Birdman sort sur les écrans français, avec quatre oscars à son palmarès : meilleur film, réalisateur, scénario et photographie. L'académie en a fait un succès, les critiques sont dithyrambiques et Michael Keaton retrouve le haut de l'affiche. Mais le film vaut-il vraiment toutes les éloges et prix reçus ?

Pour son cinquième film, Alejandro G. inarritu, signe une tragi-comédie, en remettant sur le devant de la scène, Michael Keaton, un acteur populaire à la fin des années 80 et aux débuts des années 90, pour son rôle de Batman, dans les versions de Tim Burton.
L'histoire est celle de Michael Keaton, de son parcours en tant que comédien, mais aussi en tant qu'homme. Le temps a fait son oeuvre sur le physique de ce sexagénaire, il n'est plus le fringant acteur au sommet de sa gloire, avec le succès des Batman. Son sourire carnassier, s'est transformé en un rictus de psychopathe, que n'aurait pas renié le Joker. Il est l'homme d'un seul rôle, on a oublié qu'il est aussi Beetlejuice. Il est devenu un acteur has-been, même s'il est revenu récemment dans le remake de "Robocop".

Alejandro G. Inarritu va suivre dans les coursives, les loges, la scène, les toits, la rue et les bars, cet homme en quête de respectabilité, mais surtout d'éternité. La réalisation est merveilleuse, elle donne l'illusion d'être un seul plan-séquence. C'est en fait plusieurs plans-séquences, mais grâce à un énorme travail de montage, cela se voit à peine. Au-delà du travail technique, il y a cette impression d'être au cœur des coulisses d'une pièce de théâtre, la caméra devenant un personnage à part entière. Sa présence n'est jamais oubliée, elle est dans les pas de tout les acteurs(trices), en les mettant constamment en avant, mais ne s'effaçant pas vraiment.
Le film se déroule dans le St James Theatre de New York. Un lieu unique, ou Michael Keaton adapte, met en scène et joue dans "What We Talk About When We Talk About Love" de Raymond Carver". L'oeuvre qui doit faire de lui, un grand acteur, au lieu d'un acteur populaire.
Broadway est plus prestigieux pour les acteurs, qu'Hollywood. Ils recherchent l'adoubement de leurs pairs, pour laisser une trace au panthéon des grands acteurs(trices). C'est un sentiment profondément humain et surtout, une manière d'accéder à l'éternité. Il faut voir Naomi Watts, remerciant Michael Keaton de l'avoir choisi, de lui permettre de jouer sur les planches de ce prestigieux théâtre, en étant au bord des larmes. Mais on a aussi Edward Norton, en acteur prétentieux et arrogant. Un habitué des planches, à l'ego surdimensionné. Les critiques l'aiment, mais le public ne le connait pas. Dans la rue, il est dans l'ombre de Michael Keaton, d'un has-been, ça fait mal à son ego.

Le film semblait faire l'éloge des "vrais" acteurs, de ceux qui jouent tout les soirs, sans filets, sans effets spéciaux, etc.... mais il les égratigne, comme il le fait avec les blockbusters et cette mode des super-héros Marvel, en se moquant de Robert Downey Jr; un ancien has-been; de Michael Fassbender, de Jeremy Renner (qui ?), entre autres, mais en oubliant qu'Edward Norton fût Hulk. Les critiques ne sont épargnés, avec le classique "vous êtes des frustrés, se cachant derrière vos articles". Tout ce qui touche au 7ème art est mis à mal, mais surtout Michael Keaton. Il s'auto-parodie, à la limite du cabotinage, comme la scène dans Times Square.
C'est le portrait d'un homme, du caractère éphémère de la gloire. C'est un film d'acteurs, fait de dialogues ciselés, pour les amoureux du cinéma. Mais c'est aussi, un film qui s'essouffle doucement, mais surement, en se regardant le nombril, en se répétant et devenant vain. Heureusement, la rue va lui redonner un peu de lumière, mais Michael Keaton reste un bon acteur, ne parvenant pas à devenir un grand acteur. Il est dans l'ombre d'Edward Norton dans la première heure. Sa mise en abyme est intéressante, mais pas passionnante. Surtout, il ne profite pas de se retrouver seul sous les feux de la rampe, pour prendre le film à son compte. La réalisation d'Alejandro G. Inarritu prenant le dessus, au rythme de la batterie d'Antonio Sanchez. C'est beau, mais comme son compatriote Alfonso Cuaron pour "Gravity", le côté technique est plus réussi, que le côté scénaristique.

En dehors d'Edward Norton dominant le casting et du "héros" Michael Keaton, on a Emma Stone, qui s'en sort bien. Pourtant, cela ne partait pas vraiment bien pour elle, son monologue face à son père, en lui crachant ses vérités au visage. Il y a un excès dans son jeu, qui la rend énervante, mais face à Edward Norton, elle va démontrer sa capacité à être une bonne actrice, ce qui est une bonne surprise. Le reste du casting étant anecdotique, avec Zach Galifianakis, Amy Ryan et Andrea Riseborough, se contenant des miettes.

Birdman n'est pour ma part, ni le meilleur film de l'année, ni même scénario. C'est un film qui séduit par sa beauté visuelle et ses charges contre les acteurs, les critiques et le cinéma en général, même si au final, cela reste inoffensif.
easy2fly
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le 4 mars 2015

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Laurent Doe

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