement passé. Toujours est-il que le film entretien bien le mystère autour de Benedetta Carlini. A-t-elle vraiment eu des visions et des stigmates? Était-elle une usurpatrice qui a cherché à manipuler son entourage pour bénéficier d'une vie plus privilégiée? Souffrait-elle de troubles psychologiques? Verhoeven maintiendra le doute jusqu'au bout...


Le film porte également sur la question du désir, et sur la capacité d'un individu à gérer une puissante attirance dans un contexte qui l'empêche totalement de s'exprimer. Indirectement, il interroge à juste titre sur le sens de l'obligation d'abstinence imposée aux religieux par l'Eglise Catholique.
Dans le film, le sujet est "matérialisé" par des scènes torrides entre Virginie Ephira et Daphné Patakia qui pourraient heurter les spectateurs les plus pieux et/ou prudes. Néanmoins, ceux qui connaissent le cinéma de Verhoeven n'en seront guère surpris.


Benedetta n'est pas exceptionnel, il est d'ailleurs interprété de manière relativement inégale et certaines scènes sont un peu ratées.
Sur le fond, il demeure plutôt intéressant et questionne légitimement sur le conditionnement d'un individu passant sa vie en milieu clôt, sur le désir en milieu religieux et sur la toxicité de l'Eglise sur la société durant des siècles (endoctrinement et contrôle de masse, intolérance, violence, injustice...), et ce à partir de faits supposés réels.
A défaut d'être un grand film, Benedetta aura le mérite de susciter des débats, ce qui après tout, n'est pas le dernier rôle du cinéma.

billyjoe
6
Écrit par

Créée

le 26 juil. 2021

Critique lue 169 fois

Billy Joe

Écrit par

Critique lue 169 fois

D'autres avis sur Benedetta

Benedetta
Plume231
8

Shownuns!

Alors un de mes réalisateurs préférés dirigeant dans un rôle principal une des actrices préférées, autant le dire, Benedetta était une de mes plus grosses attentes de l'année ̶2̶0̶2̶0̶ 2021...

le 12 juil. 2021

75 j'aime

26

Benedetta
JasonMoraw
8

Pilonner le blasphème par le God

Paul Verhoeven est un éternel franc-tireur. Un crucifieur de la bienséance. Un provocateur controversé. Son cinéma reprend sa place d’instrument de libération bien décidé à s’absoudre des...

le 12 nov. 2021

60 j'aime

9

Benedetta
Jb_tolsa
4

Tétouffira

C'est Brigitte. Elle est vive d'esprit, et au moyen âge, les filles vives d'esprit finissent violées ou au bûcher. Habile, son père la sauve de ce destin tragique et la place dans un couvent contre...

le 6 janv. 2023

55 j'aime

30

Du même critique

Deux fils
billyjoe
7

Le cœur des hommes

On connaissait Félix Moati, l'acteur. S'il n'a pas joué que dans des chefs-d'oeuvre, le jeune homme a déjà une filmographie relativement dense. A 28 ans seulement, il sort en ce début d'année, son...

le 12 janv. 2019

13 j'aime

Dernier train pour Busan
billyjoe
7

Zombiepiercer

Le cinéma coréen a le vent en poupe, et il le mérite bien. Ces dernières années, les productions de qualité en provenance du « pays du matin calme » ont explosé. Le créneau fantastique est d’ailleurs...

le 1 sept. 2016

11 j'aime

La La Land
billyjoe
8

L.A Music Hall

A Damien Chazelle, on devait déjà le très bon Whiplash en 2014. A seulement 32 ans, et pour son troisième film en tant que réalisateur, Chazelle se plonge à nouveau dans le monde de la musique avec...

le 22 févr. 2017

9 j'aime