Avec Big Eyes, on pourrait croire que Tim Burton réalise un prolongement d'Edward aux mains d'argent, sauf qu'ici, il abandonne le conte, il abandonne le fantastique pour se consacrer uniquement aux gens qui vivent dans ces banlieues trop colorées, ou toutes ces couleurs, toutes ces couches cachent quelque chose de louche.
Avec Big Eyes, le monde est un théâtre, l'Amérique est un théâtre où seuls les meilleurs comédiens s'en sortent. Le grand problème que soulève le film en mettant constamment en miroir l'individu et la société (est-ce le personnage de Christoph Waltz qui répond à ce que la société impose ou bien est-ce à cause de gens comme lui que la société est corrompue ?) est la question de l'identité. Tout à à voir avec l'image et ce que l'on trouve lorsqu'on gratte un peu trop le vernis, quand la surface n'est pas lisse. Burton, on le sait, a toujours eu une aversion pour les choses bien proprettes, ces banlieues où tout semble interchangeable, artificielle, faux, factice. Lui rêvait que les monstres des films d'horreur viennent semer la terreur dans son voisinage. Ici, il met donc sur grand écran ses angoisses et celui qui les incarne le mieux serait Walter Keane, cet usurpateur, qui, plus il en fait, plus il réussit à tromper son monde. Impossible de ne pas penser à Arrête-moi si tu peux de Spielberg. Sauf que chez Burton, on grince des dents. La devise de l'Amérique qui veut qu'on peut devenir n'importe qui (dans le sens de s'élever, de réaliser de grandes choses) est dans Big Eyes à prendre négativement. Les personnages du film n'ont pas de racines, ils ne sont que du vent. Tout est faux ! Waltz est un clown à baffer, Amy Adams une femme soumise qui se réveille bien tard et le mieux est la citation d'Andy Warhol en guise d'ouverture !
Burton semble s'amuser à réaliser un film très classique (en tout) mais il n'en perd pas pour autant son mordant. Chacun dans Big Eyes joue un rôle et cache sa véritable personnalité (parce que celle-ci n'est pas conforme à ce que la société américaine désire et parce que cette personnalité ne permet pas de s'élever). Mais Burton rappelle que la comédie ne peut jamais durer éternellement. Le rêve américain est fait pour être sans cesse remis en cause et les menteurs sont toujours confondus (le cinéma américain adore les scènes de tribunaux, théâtre de la vérité par excellence, scène où tous les masques tombent).