Désinformation politique

Spike Lee est bien connu pour ses prises de position (comprendre "engagement") sur des sujets de ce type. Là où le traitement qu'il en fait est généralement bon, ici, c'est raté. Esthétiquement, rien à redire. Mais sur le fond et notamment sur l'aspect politique, c'est à côté. Et c'est d'autant plus pervers que ce que lui propose, par réécriture, à partir des mémoires de Ron Stallworth (passons sur tous les écarts qu'une personne peut produire en écrivant sur sa vie, notamment lorsque son oeuvre peut être destinée à être lue par un public, et qu'elle a fait partie d'une institution répressive), se présente comme un miroir fidèle à ce qui serait la "réalité", finalement comme une "histoire vraie".

Or, Spike Lee prend clairement position, dans un contexte ambiant pourtant bien inquiétant en ce qui concerne le statut des populations afro-américaines et de leur traitement par la police, en faveur d'un récit éclairant sous un beau jour l'action de la police. Elle aurait infiltré à la fois les organisations antiracistes et racistes, afin de juguler leurs velléités révolutionnaires et antirévolutionnaires, mais à la fois pour le bien de l'Amérique et des populations afro. Comme l'avance un fin connaisseur de cette période, l'histoire est tout autre. Pour les besoins de la fiction, des faits peuvent évidemment être inventés. Mais s'ils sont tels qu'ils introduisent un écart de nature à travestir ce qui s'est effectivement passé (l'arrestation d'un méchant flic blanc raciste - alors qu'aujourd'hui il est encore si difficile d'obtenir la sanction pour des faits racistes par l'IGPN ; le désamorçage d'une bombe ; l'infiltration dans le KKK pour désamorcer ce qu'ils font), qu'ils induisent une forme de réécriture, le danger est bien là. La connaissance sur cette période à laquelle un grand public peut accéder grâce à la pop culture s'apparente à de la désinformation.

Pour étayer ce que je dis et le reste, cette critique : http://www.lecinemaestpolitique.fr/a-propos-de-blackkklansman/